Le voyage de Monsieur K / Chapitre 9 : Retour au café
(Voix off)
- Et dehors ? demande une voix masculine.
- C’est l’horreur, Elaine est sur Montmartre et c’est la panique ! répond la voix féminine.
- Et lui que fait-il ?
- Il écrit.
- Tu penses que suivre Monsieur K c’est un bon choix ? chuchote la voix masculine.
- Mais on n’a pas le choix, rétorque la voix féminine.
- Alors, continuons...
Philippe resta un bon moment dans le café. Tout en descendant la boite de cookie, il s’était lancé dans l’écriture d’une nouvelle aventure. Son neveu pseudo était docteur Who, un hommage à la science- fiction classique.
Sauf que le personnage était ignoble, il profitait de son statut de conseiller auprès de l’Élysée, pour tuer père et mère, voire plus si affinité.
Monsieur K avait déjà rédigé sa réponse aux critiques :
Bien sûr ce texte est too much , et c’était tout à fait volontaire, De quoi se plaint le peuple ?
En six minutes, vous avez 4 meurtres, une scène de sexe, deux oldies, de la chanson française et une pandémie, et une citation d’Onfray (que, moi aussi, je n’apprécie guère !), compensée par Vian ( L’herbe rouge qui est l’inspiration principale du texte, et mon Vian préféré) un virus 1000 fois plus dangereux (ce qui est impossible !) bref ,vous en avez pour votre argent !
Écrire ce texte l’avait apaisé. Il avait pu, vaguement, évoquer la scène du métro, en évoquant une pandémie mondiale, mais il lui restait à affronter le monde réel.
Philippe sortit du café reprit son chemin, vers le métro aérien. A sa grande surprise, il ne ressentit qu’un léger frisson, loin, très loin des crises d’angoisse précédentes. Ce n’était guère surprenant : on racontait souvent qu’un cookie de Vincent suffisait pour permettre à un phobique de l’avion, de faire trois fois le tour de la Terre.
Et Philippe avait vidé tout le paquet.
Et puis le métro aérien ce n’est pas vraiment le métro ! Il est là suspendu dans les airs, il vous regarde de haut. Petit, Philippe s’imaginait voir Fantomas faire disparaître tout le train !
Mais, là plus aucun métro ne passait.
Monsieur K sentit l’angoisse monter en lui et s’enfila dans la rue d’Aubervilliers. Il se retrouva rapidement devant l’immeuble de ses grands-parents. C’était , aussi, surtout le lieu de ses premiers amours, de tant de souvenirs doux-amers.
Soulagé, il constata que rien n’avait changé : l’immeuble noir semblait sortir tout droit de La vie mode d’emploi.
Il allait entrer, quand un géant sortit en trombe : Vincent !
Sans laisser le temps à Philippe de réfléchir, il le prit par la main et le fit courir à toute vitesse jusqu’au café !
Abasourdi, il vit le punk commander plusieurs bières. Il nota aussi que Vincent avait un magnifique œil au beurre noir !
Philippe demanda :
« - Que s’est-il passé ?
- C’est une longue histoire, répondit Vincent, en sirotant sa bière.
- Pourtant on s’est quitté, il y a peu de temps.
- Oui et non, dehors le temps passe beaucoup plus vite !
- Raconte ! demanda Philippe.
- Alors, cela va être long. Patron, une autre tournée !
- Tu vas me saouler ! protesta Philippe.
- Donc je te quitte, je prends la Mercedes et j’arrive sur le périphérique. Et là je tombe sur une armée de flics : état d’urgence , interdiction formelle de quitter Paris.
- Ils t’ont dit pourquoi ?
- Ils parlaient de choses étranges et dangereuses dans le métro. Ils m’ont dit que…
- Non ! Par pitié ! supplia Monsieur K.
- Donc, je fais demi tour, je file au squat…
- L’immeuble est devenu un squat ? demanda Philippe, d’une voix blanche.
- Cela fait un bout de temps ! Bref j’essaye de rendre la marchandise et d’obtenir un remboursement, mais le gars n’est pas tout à fait d’accord ?
- D’où ton œil au beurre noir ?
- Lui, il est carrément ko, rétorqua Vincent. Tu comprends mieux pourquoi, dès que je t’ai vu, on a filé, le plus vite possible !
- Tu as de la chance, s’exclama Philippe.
- Ma chance c’est que le réseau est mort : il n’a pas pu appeler à l’aide !»
Cette dernière réplique mit Philippe mal à l’aise. Hélas c’était vrai, c’était comme dans, comme dans…
Cette pensée plongea Monsieur K dans les affres de l’angoisse et il ne se vit pas prier pour boire et reboire avec le géant. Le sommeil commençait à gagner Philippe et avec lui le retour d’un rêve qu’il avait déjà mis en poésie :
Mort avec d'autres décédés
Derrière des baies vitrées
Je voyais ce qui se passait
Là où mon âme m'avait quitté
Une mer agitée
Faisait tournoyer
Un bateau abandonné
Moi j'étais noyé
Surpris en pleine nuit
Par une lame de fond
Brutalement englouti
Dans un sommeil profond
Je regardai cela
En songeant à haute voix
Aux malheureux
Qui me rejoindraient d'ici peu
Philippe, ivre mort s’endormit. Vincent continua à boire et avant de sombrer il dit : « T’inquiète pas, Gustave, je veillerai sur le vieux.»
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