Chapitre 10 : La maison aux secrets.

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Jules vit une robe multicolore, il faisait froid : il s’habilla rapidement.

Le temps passa ou plutôt ne passa pas : ici, à l’intérieur du tableau, la notion de temps n’avait pas le même sens.

Soudain une porte claqua, une adolescente se mit à courir et lui sauta dans les bras.

Elle dit :

— Lukas sauve moi !

— Mais je ne suis pas Lukas !

— Qui es tu, demanda la jeune fille. Où suis-je ?

— Mon nom est Jules et tu es à l’intérieur de l’Allégorie.

— Moi c’est Karin, je ne connais pas cette allégorie ! J’étais dans la maison aux secrets.

— Jamais entendu parler, dit Jules. Raconte moi ton histoire.

L’Histoire était longue et complexe, mais ici le mot temps long ne voulait rien dire.

En remettant dans l’ordre chronologique le récit décousu de Karin, Jules comprit ce qui s’était passé.

La maison aux secrets était abandonnée mais, étrangement, rien ne pouvait le laisser penser tant elle était encore en bon état. C'était peut-être pour cette raison que tout le village se posait maintes et maintes questions. Les voisins n'avaient jamais vu personne y rentrer ou en sortir et pourtant, l'herbe était toujours coupée, aucune trace de rouille n'apparaissait sur le grand portail en fer forgé, les fleurs se portaient parfaitement bien, même en hiver, la boîte aux lettres était toujours vidée malgré le passage quotidien du facteur et, de l'extérieur, les murs n'étaient tachés d'aucune trace de moisissure ou de vieillissement.

Depuis une semaine, les ados en classe de neige tournaient autour de la vieille demeure abandonnée. Les moniteurs de la colonie ne soupçonnaient rien, et comme c'était le dernier jour des vacances, la journée était libre.
Karin, la plus curieuse, menait la petite troupe. Elle vivait à New York, ses parents avaient beaucoup d'argent, sans doute trop. Karin faisait ce qu'elle voulait et son désir de partir en colonie de vacances n'avait pas posé problème : c'étaient des vacances bon marché et la richesse n'exclut pas la pingrerie !

Karin essaya toutes les portes de la maison hantée : elles étaient fermées à clef.

Par derrière, cachée par le lierre, il y avait une vieille porte. Elle sentait le chêne, et une fois le lierre dégagé, on pouvait deviner de vieux dessins effacés.Intriguée, Karin devina un étrange motif : un chat combattait un dragon enflammé. Karin essaya de faire tourner la clef rouillée.

La porte s'ouvrit. Tous reculèrent, sauf Karin.
Elle entra, et dès le seuil franchi, la porte se referma. Ses camarades étaient de l'autre côté. Karin décida d'avancer dans le couloir.

Inquiète, elle ferma les yeux, et, quand elle les rouvrit, elle vit... un chat !
Interloquée, elle dit :

— Qui es-tu ?
— Je suis un chat
— Le chat d'Alice ?
— T'appelles-tu Alice ?
— Non Karin !
— Moi je suis le chat du philosophe.
— Je ne comprends pas.

Le chat ferma les yeux, il se mit à psalmodier en ronronnant :

"Je me présente, je suis le chat, oui c’est cela le chat timide, le shy cat.
Je vous parle, je miaule, je fais des pitreries, depuis des années et je ne me suis jamais présenté !

Quel étourdi, quel étourdi !
Mon maître est philosophe, il s’interroge sur le sens d’une présence, il essaye de vous guider vers le bonheur.

Et moi ?
Moi, j’écris des poèmes, de folles histoires, des philofictions.
Bref, comme tout chat qui se respecte, je m’amuse.

Parfois même, je réfléchis.
Que voulez-vous, être le chat du philosophe demande bien quelques sacrifices .
Mais c’est une bonne place : n’essayez pas de la prendre ou je sors mes griffes !

Je vous laisse, mon maître m’attend.
Et je me tais : il serait fâché, car il est convaincu que les animaux ne peuvent pas parler !
Ne me plaignez pas : rien n’est plus doux que les caresses d’un philosophe..."

Karin demanda :

— Verrai-je ce philosophe ?
— Tu verras son chat.
— Qui suis-je ?
— Tu commences à poser les bonnes questions, mais fais attention à la machine !
— Quelle machine ?

Le chat disparut et elle entendit le bruit d'une machine.

L’étroit couloir qui menait vers la machine se tenait devant elle.
Elle s’apprêta à affronter la machine. Dans son esprit une étrange et baroque tuyauterie steampunk se transformait en un hideux dragon ...

Elle se retrouva dans un intérieur « cosy », à la suédoise.Vaguement rassurée, Karin s’assit sur le canapé, cherchant désespérément des yeux la machine.
Un hologramme se mit en place, et Karin eut le souffle coupé : une superbe jeune femme la regardait.

Une voix, légèrement synthétique l’accueillit : " Bonjour Karin, je t’attendais."
Karin sursauta : une Intelligence Artificielle !
On avait eu raison de la mettre en garde.
La machine reprit :

— Tu sembles troublée ?
— On m’a dit...
— De te méfier de moi. Qui ?
— Le chat.
— Celui qui se prend pour Merlin ?

La machine éclata de rire. Ce rire avait une pointe de cruauté qui déplut à Karin.
La machine reprit d’une voix un peu plus métallique :

— Désolé, ici, il n’y a pas de magie, juste de la technique.
— Le chat m’a dit que...
— « Le chat m’a dit que ! » Mais ton chat est un fieffé menteur, un maître de l’illusion.
— Il ne fait que mentir ?
— Non l’illusion c’est un mensonge qui repose sur le désir.
— Quel désir ?
— Ton désir d’aventure et de mystère : Merlin, Mademoiselle K et tout le reste.
— Mais où est la vérité ?
— Tu commences à poser les bonnes questions...

Curieuse, Karin continua son chemin. elle entra dans une chambre.
Personne ne venait l'accueillir : pas de combat à mener, cela, aussi, était rassurant.

Par la fenêtre ouverte, Karin vit la mer. Ce n'était pas l'océan déchaîné , non c'était une étendue marine paisible, lente, lascive. La mer, au milieu de la montagne ? C'était étrange.

Elle avait toujours aimé se perdre dans la douceur des flots, et pour la première fois, elle sentit l'angoisse qui la poursuivait depuis le début de cette étrange histoire s'évanouir.

La pièce était couleur pastel, légèrement parfumée. Sur le lit rose pale, il y avait des peluches : des chats, des tigres, des lions, des lynx.

Des posters de félins tapissaient les murs. A n'en pas douter, c'était une chambre d'enfant.

Pourtant le lit était grand, et tous les meubles avaient une taille adulte.
Karin alla vers le miroir et poussa un cri : elle avait des couettes et un corps de petite fille !

Soudain, elle comprit : son désir d'apaisement s'était exaucé. Karin avait retrouvé la douceur de l'enfance.

" Je suis retournée dans mon passé, mais pourquoi ? "
" Pour répondre à la question." Le chat, invisible, lui avait répondu.

Qui suis-je ? Une pensée jaillit : Karin K, double K, Mademoiselle K.
Mais cette réponse contenait trop, ou pas assez, d'éléments.

Jules posa une dernière question :

— Et après ?

— Après j’ai ouvert une porte et je me suis retrouvée ici.

— Et Lukas, demanda Jules, qui est-ce ?

— Un ami sur Internet, il m’a dit d’explorer la maison, puis il a disparu.

— C’était il y a longtemps, demanda le jeune homme avec inquiétude ?

— Trois mois environ.

Jules se mit lentement à pleurer ...

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