Chapitre unique
Ma douce,
Je t’adresse cette lettre pour te répéter qu’il existe, depuis notre rencontre, ces moments où je sens que tu m’aimes. Quand, en pleine nuit, ta main trouve la mienne et que nous partons rêver ensemble. Quand l’inspiration semble m’avoir quittée et que, soudain, tu viens m’apporter un soupçon de félicité. Mais je me rappelle aussi d’instants où, discrètement, tu passes le pas de la porte pour me chuchoter des idées.
Il y a ces moments où je sens que tu m’aimes. Quand je me balade dans les parcs puis que le vent me murmure certains de tes mots. Et quand je m’assois sur ce banc tout abîmé, je sais retrouver sa couleur simplement à l’aide de tes baisers. Je maudis parfois mes chats d’empêcher nos retrouvailles, mais je me souviens que c’est grâce à toi si, ce jour-là, j’ai vu dans leurs yeux la silhouette de ma muse.
Plusieurs fois, nous avons failli être séparées. Par des épreuves, des années, des chemins. Toujours, j’ai su te retrouver pleinement, comme si ta délicatesse venait s’accrocher à mon coeur. Même la réalité n’a pas su nous éloigner l’une de l’autre. Nous sommes restées complices, même si, de nous deux, tu as su rester la plus égale.
À présent, il y a ces moments où je sens que je t’aime. Quand je fais cocu mon aimé pour te retrouver le temps d’une journée, car il n’existe pas plus voluptueuse amante que celle que tu es. Tu sais tantôt m’emmener vers la haine, vers la douleur mais aussi vers l’émotion, vers l’affection et le rire. Parfois même, tu m’entraînes vers la sensualité, ces moments charnels que nul autre n’a su me faire découvrir. Ici, nous ne faisons plus qu’un être, qu’une seule entité.
Et dans ces moments où je sens que je t’aime, je retrouve l’idéaliste que j’ai toujours été. Je ne suis pas insatisfaite du monde dans lequel je suis née, pour autant. Mais je chéris le fait de visiter d’autres époques avec toi, d’en inventer au cours de nos longues et animées discussion. Je m’éprends petit à petit de ton sourire, de ton imprévisibilité et, bon sang, de la passion que tu fais naître en moi, malgré nos années de relation.
Comme le disait Brel dans ses chansons – ces enfants que tu lui as donnés – je tiens à te supplier : sois infidèle à ton tour, si tu le souhaites, mais ne me quitte pas. Sans toi, la vie n’a plus d’air, plus de sens, plus de raison.
Je t’appartiens, ma douce Écriture. Aujourd’hui et à jamais.
Ta bien-aimée victime.
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