Midi : Emma, en salle.

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Midi

Le restaurant se remplit lentement. Beaucoup d’habitués, un peu de passage, bref c’est la routine.

Julie me propose :

« Rentre chez toi, si tu veux, tu n’es pas bien !

— Tu es folle, dis-je à voix basse : la patronne va me virer et j’ai besoin de ce job !

— Je sais, répond la belle blonde, mais moi je souhaite avoir mon indépendance et…

— Ne te justifie pas c’est très méritant ce que tu fais ! »

Je suis tout à fait sincère. Hier on a présenté une conférence du « plus grand généticien français ».

Et elle m’a confirmé que « Papy avait parlé ».

Il m’a fallu du temps pour comprendre que Julie venait d’une très bonne famille, où la honte suprême est de devenir généraliste (« En Guyane, parce que tu es la dernière du concours, précise Julie »).

Julie avait beau être premier prix de piano du Conservatoire de Paris, ses parents n’ont jamais accepté de la voir faire les Beaux Arts.

Oui, venir travailler tous les jours sous la férule de madame Guerr n’est pas un signe de paresse !

Elle prend la moitié de mes tables : la patronne est en cuisine, elle n’y verra que du feu.

Midi trente.

Tout va bien, la salle est remplie à moitié, le service est fluide : un midi ordinaire.

Soudain, je vois Julie venir vers moi, en titubant :

« Emma, cela ne te dérange pas de reprendre la sept ?

— Non, bien sûr, je me sens mieux.

— Tu es un ange, dit Julie »

Ce mot ange m’amuse, je pense à un poème de son frère Jules (lui c’est pire, il a fait philo, mais c’est un garçon, donc il a tous les droits) :

La beauté d’un ange
Toujours elle dérange
Tant elle est étrange
La beauté d’un ange

Je m’attends à un classique : un quinqua aux mains baladeuses. Julie est alors souvent mal à l’aise et moi je prends sa place, et parfois même, je donne au client ce qu’il désire.

Je suis stupéfaite, à la table sept il y a un vieux monsieur bedonnant, totalement inoffensif et … un ange !

De longs cheveux blonds bouclés, de grands yeux rêveurs, un corps d’athlète : qu’il est beau !

Le vieux Monsieur me dit : « Pour mon fils Gustave et moi, cela sera un plat du jour. »

Je note la commande sur la tablette et je me cache un peu, en dévorant le beau garçon du regard.

Cela fait dix ans que je fais ce boulot et jamais je n’ai croisé client plus séduisant : d’où vient la crainte de Julie ?

Soudain je comprend : Julie m’a raconté qu’elle avait croisé dans le métro un type étrange, qui se prétendait alchimiste et astrologue.

Oui c’est lui, le vieux correspond, exactement, à la description qu’elle vient de me faire lors du repas.

Je me dis : « Quel étrange hasard ! »

Je me mets à trembler, je vois devant moi une belle brune, habillée en bleu, avec dans une main un masque et dans l’autre une grenade.

L’allégorie m'interpelle : « Emma, qui t’a dit qu’il s’agissait d’un hasard ? »

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