Faillite
L’homme, d’âge mûr, s’arrêta devant la porte, hésitant.
Il avait pleinement conscience de l’incongruité de sa requête.
Autour de lui tout n’était que teintes pastel, douceur, « luxe, calme et volupté «.
On devinait la présence d’une femme, attentive à la moindre nuance, la moindre vibration.
Qui aurait voulu quitter ce paradis ?
Et pourtant …
L’homme soupira et poussa la porte.
Elle était là, belle, fabuleusement belle, plus belle que toutes les déesses de l’Olympe.
Elle lui sourit, et soudain l’homme se mit à douter.
- Vous souhaitiez me rencontrer ?
- Oui, Madame, j’ai rempli le formulaire.
- Quelque chose ne va pas ?
- Non, chaque jour est un jour de bonheur.
- Vous souhaitez changer la décoration, les harmonies de couleur ?
- Non, tout est parfait ?
- Vous souhaitez de nouveaux loisirs, de nouvelles…
- Non : ici, c’est le paradis ?
- Vous manquez de tendresse ?
L’homme se tut et baissa les yeux, il ne pouvait supporter l’intense regard bleu qui pénétrait jusqu’au plus profond de son âme.
La divine beauté devinait son trouble, elle le scrutait, ironique, mais aussi, vaguement inquiète.
Le silence se prolongeait, pesant.
L’homme hésitait, honteux.
Lui dont tout le monde louait le courage, la ruse, comment pouvait-il perdre toute confiance devant cette superbe créature ?
Il prit son courage à deux mains :
- Je souhaite activer l’article 50.
- Le paradisexit ?
- Oui !
- Vous ne pourrez pas revenir ?
- Je sais.
- Tous les hommes rêveraient d’être à votre place !
- Je sais.
- Elle vous manque tant que cela ?
- Et mon fils, aussi.
Pour la première fois, l’homme sentit un voile dans le doux regard de l’impassible beauté.
Il décida de profiter de son avantage :
- Vous refusez ?
- Non c’est écrit dans le contrat, mais …
- Mais ?
- Avez-vous songé à ce que vous perdez ?
- Je vieillis et vous restez jeune !
- C’est votre choix
- Je sais.
Quelque chose n’allait pas, l’homme attendait de l’impatience, de l’indifférence, tout, sauf ce silence gêné.
Il reprit d’une voie douce :
- Quelque chose ne va pas ?
- En fait l’entreprise qui vous a plongé dans la matrice du bonheur a fait faillite !
- Je ne peux pas revenir ?
- Tant qu’il n’y a pas de repreneur, non ?
- Que faire ?
- Passer du bon temps avec moi, Odyssée ?
- Comme tu voudras, Calypso ….
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