Une revenante
Ma première sortie temporaire. Bien que mes silences valent des cris, on m’autorise à me réadapter à la vie sociale. Enfin, c’est plus dans un programme. Rester enfermé est horrible et j’ai le plaisir de m’évader en continuant à dessiner.
Bon, ma famille pense que mes dernières peintures représentent une double personnalité à tendance psychopathe. Car, il y autant des envies de meurtres, que mes histoires passés avec un lapin ou le chat noir.
Tout ce qui compte pour moi, c’est de convaincre le psy, que c’est Zok qui me les transmets et que moi, je veux, tester une journée à l’école. Tester mes sensations et confirmer ou pas, ma propre mort. Je suis une revenante, une survivante.
— Marta ? Marta ? Tu es avec moi ?
— Non !
— Non quoi ? C’est bien que je me disais, je sais que tu es dans tes pensées.
— Non enfin…tu disais quoi ?
Tout fier, il me désigne l’école de danse. Je sors de ma poche de veste, mon petit carnet pour savoir quel jour on est et ce que j’avais prévu. Chose qu’il ne comprend pas toujours car il me le prend doucement et m’embrasse pour que je me réanime. Je suis lente et j’ai du mal à croire qu’avant j’étais une boule d’énergie.
Heureusement que mon journal me sert, planifier les étapes, me permet de me rassurer. Mon angoisse commence à monter et je dois me forcer à mieux respirer avant que je perde mes moyens.
— Tu n’as aucunement besoin de ça.
— Roberto...Rend le moi !
— C’est une aide mais il faut faire confiance à ta mémoire.
— Si je réfléchis, tout se mélange et pire, je ne veux pas qu’ils me perturbent !
— Tu n’as plus d’hallucinations ?
— Non mais j’ai peur…j’arrive pas encore à tout maitriser. Et je pense que j’ai inventé tout ça pour la discréditer.
— Marta, elle était malade, elle écrivait des articles pour justifier son petit délire.
— Oui mais elle était médium et on appelle les morts pas l’inverse ! Et puis, j’étais bien avant et tous ces derniers mois, j’ai bien perdu le contrôle et donc elle disparait d’une simple dernière demande…et j’ai pu, oui te faire croire des choses. Et lui ? Tu vois, depuis que je suis en phase de reconstruction, il n’y a plus personne ! Elle devait me guider, elle s’est barré ! Donc c’est du flan ! Et….
— Chut, calmes toi.
— On tombe pas fou du jour au lendemain pourtant !
— Oui de ce point de vue, oui. Sauf qu’il y a eu des signes discrets avant et puis des maladies mentales on peut en découvrir des extrêmement rares.
— Je ne suis pas un cobaye…
— On te considère pas comme ça, rassure-toi.
— Alors on fait quoi si ça rechute une troisième fois ? Je refuse qu’on me perfuse d’antidépresseurs et de psychotiques !! J’en sucre déjà à hautes doses ! Plus là, là, plus là ! Droite, gauche ou se foutre en l’air ? Ou devenir quelqu’un d’autre !
— Si ça recommence, faudra continuer à le signaler, on connait la chanson. C’est grâce à nous si tu es accompagné.
— Mais toi ?!
— Quoi moi ?
— Tu penses que j’ai inventé ?!
— Être dans ta tête est impossible et je préfère croire qu’il existe une grande part de psychose et de l’autre, des choses inexplicables.
— ….
— Bon, revenons ici, au présent.
— Devant l’école mais je ne suis plus élève ! Et non ! Je ne peux !
— Par les groupes, tu as appris à te sociabiliser et tu sais, tu resteras avec moi.
— J’ai peur….
— Je restes là. Et tu as voulu essayer de revenir ici.
— Rend moi mon carnet.
— Tiens.
— Merci.
— Ce n’est qu’une journée, ne te met pas la pression pour ce qu’il se passe autour de toi. L’essentiel, c’est justement que ton bien être. Si jamais, ça ne va pas, on partira, ok ?
Je le remet à sa place et l’angoisse se dissipe. Quand il me force à le regarder, il m’apaise un peu. Sa main dans la sienne, il continue de me calmer.
— On y va ?
— Oui…
Un baiser sur la joue et je le suis à la redécouverte de chaque endroit qui a fait de moi, une meilleure personne, d’après ce que je me souviens. Je me vois sourire sauf qu’il laisse place à de la nostalgie puis à des regrets...
En observant une classe danser, mon désir est de les rejoindre et Roberto l’a bien senti. Il me parle sans que je comprenne ses mots. Puis, je tourne mon attention vers la professeur qui stoppe le cours et qui vient nous voir. C’est ma sœur et je me sens idiote de ne pas l’avoir remarquée.
— Marta ? Marta ?
— Hum…
— Tu veux danser ?
— Non Roberto…je n’ai pas la force. Enfin, j’ai envie mais pas aujourd’hui…
Je m’éloigne vers l’ascenseur et je m’assois contre le mur pour relire mon carnet : École, faux. Faux ?! Plus je retourne ma mémoire, plus il se vide. Je tape mon front dessus en espérant avoir un indice. Quelles conneries ces multiples traumas crâniens !
…..
Je sors de ma classe heureuse et à la mine découragé de Roberto puis derrière moi, celle de ma sœur, je devine déjà que cette journée, va vite tournée au fiasco.
— Comment c’était ce matin avec le médecin ?
— Le cardiologue ?
— Bé oui Roberto !
— Oui, je demande car elle avait aussi rendez-vous avec l’orthophoniste
— Je croyais que c’était la semaine prochaine.
— Son cœur se maintient et elle a avance bien ses exercices de mémoire de mots.
— Tant mieux.
— Dit moi, tant que tu es là, tu peux t’en occuper ? Je viens de penser que j’ai un rendez-vous important avec le groupe.
— Je pensais que vous l’avez arrêté ?
— Exactement cependant, le producteur nous l’a met à l’envers. Une histoire de contrat qu’on doit vite gérer. J’avais prévu de lui faire la visite des lieux à Marta.
— Aucun soucis. J’ai rien en plus, cette après-midi.
— Je reviendrais pour manger. Sauf si tu souhaites être avec elle le reste du temps.
— On verra son avis.
— Oui, je comprends. Sinon, elle m’a parlé de sa peur de faire une troisième rechute, de réentendre des voix. Elle a aussi pensé avoir tout inventé.
— Tout est possible. Aller, je vais la voir.
….
Marta n’a pas encore bougé et je m’installe à ses côtés. Elle ferme et réouvre son carnet plusieurs fois comme si elle s’attend à ce quelque chose apparaisse.
— Un problème ?
— Non enfin…si j’ai trouvé !
Le peu d’énergie lui permet de se relever pour m’embarquer jusqu’à tenter de se cacher pour me chuchoter en panique, presque dans la parano :
— Mon projet c’est de simuler mon enterrement.
— Comment ça ?!
Je me rends compte que je l’a met mal à l’aise quand des élèves sortent de l’ascenseur pour rejoindre les autres cours. La vue de Carmen au loin, m’indique qu’elle m’a repéré, pas dupe que je vais être interrogée Je reviens vers ma sœur plus calmement en la forçant à me regarder.
— Marta…tu n’es pas sérieuse, si ?
— J’en sais rien, en parlant avec Eva de comment ça fait de mourir, j’ai pensé le simuler et puis j’aimerai que tout soit ok, le jour J.
— Bon…et tu as l’idée de ça quand ?
— C’est Eva.
— Eva ok mais toi, tu as bien prise cette décision, peut-être au centre non ?
— C’est Eva qui me l’a dit. Mamie est au courant aussi. Enfin, je crois.
— Elle te tourmente à nouveau ?
— Le silence.
— Hum...il ne faut pas hésiter à dire tout ce qui peut entraver ta réinsertion enfin, tu me comprends, hein ?
— C’est Eva qui me l’a dit. Et Eva m’aide ici.
— Comment ça ici ?
Elle range son carnet et je conclus que plus je pose des questions non pertinentes, plus sa maladie l’emporte. Il faut que je change de sujet :
— Roberto revient pour peut-être manger avec toi, il a quelque chose d’important. Du coup, j’ai du temps à te consacrer, tu veux faire quelque chose de particulier ?
— Oui.
— Je t’écoute.
— Parler à papa et maman pour planifier mon enterrement.
— Ok…bon, alors, on va passer à la maison. Attend-moi là, je vais prendre mon sac.
Je me dépêche de le récupérer avant qu’Irène ne commence puis durant le trajet, elle ne cesse de souvent répondre que c’est Eva qui lui a dit. En espérant qu’elle ne va pas recommencer dans les jours prochains.
De tout manière, je le sais d’avance qu’à sa sortie définitif, elle aura oublié son plan. Le psy sera aussi d’accord avec nous, ce n’est absolument pas la bonne solution.
Roberto pense l’avoir trouvé en voulant acheter ou louer leur premier appartement pour qu’elle commence à être un plus autonome tout en restant jamais seule. Pour le moment, Marta s’en fiche et de retour dans sa chambre, elle parle avec Eva. L’équipe médicale l’a laisse faire car ils estiment que son amie, n’est pas une entrave à son parcours de soin.
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