Le chemin du renouveau
— Prête ?
— Oui.
Elle porte son sac à dos, déterminée à reprendre sa vie en main. Octobre est là et avec Eva, elle nous embarque dans un tour d’Europe pour commencer.
— Comment avance le jugement Eva ?
— On s’en fiche ma mignonne ! L’important c’est toi.
— Ouai…Je suis encore désolé d’avoir perdu pied…je voulais savoir si j’étais capable de prendre des décisions, si tu n’étais pas une manipulatrice, que tout était bien réel, ma souffrance, mon désespoir, ma lassitude et ma bataille face à une montagne d’illusions…
— Au moins, tu veux avancer, tu te confies de plus en plus et ton doigt est réparé !
— Et tu es là.
— Moi aussi je suis là ma belle.
— Heureusement Roberto !
— Bon, qui veut m’aider à lire une carte ?
— Tu n’as pas le sens de l’orientation mec ?
— Ne te moque pas, quoi que c’est pas faux. Disons, que les langues c’est nickel mais…
— Ok, pas de soucis. Marta ?
— Hum ?
— Tu veux regarder avec nous le chemin ? Où tu veux aller ?
— Paris. Des années que je ne suis pas allée…je vous fais confiance. Je vais manger un peu.
Elle pose son sac sur le banc de l’école, notre point de départ pour manger une pomme. Eva se recoiffe pour faire une queue de cheval et réajuster son chapeau. Il fait ni chaud ni froid mais quand même…Moi, je ne suis pas en tenu vraiment de saison non plus.
En l’observant préparer le plan, je me demande si elle a déjà fait auparavant. Experte, avec un feutre, elle trace la possible route.
— Un avis compagnon de route ?
— Au vu de tes errances au pays, tu nous cacherais pas aussi des voyages en Europe ?
— Si tu entends par là, marcher comme une sans-abris, travailler illégalement et payer une fortune de faux papiers, alors oui. Mais en touriste, randonneuse, non.
— Tu as déjà visiter Paris ?
— Non pas les grands monuments, seulement les ponts.
— Bon, on y va ? On part combien de jours déjà ?
— On va partir et c’est selon ton rythme, ton humeur. Ta fatigue aussi, nous au suivra.
— Je ne sais pas si je serais capable de marcher jusqu’à Paris.
— Onze jours, hum, moi aussi ça risque de m’épuiser.
— Les filles, si besoin, on prendra le train, le taxi.
— Pas d’argent mec.
— J’ai suffisamment de réserve pour vous les offrir. Une occasion gratuite de vous retrouver.
— Merci mec, tu es si généreux. Marta, je te jalouse un peu !
— Faut pas…au fait, mes médicaments ?! Ils sont où ?!
— Dans ton sac et j’ai un petit stock si nécessaire ma belle. Prête ? En route ?
— Oui mon cœur. Merci pour tout.
— De rien, marcher, découvrir le monde, à de nombreux bienfaits.
— J’ai hâte de sortir de cette cage, je tourne en rond, l’impression que ça dure depuis trente ans…
Elle se lève et je lui prends sa main pour suivre Eva, qui a toujours sa carte en main. Bien que je suis sportif, après six heure, je suis exténué. Comme les filles et on est bien heureux de s’arrêter dormir dans un mobile-home. Pour fêter la première journée, je les invite au restaurant.
Finalement, après deux jours, on loue une voiture pour arriver plus vite à destination. Le soir de notre arrivé avec vu sur la Tour Effel, Eva me demande de jouer un rôle. N’ayant pas compris de quoi il s’agit, je lui murmure mes questions dans leur chambre pendant que Marta prend sa douche.
— Ecoute, il faut que dès qu’elle sorte, on lui montre par une dispute concernant l’argent que…
— Je n’aime pas m’amuser comme ça avec elle ! Je reste naturel et puis pourquoi tu mets l’argent sur la table ? J’aime juste vous offrir tout le voyage et…
— Justement ! On n’a pas d’argent ! Tu prends ton rôle trop à cœur, aucune liberté de s’imposer avec toi !
Perdu, j’entends Marta quitter la salle de bain en culotte et la voir s’assoir pensive sur la chaise à côté de la fenêtre. Elle joue avec son tee-shirt et je reviens vers son amie qui me pousse, me fait un clin d’œil en continuant de jouer. Elle me repousse une deuxième fois.
— Bé alors mec ! Tu as perdu ta langue ?
Elle rit et je ne sais plus quoi faire. Je supplie Marta de dire quelque chose, n’importe quoi…
— L’argent, on s’en fiche Eva. On s’en fiche. Je sais ce que tu cherches à faire…j’ai compris pourquoi je devais venir ici. La ville des Lumières, des stars…jouer ma vie, je suis parfaite dans ce rôle.
— Marta, tu…
— Roberto ?
— Oui ma belle ?
Elle me regarde avant de toucher ses trois cicatrices, se lever et se planter devant nous :
— Rien n’a de sens, j’ai tellement menti ces derniers mois, on m’a tellement menti ces dernières années, que je pense que j’existe que pour une seule raison.
— Laquelle ?
— Eva, ta question sera répondu. Sache en tout cas même si j’aimerais me jeter par la fenêtre, pour me punir de vous avoir rendu dépendant de mes maladies, de vous avoir tant fait croire de choses pour que je voie la lumière…Tu pensais qu’être des personnages suffiraient vraiment à réduire la fréquence de mes délires ?
— Ce n’est qu’une idée comme ça Marta…si tu nous à emmener ici, c’est que tu as donc trouver une piste pour t’en sortir ?
Elle revient dans la salle de bain et on hésite à la suivre. J’amorce un mouvement, Eva m’arrête pour me parler à voix basse :
— Je sens qu’on est sur la bonne voie.
— Non, moi, je vois qu’elle n’a pas bougé d’un iota et ses sourires sont faux. Evidemment, elle prend l’air sauf qu’il lui manque son essence, la danse.
— Justement !
— Justement quoi ?!
— Paris, les stars…elle rêve d’être connu depuis son enfance.
— Ouai, bon, vous m'avez perdu toutes les deux ! Entre toi qui me force à nous engueuler pour un sujet qui est ridicule et elle, qui est en phase de morte-vivante !
— Tu n’as donc plus d’espoir ?
— Je suis désemparé…je me sens en fait, inutile et je ne lui reproche rien. La dépression est une maladie complexe, je n’arrive même plus à échanger longtemps avec elle. Elle l’a voulu dormir avec toi et oui, elle me manque. Terriblement, c’est triste à admettre malgré toute ma passion pour elle mais pour moi, Marta est morte et je compose, je construis une nouvelle personne…
Je m’assois sur le lit en larme et elle m’imite silencieuse.
— C’est ma faute, je n’aurais jamais dû revenir de cette façon-là. Elle a raison, j’aurais dû lui…
— On s’en fiche, c’est du passé. J’ai moi aussi avant de la rencontrer, fait des erreurs. Marta est un nouveau cas d’étude pour la science et d’autre part…
— Upa Dance est mort, Turritopsis dohrnii est né !
Marta revient plus sûr d’elle et on a peur. C’est le paradoxe, à chaque moment de bonne volonté, on a de large chance que tout s’effondre…Entre soutient et tristesse, nous aussi, on vit l’Enfer.
— Turritop quoi ?!
— Turritopsis dohrnii Roberto, le nom scientifique d’une méduse immortelle.
— Et ton haut ma mignonne, c’est l’affiche du groupe ?
— Oui Eva ! Et regardez avec qui je vais former mon groupe !
Elle s’approche de nous, agite son haut et je lis les noms autour du dessin de la méduse bleue sur fond noir :
— Eva Rodriguez et moi. Eu, ma belle, tu…
— Quoi ?! Ok ! Je tisse des projets qui finissent à la poubelle ! Et pourtant, partant de ce constat où à l’instant j’ai faillit ne plus renaître, il me fallait me battre pour vous parler de ce qui a toujours fait de moi, moi ! Et croyez-le ! Si dans ma tête, c’est un peu enfin le vide, j’ai eu mal au crâne pour dire « Je reprends le contrôle ! ». Alors, il ne s’agira pas d’un troisième essai de mon groupe. Celui-là, restera pour le moment au placard. Non ! Mettre couper le doigt pour le voir revenir en moi, avoir une deuxième chance possible, toi Eva, sont des signes évidents que je continuerais de gagner la bataille.
— Je ne sais pas vraiment chanter…
— Je te coacherais Eva. En tout cas, on n’a jamais douter ma belle.
— Merci mon cœur. Pas déçu que Tania et César ne seront vraiment avec nous ?
— Comment ça pas vraiment avec nous ?
— Bé, en vrai, j’aimerais qu’ils soient dans le groupe mais bon, c’est à eux de voir. Tu es donc partant ?
— Tu sais, ce qui m’inquiète et je t’en déjà parlé, ce sont les paparazzies…si jamais on arrive au sommet, c’est inévitable. Avec déjà deux groupes du même nom plus mon carrière solo, on va…
— Ils sont comme des morts ou ces voyants qui t’épient. Je ferais avec ! J’en ai toujours rêver ! Tu sais, quand je suis revenu de ma greffe, avec mes deux petits succès à l’école plus tout ce qui s’est passé, je me suis rendu compte, que j’avais légèrement changer. J’ai beaucoup construit, déconstruit, menti, nier les évidences…Cependant, je suis certaine que d’une chose, je vais accepter la proposition du cardiologue car les arts de la scène m’ont tant de fois sauvés que je ne peux pas renoncer définitivement. A défaut d’être professeur, je veux briller, m’assurer que je suis maitresse de mes angoisses, de mes délires et que si je veux perdre le contrôle, ça sera fait délibérément sur scène pour la foule.
— Bien, bien, je suis toujours partant et toi Eva ?
— Je…j’en rêve oui de la reconnaissance ! Mais, on va prendre le temps de trouver le style, écrire nos textes et puis, après le procès qui se passe en novembre.
— Merci de votre soutient ! On va réfléchir à tout ça ! Je vous invite au bar ?
— Avec quel argent ?
— Tu as réussi à en parler mec !
— Ho ça va Eva !
— Je taquine.
— Bé, à part vendre mon cul ou faire la manche…
— Oui, bon, ça va les filles ! Quand on aura du succès, vous devrez me rembourser toutes les dépenses du voyage !
— Tu n’es pas sérieux mec !
— Enfin Eva ! Il a raison ! Depuis qu’on ma retirer ma carte, je me sens…
— Je taquine aussi les filles ! J’adore vous faire plaisir et votre joie vaut tout l’or du monde ! Bien, je vais me changer, dans dix minutes en bas ?
— Merci pour tout Roberto.
Elle me fait un dernier clin d’œil, une tape dans le dos et Marta m’embrasse avant que je file. Une fois la douche rapide, je me sens fier. Marta mérite la gloire, c’est effectivement une battante qui se laisse rarement battre.
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