Chapitre 15

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Le silence entre eux s’étira, presque douloureux. Archie baissa les yeux, son cœur battait si fort qu’il avait l’impression qu’il allait rompre sa cage thoracique. Il inspira lentement, puis releva enfin le regard vers Kenny.

« J’ai des sentiments pour toi, » murmura-t-il. Sa voix était faible, brisée, mais honnête. « Mais ça n’a pas d’importance. Vraiment pas. Tu es avec Karmen, et moi je suis juste… moi. Le gars que t’as détesté, que tout le monde déteste. Alors t’inquiète, je vais pas compliquer ta vie plus que je ne l’ai déjà fait. »

Kenny resta immobile quelques secondes, comme figé. Puis, sans dire un mot, il attrapa doucement la main d’Archie, ses doigts se refermant sur les siens avec une hésitation tendre.

« Attends… » dit-il enfin, d’une voix rauque. « Je t’interdis de dire que c’est pas important. Parce que ça l’est. J’te jure que ça l’est. C’est juste que… j’ai jamais eu ce genre d’expérience avec un autre garçon. J’sais pas comment gérer ça. Je me sens paumé. »

Archie le regarda, un peu surpris par la sincérité dans sa voix. Il n’y avait pas de moquerie, pas de honte. Juste du trouble et une pointe de peur. Il sentit son propre cœur se contracter.

« T’as pas à savoir tout de suite, » répondit Archie en baissant un peu les yeux. « Moi non plus je savais pas. J’ai mis du temps à comprendre. »

Kenny pressa un peu plus sa main. « Je veux y réfléchir. Je veux pas te faire de mal, Archie. Et surtout… je veux pas faire semblant. »

Un silence flotta à nouveau. Un silence différent, chargé d’émotions retenues et de choses impossibles à dire d’un coup. Mais Kenny ne lâcha pas sa main. Et c’était déjà beaucoup.

Ils s’assirent ensuite sur le lit, côte à côte. L’un contre l’autre, sans vraiment se toucher. Archie avait encore les yeux rougis, mais une chaleur douce grandissait dans sa poitrine. Il ne savait pas de quoi demain serait fait. Il ne savait pas ce que Kenny allait décider.

Mais ce soir-là, pour la première fois depuis longtemps, il ne se sentait plus seul.

Kenny s’installa sur le lit d’Archie, dos contre le mur, les jambes repliées. Archie, assis à côté, restait un peu figé. Il essayait de ne pas trop se rapprocher, mais leurs épaules se touchaient par instants. Comme une frontière mouvante qu’ils hésitaient à franchir.

« T’sais que t’as vraiment foutu un bordel dans ma tête ? » souffla Kenny, le regard perdu. « J’vivais ma vie de merde tranquille, mes histoires sans fond, mes potes qui gueulent tout le temps… Puis t’es arrivé, t’étais là, en silence. Et j’ai jamais réussi à t’ignorer. »

Archie tourna doucement la tête vers lui. « On s’connaît depuis le collège, Kenny. J’ai toujours été là. »

« Ouais, je sais. Et justement… » Kenny eut un sourire désabusé. « J’crois que j’te regardais déjà plus que les autres à l’époque. Mais j’étais qu’un môme. Un môme en colère. Et toi t’étais… trop calme, trop discret. Tu m’agaçais parce que j’t’enviais. »

Archie sentit sa gorge se serrer. Il pinça les lèvres. « Et c’est pour ça que t’as fini par me détester ? »

Kenny hocha lentement la tête. « J’sais pas si j’t’ai jamais vraiment détesté. J’me détestais moi, surtout. Et j’ai retourné ça contre toi, parce que… t’étais là. T’encaissais. Tu disais rien. »

Archie fixa le mur, sa voix basse. « J’ai pensé que t’étais juste cruel. Pas perdu. »

« Les deux, sûrement. » Kenny souffla fort, comme pour chasser un poids. « Mais aujourd’hui, j’me rends compte que si j’ai été autant obsédé par toi, c’est pas juste parce que j’te détestais. C’est parce que t’existais dans un coin de ma tête où personne d’autre existait. »

Le téléphone de Kenny vibra soudainement. Il jeta un œil à l’écran. Karmen.

Archie le regarda sans un mot. Kenny hésita, serra la mâchoire, puis rejeta la tête en arrière. « Elle lâche pas… »

Il laissa le téléphone vibrer encore. Puis, contre toute attente, il décrocha. « Karmen ? »

Une voix aiguë, pleine d’entrain, se fit entendre, mais Kenny l’interrompit : « J’suis occupé. »

Elle insista. Il la coupa net. « Non. J’t’expliquerai plus tard. »

Et il raccrocha.

Archie le dévisagea, surpris. Kenny lui lança un regard, presque doux. « Si je veux réfléchir à toi… j’peux pas le faire si elle est dans l’équation. »

Archie sentit quelque chose chauffer dans sa poitrine. C’était flou, maladroit, peut-être pas encore de l’amour. Mais c’était sincère. Et ça lui faisait du bien.

Kenny soupira et reposa son téléphone, face contre la couverture. Il tourna légèrement la tête vers Archie, cherchant ses yeux.

« Si je dois réfléchir à ce que je ressens pour toi… j’peux pas le faire en recevant des cœurs et des smileys d’une autre. » Il marqua une pause, et sa voix se fit plus basse. « J’veux faire ça bien. Pour une fois. »

Archie resta silencieux. Son cœur battait fort, trop fort. Il n’osa pas tout de suite répondre, alors il fixa le grain de beauté sur le poignet gauche de Kenny, celui qu’il avait remarqué depuis des mois.

« Tu crois que t’es prêt à... à penser à ça ? À moi, j’veux dire. »
La question était fragile, tenue entre un souffle et une peur sourde d’être de nouveau repoussé.

Kenny pinça les lèvres. Il s’allongea sur le dos, bras croisés sous sa tête. « J’sais pas si j’suis prêt, mais j’sais que j’en ai envie. Et j’crois que c’est un bon début. »

Archie tourna lentement la tête vers lui. Il se sentait comme suspendu entre deux réalités, l’ancienne, où Kenny était un bourreau, et celle qui prenait doucement forme, avec ce garçon maladroit, mais sincère, à ses côtés.

« J’ai jamais été dans une vraie relation. » Archie laissa échapper un rire nerveux. « Déjà que j’savais même pas ce que j’étais vraiment… »

Kenny sourit doucement. « J’crois qu’on peut découvrir ça à deux. »

Un long silence suivit, mais il n’était pas inconfortable. Archie se redressa un peu, posant sa tête sur sa main.
« Et si... Et si demain tout redevenait comme avant ? Au lycée, j’veux dire. »

Kenny leva les yeux vers le plafond. « On fera en sorte que non. Et si j’le fais... si j’dis des trucs... tu viens me tirer les oreilles après. Sérieux. »

Archie esquissa un vrai sourire, un peu fatigué, mais sincère. Il murmura : « T’auras intérêt à être prêt, alors. »

Kenny tourna la tête vers lui, son regard plus tendre que jamais. « J’ai pas peur de toi, tu sais. Pas quand t’es toi. »

Et à ces mots, Archie sentit un peu de chaleur revenir dans sa poitrine. Rien n’était clair encore. Rien n’était simple. Mais ce soir-là, entre deux battements de cœur, il se dit qu’il n’était peut-être plus aussi seul.

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