Vers quatorze heures, nous nous sommes rencontrés au département d'anglais. Pour cela, nous avions dû sécher nos cours respectifs.
Lynda m'a serré la main d'une manière timide et presque froide. Sa retenue m'a mis mal à l'aise, ne sachant pas ce qui se passait dans sa tête.
Nos retrouvailles étaient marquées par l'excitation de nous revoir et l'appréhension de ce que cette journée particulière allait nous apporter. Nos regards échangés étaient empreints de retenue, chacun cherchant à décrypter les pensées et les sentiments de l'autre.
Cela fait maintenant sept mois que nous nous voyons. Nous formons donc maintenant un couple qui se projette dans un avenir commun. Mais je ressens toujours cette distance et cette réserve qui rendent notre relation mal aisée.
Nous nous sommes introduits dans une salle de TD libre, située au fond du troisième et dernier étage, loin des regards indiscrets. Lynda a d'abord hésité à entrer, laissant la porte grande ouverte derrière elle, comme si elle craignait que je lui tombe dessus.
Dans la salle, elle s'est assise à environ un mètre et demi de moi, ce qui ce qui m'a exaspéré au plus haut point. Elle porte des vêtements sombres pour cacher ses formes, bien qu'elle soit une jeune femme de vingt-trois ans avec une belle carrure.
Ce premier échange est marqué par une certaine distance. Lynda semble réservée et se retient dans ses gestes et ses paroles. Moi, en revanche, j'ai du mal à dissimuler mon impatience, mon désir ardent de briser les barrières qui nous séparent et de me rapprocher d'elle.
En sept mois de vie ensemble, aucun mot doux n'a été échangé, aucun regard amoureux n'a été lancé, aucun sourire innocent n'a été affiché. Elle veillait à ce que je ne pénètre jamais dans son espace personnel. Quant à d'éventuelles caresses, étreintes, etc., nous n'y pensions même pas ! Même une petite plaisanterie osée n'était pas tolérée. Quelle horreur !
Mais aujourd'hui, en ce jour des amoureux, je suis venu dans l'espoir que nous puissions ''avancer'' dans notre vie amoureuse.
Les gestes de Lynda et ses mots trahissent une réticence à s'engager pleinement, à s'abandonner à la spontanéité du moment. J'essaie désespérément de percer cette carapace, d'atteindre son cœur et de lui montrer toute la profondeur de mes sentiments.
Lynda a été ravie de découvrir la fameuse tablette de chocolat aux amandes, la dévorant avec plaisir comme un enfant à qui l'on offre un bonbon. Nous avons partagé cette délicieuse confiserie, que j'ai trouvée amère au vu de ses réactions dans ces circonstances particulières.
Je lui ai ensuite donné ma carte, qu'elle a accepté avec plaisir. Elle a lu mon mot sur place, elle a été aux anges de lire le passage où j'écrivais que ''je l'aimais toujours, quelles que soient ses sautes d'humeur''.
Lynda est touchée par mon attention et mes efforts pour lui offrir quelque chose de spécial. Pourtant, malgré son appréciation évidente, elle semble hésitante, comme si elle craignait de s'engager trop profondément.
Je suis tiraillé entre l'espoir et la déception, entre le désir de partager un moment intime avec Lynda et la crainte d'être rejeté une fois de plus.
Lynda, en revanche, m'avait offert un présent sous la forme d'un objet grossièrement cylindrique, recouvert de papier cadeau. C'était quelque chose de léger, mou au toucher, un ''truc'' en tissu, me semblait-il.
Je comptais garder la surprise jusqu'au soir, une fois arrivé dans ma résidence. Mais elle insiste pour que je l'ouvre devant ses yeux.
J'ouvre un peu l'emballage et découvre un petit nounours en peluche. Je me suis demandé ce que cela pouvait signifier aux yeux d'une femme. Avoir des enfants avec moi ? Vu sa ''constipation'', je ne vois pas comment cela pouvait être possible.
Avant d'ouvrir le cadeau, j'ai pensé qu'il pouvait s'agir de quelque chose d'utile dans ma vie quotidienne. Mais maintenant, je me demandais à quoi pouvait bien me servir un ours en peluche. Une chose est sûre : il fera le bonheur d'un enfant, dès que la moindre occasion se présentera.
Jusque-là, tout était 'plat' à mes yeux : que de la colère et de la déception. Mais, je garde encore mon fameux cadeau, caché dans la poche intérieure de ma veste. Mon espoir est qu'il puisse faire la différence.
Nous avons passé environ deux heures dans la salle, deux longues heures à mes yeux. Lynda semblait heureuse de fêter la Saint-Valentin ensemble, même si elle ne le montrait pas clairement.
Au moment où nous devions quitter les lieux, j'ai sorti ma fameuse boîte. Elle était vraiment surprise, ne s'attendant pas à un tel présent. Elle l'a immédiatement ouvert et était aux anges. Je m'imaginais comment, le soir même, elle le montrerait fièrement à ses ''copines de chambre''.
Lynda, bien que reconnaissante, semble garder ses distances, ce qui a renforcé ma frustration et mon incompréhension.
J'ai profité de ce moment chargé d'émotions pour tenter de l'embrasser ou au moins de la prendre dans mes bras. Elle m'a repoussé d'une manière que je n'ai même pas trouvée gentille. Une manière maladroite qui a froissé mon amour-propre. Je n'ai récolté que frustration et déception.
Mes tripes bouillonnent. Je me demandais à quoi ressemblerait notre avenir avec une telle "retenue" ! J'ai ''raté mon coup'' ce jour-là, comme tous les jours, depuis maintenant sept mois. Je venais de recevoir une gifle jamais reçue de toute ma vie.
Voilà comment j'ai célébré ma première fête des amoureux. À l'âge de trente ans. La Saint-Valentin, censée être une célébration de l'amour et de la romance, se termine pour moi sur une note d'incertitude et de désillusion.
Lynda était aux anges, elle savait maintenant que je l'aimais sincèrement et que j'avais l'intention de l'épouser. Quand à moi, c'était tout à fait le contraire ! J'ai compris que cette fille ne pourrait jamais me rendre heureux. La séparation semble inévitable, tôt ou tard...