Pas de secrets
Quand tu me disais "Il ne doit pas y avoir de secret entre nous. Tu peux me parler de tout.", bêtement je pensais que c’était réciproque. Des amies, j'en ai eue mais toi tu étais ma confidente, mon âme soeur. Celle qui me connaissait par coeur, celle dont je savais (croyais savoir) tout.
Et pourtant tu m'a menti. De la manière la plus vicieuse, la plus énorme et la plus pernicieuse qui soit. Tu m'as menti non pas sur un sujet anodin, un sujet dont je n'aurais jamais appris l'existence et qui aurait permis que j'ignore ta trahison. Non, tu m'as menti à propos d'une chose... si monstrueuse, si envahissante que je ne pouvais qu'apprendre la vérité tôt ou tard. Alors pourquoi l'as-tu fait ? Là-dessus, tout le monde prend ta défense. "C'était pour te protéger", "Elle a sûrement voulu bien faire"... sauf que moi je te connais. Je t'aimais de toutes mes forces, de tout mon coeur. Mais je te connais. Sans fard et sans maquillage, je connais tes défauts, je connais ton mode de fonctionnement. Tu as préféré faire l'autruche. Parce que me parler sincèrement serait revenu à affronter le combat que tu était en train de perdre.
Comment pourrait-on seulement imaginer que mentir sur sa mort prochaine pourrait d'une manière ou d'une autre protéger son enfant ? C'est pas comme si c'était quelque chose que tu aurais pu éviter. C'est simple... pas une seconde tu n'as envisagé l'effet que ça aurait sur moi... découvrir que tu étais condamnée 2 jours avant que tu ne t'en ailles. Découvrir que tu m'avais menti pendant plus d'un an alors que tu étais déjà pratiquement partie, trop inconsciente, trop assommée de morphine pour qu'on puisse avoir une discussion. Non le cancer n'avait pas régressé... non tu n'allais pas mieux... et moi je n'avais plus que 2 jours pour me faire à l'idée que je n'allais plus jamais te revoir, plus jamais entendre le son de ta voix... te perdre de la manière la plus définitive qui soit...
Le pire dans tout ça, c'est que tu as eu une opportunité de m'en parler. Parce que ton médecin m'a prévenu. Elle me l'avait dit, nettement et clairement "Son cancer a repris vous savez ! J'ai pensé que vous deviez le savoir." Mais ma confiance en toi était si absolue qu'avant de la croire, avant de m'affoler, je t'en ai parlé. Et tu m'as dit "Elle n'est pas au courant des dernières analyses. Elle dit n'importe quoi. Elle se mêle de ce qui ne la regarde pas." Pour renforcer ton propos, tu as même été jusqu'à porter plainte contre elle à l'Ordre des Médecins parce qu'elle m'avait révélé des informations. Il t'aurait suffit de me dire que c'était vrai... on aurait eu quelques mois... quelques mois pour se dire au revoir. J'aurais fait de tes 60 ans, ton dernier anniversaire, une folie au lieu du petit dîner paisible que j'ai fait "parce que je voulais ménager ma mère malade". Je t'aurais présenté les parents de l'homme que j'aime. Je t'aurais emmener faire le tour des endroits que tu voulais visiter au lieu de rester près des hôpitaux dans ta ville natale. J'aurais passé chaque seconde de ces derniers mois avec toi, fait le plein de ton sourire, de ton humour, de toi.... On aurait pu faire tellement de choses de ces quelques mois....
Au lieu de cela, j'ai eu 2 jours.... 2 jours dans une chambre d’hôpital à veiller un corps dont l'esprit était déjà ailleurs. Pas un mot, pas un regard. Pas un au revoir.... 2 jours à encaisser les mauvaises nouvelles. "Le cancer s'est répandu", "Elle est condamnée", "Elle souffre tellement que même la morphine ne la soulage pas", "Ses reins ont lâché".... 2 jours à courir partout, à prévenir tout le monde, pour que ceux qui le souhaite puisse lui dire au revoir...
Tellement de colère, tellement de tristesse et tellement de colère encore contre moi. Parce que j'aurais dû savoir, j'aurais dû comprendre, le voir venir.... Parce que je devrais maintenant être capable de dépasser tout ça. Mais je n'y arrive pas, quelque chose s'est cassé en moi ce mercredi là quand le médecin m'a parlé... et quand tu es partie deux jours plus tard... Tellement de colère et pourtant tellement d'amour mélangé... peut-être est-ce la raison pour laquelle j'ai tellement de mal à m'en défaire... à cause de cet enchevêtrement d'émotions...
Annotations
Versions