Une revenante
Je suis sortie après un dernier mois au centre. Bien que mes silences valent des cris, on m’autorise à me réadapter à la vie sociale.
Il y a eu des micros-victoires tel que participer aux ateliers d’arts thérapeutiques et faire un peu de renforcement musculaire. J’ai aussi continuer à me confier au médecin et à suivre mon traitement.
Pourtant, plus je pense réussir à être comme avant, plus j’ai le sentiment que tout ce bordel va revenir ou bien que j’ai tout inventé….
— Non !
— Non, quoi Marta ?
— Non enfin…tu disais quoi ?
Tout fier, il me désigne l’école de danse. Je sors de ma poche de veste, mon petit carnet pour savoir quel jour on est et ce que j’avais prévu. Chose qu’il ne comprends pas toujours car il me le prend doucement et m’embrasse pour que je me réanime. Je suis lente et j’ai du mal à croire qu’avant j’étais une boule d’énergie.
— Tu n’as aucunement besoin de ça.
— Roberto...
— C’est une aide certes cependant il faut faire confiance à ta mémoire.
— Si je réfléchis, elle peut m’entendre.
— Tu n’as plus d’hallucinations ?
— Non mais j’ai peur…j’arrive pas encore à tout maitriser. Et je pense que j’ai inventé tout ça pour la discréditer.
— Marta, elle était malade, elle écrivait des articles pour justifier son petit délire.
— Oui mais elle était médium et on appelle les morts pas l’inverse ! Et puis, j’étais bien avant et puis, tous ces derniers mois, j’ai bien perdu le contrôle et donc elle disparait d’une simple dernière demande…et j’ai pu, oui te faire croire des choses et puis.
— Je comprends tes doutes sauf que…
— On tombe pas fou du jour au lendemain !
— Oui de ce point de vue, oui. Sauf qu’il y a eu des signes discrets avant et puis des maladies mentales on peut en découvrir des extrêmement rares.
— Je ne suis pas un cobaye…
— On te considère pas comme ça, rassure-toi.
— Alors on fait quoi si ça rechute ? Je refuse qu’on me perfuse d’antidépresseurs et de psychotiques !
— Si ça recommence, faudra continuer à le signaler.
— Mais toi ?!
— Quoi moi ?
— Tu penses que j’ai inventé ?
— Être dans ta tête est impossible et je préfère croire qu’il existe une grande part de psychose et de l’autre, des choses inexplicables.
— ….
— Bon, revenons ici au présent.
— Devant l’école mais je ne suis plus élève ! Et non ! Je ne peux !
— Par les groupes, tu as appris à te sociabiliser et tu sais, tu resteras avec moi.
— J’ai peur….
— Je restes là. Et tu as voulu essayer de revenir ici.
— Rend moi mon carnet.
— Tiens.
— Merci.
Je le remet à sa place et l’angoisse m’envahit. Quand il me force à le regarder, il m’apaise un peu. Sa main dans la sienne, il continue de me calmer.
— On va faire petit à petit. D’accord ?
— Deux semaines que j’ai pas vu autant de monde que ma famille et toi…je…mais ils me connaissent, ils m’appellent la folle !
— Je t’assure que personne ne sait ce qui s’est passé réellement. Tous ce qu’ils ont appris c’est tu as décidé de te déscolariser pour te préserver après ta greffe.
— Et la crise ?
— Tout n’a pas besoin d’être étaler à leurs oreilles.
— Et s’ils me posent des questions ?
— Chut, je serais leurs claquer le palais.
— …
— On y va ?
— Oui…
Un baiser sur la joue et je le suis à la redécouverte de chaque endroit qui a fait de moi, une meilleure personne, d’après ce que je me souviens. Je me vois sourire sauf qu’il laisse place à de la nostalgie puis à des regrets...
En observant une classe danser, mon désir est de les rejoindre et Roberto l’a bien senti. Il me parle sans que je comprenne ses mots. Puis, je tourne mon attention vers la professeur qui stoppe le cours et qui vient nous voir. C’est ma sœur et je me sens idiote de ne pas l’avoir remarquée.
— Marta ? Marta ?
— Hum…
— Tu veux danser ?
— Non Roberto…je n’ai pas la force. Enfin, j’ai envie mais pas aujourd’hui…
Je m’éloigne vers l’ascenseur et je m’assois contre le mur pour relire mon carnet : Ecole, projet. ¨Projet ?! Plus je retourne ma mémoire, plus il se vide.
…..
Je sors de ma classe heureuse et mon angoisse remonte à la mine découragé de Roberto.
— Comment c’était ce matin avec le médecin ?
— Le cardiologue ?
— Bé oui Roberto !
— Oui, je demande car elle avait aussi rendez-vous avec le psychiatre.
— Je croyais que c’était la semaine prochaine.
— En tout cas, elle a voulu que je reste. Tout est sur la bonne voie.
— Tant mieux.
— Dit moi, tant que tu es là, tu peux t’en occuper ? Je viens de penser que j’ai un rendez-vous important avec le groupe.
— Aucun soucis. J’ai rien dans l’après-midi.
— Je reviendrais pour manger. Sauf si tu souhaites être avec elle.
— On verra son avis.
— Oui, je comprends. Sinon, elle ne l’a pas mentionner au rendez-vous mais elle a parlé de sa peur de faire une rechute, de réentendre des voix. Elle a aussi pensé avoir tout inventé.
— Tout est possible. Aller, je vais la voir.
Marta n’a pas encore bougé et je m’installe à ses côtés. Elle ferme et réouvre son carnet plusieurs fois comme si elle s’attend à ce quelque chose apparaisse.
— Un problème ?
— Non enfin…si j’ai trouvé !
Le peu d’énergie lui permet de se relever pour m’embarquer jusqu’à tenter de se cacher pour me chuchoter en panique, presque dans la parano :
— Mon projet c’est de simuler mon enterrement.
— Comment ça ?!
Je me rends compte que je l’a met mal à l’aise quand des élèves sortent de l’ascenseur pour rejoindre les autres cours. La vue de Carmen au loin, m’indique qu’elle m’a repéré, pas dupe que je vais être interroger. Je reviens vers ma sœur plus calmement en la forçant à me regarder.
— Marta…tu n’es pas sérieuse, si ?
— J’en sais rien, en parlant avec Eva de comment ça fait de mourir, j’ai pensé le simuler et puis j’aimerai que tout soit ok, le jour J.
— Bon…et tu as l’idée de ça quand ?
— C’est Eva.
— Eva ok mais toi, tu as bien prise cette décision, peut-être au centre non ?
— C’est Eva qui me l’a dit. Mamie est au courant aussi.
— Elle te tourmente à nouveau ?
— Parfois mais pas comme avant !
— Hum...il ne faut pas hésiter à dire tout ce qui peut entraver ta réinsertion enfin, tu me comprends, hein ?
— C’est Eva qui me l’a dit. Et Eva m’aide ici.
— Comment ça ici ?
Elle range son carnet et je conclus que plus je pose des questions non pertinentes, plus sa maladie l’emporte. Il faut que je change de sujet :
— Roberto revient pour peut-être manger avec toi, il a quelque chose d’important. Du coup, j’ai du temps à te consacrer, tu veux faire quelque chose de particulier ?
— Oui.
— Je t’écoute.
— Parler à papa et maman pour planifier mon enterrement.
— Ok…bon, alors, on va passer à la maison. Attend-moi là, je vais prendre mon sac.
Je me dépêche de le récupérer avant qu’Irène ne commence puis durant le trajet, elle ne cesse de souvent répondre que c’est Eva qui lui a dit. En espérant qu’elle ne va pas recommencer dans les jours prochains.
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