Premières confidences
— Bien, j’ai quelque chose à vous dire.
— On t’écoute ma belle.
Novembre à pointer le bout de son nez, je reprends vie et l’incident est passé aux oubliettes. Quoi que… Eva me hante toujours. Son image paralyse mes nuits, les raccourcissent et comme ma vie est courte également, je me concentre sur du positif. Du moins, j’aborde mon masque pour duper le reste du monde.
Je sais bien que les autres m’épient pour chercher des indices…Ils me voient lutter contre ma fatigue, travailler pour faire taire ma culpabilité. Pourtant, l’étrange voix ne me revient plus et j’en suis persuadée, mon délire est de mon cru. X, moi, elle. Sortir enfin, le mauvais souvenir et admettre ma responsabilité. J’ai pêché pour la première fois, d’autres faits ont suivis.
Ici, ce matin, dans ma chambre, je décide de me reprendre en main, de tenter une dernière fois, de laisser une belle trace sur Terre. À défaut de réaliser mon rêve d’Opéra, il me reste mon petit plan.
C’est donc avec le sourire que j’ai invité une petite réunion avec Roberto, César et Tania, intrigués, vu que c’est la première fois depuis mon retour. La jeune femme me sourit aussi et j’admets l’apprécier enfin, vu qu’elle me soutient depuis le début. Je me souviendrais toujours de son remerciement lors du premier concert à l’école. J’avais repris ma place mais le producteur l’avait choisi elle, refusant de m’écouter.
— Voilà, j’ai pensé à votre idée de groupe. Mais avant, vous en avez parlé au producteur ?
— Non ma belle, on est libre de créer un autre groupe. Tout dépend quel style et puis, faudra attendre que ton bras retrouve sa force. Normalement fin décembre ?
Je fixe mon attelle pensive en me remémorant tout ce que je déteste. L’immobilisation, avoir chaud et le porter aussi souvent que possible. J’avoue que ça m’emmerde à tel point que j’ai voulu boxer le soir en salle de danse, il y a quatre jours. Adela qui sortait d’une réunion m’a remis les idées en place, me rappelant l’importance de respecter les consignes.
«
— Tu rigoles ! Toi aussi tu as danser avec ta jambe cassée !
— Nuance jeune fille ! Le médecin m’a autorisé les derniers jours, souviens-toi.
Sa colère se dissipe pendant que je masse ma douleur. Mes larmes lui indique ma détresse et elle prend le relais pendant que je m’hydrate. Au loin, la lionne Carmen nous épient, pleine de compassion.
— Pourquoi tu t’infliges ça ?
— Aucune idée…
— Tu refuses de me le dire ? Tu sais qu’on est là pour t’épauler, te confier te feras du bien.
— Tu as le chic de me percer…mais alors, pas maintenant. Besoin, besoin de, oui de temps.
— Promet moi alors de ne plus te faire du mal, d’accord ? Et dès que tu te sens prête, venir nous voir, ok ?
— Je te le garantie….
Elle m’enlace, elle aussi peiné et je file me coucher. «
Oui, c’était une connerie, qui retarde mon rétablissement.
— Quelque chose qui ne va pas ?
Je retourne mon attention vers Roberto qui sert ma main droite et essuie le peu de larmes qui osent franchir le cap sans mon accord. Il n’est pas au courant, c’est déjà trop à confier aujourd’hui, pas la peine de le noyer. Mon maigre sourire, ne semble pas le convaincre, comme d’habitude.
— Ecoute, ça va. Juste que j’ai encore du chemin à parcourir. En attendant, je me suis inscrite au concours de Juan, catégorie chant.
— C’est une bonne idée Marta ! Tu vas gagner, j’en suis sûr !
— Merci César.
— Je t’en prie ma chère ! Et donc, le groupe ? Et, le concours, tu y vas seule ? Si tu veux qu’on t’accompagne pour des instruments.
— Du calme César, laisse là respirer !
— Ce sont des questions pertinentes Tania, il a raison. En tout cas, en fait, je dois vous avouer que j’ai privatisé une salle chez votre producteur pour une heure au moins. Moi, une caméra et mes danses. Ok, je ferais attention à ne pas faire de mouvements brusques. Disons, que vous ne le savez pas mais dès mes seize ans, j’avais un groupe d’amis amateurs jouant pas mal de styles comme le rock, le raps, la mélancolie…Ils sont des génies, mixant avec le début des ordinateurs et leurs talents bruts. Même si on s’était perdu de vues, les contacter pour le concours de Juan qui se déroule le quatre décembre, est réussite. Ils sont partant pour que je gagne le trophée de l’école dans ma catégorie.
— D’accord ma belle, je suis heureux de découvrir tes talents cachés. Le nom du groupe ? Quels styles ? Tu veux qu’on vienne te voir à la première répétition ?
— Ouai.
— Ils seront pas là seulement, j’aurais les musiques et les clips. Je tenais juste à vous dire que si vous me voyez là-bas, dans deux jours, c’est normal. Pour les styles, on n’a pas définis, si tu as bien suivis. Les passagers suivront un fil conducteur sans doute.
— Et lequel ? Si tu veux pas nous dévoiler, on comprendra.
— Ho, société je pense, moi et elle….
— Elle ? Qui elle ?
Roberto a réussi à me retourner le bâton. Je me tais et je regarde une deuxième fois mon attelle puis nos mains enlacées. C’est le moment de lâcher la pierre, c’est le passé, point.
— Eva Rodriguez. Ma première meilleure amie. Elle… elle est morte, à l’âge treize ans. Elle s’est tuée en sautant d’un pont avant qu’un train de marchandise là fauche... Pour dire vrai, j’étais là.
— Comment ça t’étais là ?!
— Tania ! Doucement avec ta question temporise César.
— Pardon Marta.
— Marta… si tu sens que c’est pas le moment, on peut comprendre…
Mon homme sert plus fort ma main, ou alors c’est moi. Dans tout les cas, ça me redonne confiance pour continuer. Je retiens mes larmes, souffle un bon coup puis je termine le supplice en me perdant dans son abîme.
— Elle vivait dans la maison d’en face. Je ne dormais pas à cause de l’orage. À ma fenêtre, j’ai entendu toquer. C’était elle. Je lui ouvert et en silence, elle m’a demandé de la suivre à vélo. On est allé sur le pont, à vingt-trois heure, trempées comme des chiens. Je me rappelle pas ses mots. Tout au ralenti ou tout en vitesse. Je ne saurai pas définir le temps.
— Et ? Ensuite ? Tu as expliqué son geste.
Son doux baiser sur le coin de mes lèvres me réanime doucement.
— Eh bien, j’ai dit que je me souviens plus de nos échanges. Je me vois vaguement tenter de l’en dissuader. La retenir avant qu’elle s’envole comme un oisillon. Écraser comme une purée et l’angoisse, la culpabilité, la colère, la dépression, la déperdition se sont agglomérer. J’ai rien compris. Littéralement rien. Deux ans de silence, une tentative de suicide deux ans plus tard. Suivis de cannabis, thérapies et autres... C’est dans ces périodes là que j’ai formé mon groupe et créer beaucoup de chansons clips.
Je me lève pour chercher dans mon armoire, une photo d’elle. Je l’ai toujours embarquée avec moi, et la revoir en vrai, me tend. Ils l’a regardent aussi alors que je la dépose sur la table de chevet.
— Je ne vous ment pas quand je vous dis que je ne sais rien d’autre. Un choc traumatique, c’est évident. Je vous cache pas non plus, que ma crise m’a brisée et je désire plus de calme. Je ne suis plus celle hyperactive. Je me pose beaucoup de question aussi. On change tous sauf que la mort nous rappelle que le temps nous est compté. Enfin, le X, je te tuerais, dégage de mon esprit, ma théorie la plus probable, serait qu’ayant échappée à la mort, cette dernière m’a rappeler celle d’Eva, que je n’ai pas su sauvé. Le X serait donc moi et je voulais me suicider aussi…
Le silence est lourd, je sens que chacun analyse mes propos chocs.
— Ma belle, qu’est ce que cela te fais de nous dire tout ça ?
— Depuis qu’elle hante mes nuits, je ne cesse de radoter cette explication. En fait, j’angoisse de me dire que mon délire puisse recommencer ! Pour le moment, je me concentre sur le concours, ça me permet d’évacuer toute ma vie. Désolé d’avoir beaucoup parlé. Je voudrais me reposer.
— On va te laisser reprendre des forces. Tu viens Tania ?
— Oui César. Roberto ?
— Deux minutes, on se retrouve à la cafétéria.
— Ok répond Tania.
Pendant leurs départs, je fuis pour vomir puis je me rince le visage à l’eau froide pour me réveiller. Roberto m’a suivi inquiet et sans hésité, je me colle a lui pour enfin pleurer.
— Je suis là ma belle. Tu es en vie. C’est le plus important. Je t’aime mais ça tu le sais.
— Je… je l’ai jamais pleurer. Jamais pu lui rendre hommage…je ne suis jamais allé sur sa tombe, c’est horrible, je sais !
— Tu te sens un jour prête à revenir ?
— Laisse-moi penser à autre chose… je… je veux juste finir ma nuit !
— C’est vrai que tu sembles dormir mal ces derniers jours.
Il me scrute et je me mate à nouveau dans la glace. Un fantôme….
— Je… tu diras à Adela que je vais dormir. Je suis juste fatigué par mes répétitions solo et mes cours.
— Je crois en toi en tout cas. Et puis ta sœur comprendra ton absence. Bien, ton preux chevalier va accomplir sa mission. Je vais laisser ma reine en repos.
On rit puis après un deuxième baiser, j’ai enfin la paix. Je retire mon attelle, bien que je dois le garder pour dormir. À peine mes yeux fermés, que je m’en vais direct. Je m’endors jusqu’à midi, l’heure où c’est ma mère qui me réveille. J’ai oublié le rendez-vous avec le médecin je pense. Non ?
Annotations
Versions