Bonjour, amis lecteurs.

Ce matin, je me suis levé avec une résolution.

C’est ?... Pardon ? … Banal ?

Oh, mais dites donc, parlez pour vous. Je ne suis pas en train d’évoquer une quelconque résolution du style nouvel an. Du genre, je me rue sur le paquet de clopes le 2 Janvier, ou j’arrête mon footing à la douzième foulée sous prétexte que j’ai senti une goutte de pluie.

Attention, hein ? De la vraie résolution, du mastoc, de la prise de décision forgée dans ma volonté d’airain, gravée dans le marbre, statique, inébranlable.

Quelle résolution ?

Un peu de patience, voyons ! On n’est pas aux pièces.

Alors voilà. Le cas est épineux , je devais faire comprendre à une donzelle dont la stature m’incommode fort qu’elle ne peut pas passer son temps à monopoliser la place de personnage principal dans mes récits. D’autant qu’il y aurait à gloser sur sa mentalité, voyez-vous...

Facile ?

Ça n’engage que vous. La cocotte promène une sacrée personnalité. On voit bien que ce n’est pas vous qui vous y êtes collés. Si vous croyez que j’aime me faire rabrouer.

C’est moi l’auteur, et c’est moi qui décide ?

Vous avez raison. Je détiens le pouvoir du clavier et du stylo. Faudrait voir à pas oublier qui est le boss, par ici ! Je pourrais même la rendre laide si je voulais, ça lui ferait les pieds, tiens ! Pire que la mort, pour elle !

Enfin, bref. Je finis de vous raconter.

Pour mettre les choses au clair, je suis directement allé voir Vera dans son bureau. Elle était confortablement installée dans son fauteuil de direction, et se refaisait les ongles.

Je suis entré tout de suite dans le vif du sujet. Vous me connaissez. Quand il s’agit de taper du poing sur la table, je prends mes responsabilités. Je lui ai causé en ces termes : ‘’Écoute, ma grande, je suis un peu fatigué de tes caprices divers et variés, et j’ai décidé que tu ne serais plus l’héroïne de mes romans. ‘’

Comme elle continuait sa manucure sans avoir l’air de se soucier de ma présence, j’ai enchaîné : ‘’ Ne crois pas que ça m’enchante, ma chérie, mais tu trimballes une réputation gênante pour moi. Il faut quand même bien reconnaître que tu manipules hommes et femmes comme des marionnettes. Tu ne recules pas devant les actes criminels. Tu traites tes vis à vis comme des inférieurs. On ricane dans mon dos. Tu crois que je l’ignore ? D’aucun prétendent que l’emprise que tu exerces sur moi est encore plus cruelle que celle que tu possèdes sur les autres personnages. De quoi j’ai l’air ?’’

Toujours pas de réponse. La belle examinait ses ongles vernis, soufflait doucement pour hâter le séchage. J’ai insisté : ‘’ Oh ! Mais tu peux bien faire celle qui n’écoute pas ! Il ne tient qu’à moi de te faire disparaître. Tiens ! Tu sais quoi ? Je vais te faire flinguer. Ce ne sont pas les candidats au meurtre qui vont manquer. Allez hop ! Aux oubliettes, la diva ! Ou alors, je vais te faire piquer ta place par ta secrétaire ! T’aimerais pas, hein ? Justine le grillon posée dans ton fauteuil de reine !

C’est au moment où j’ai envisagé son remplacement par Justine qu’elle a tourné la tête vers moi, me dévisageant sereinement de ses deux émeraudes glacées. Pas un mot, juste un long regard.

Alors, j’ai gonflé le torse, me suis raclé la gorge et ai mis un point final à mon monologue :

— Bon, d’accord, comme tu voudras. Je vais écrire un troisième tome rien que pour toi, mais je te préviens, cette fois, c’est le dernier.

Qu’on se le tienne pour dit, j’ai horreur de me laisser marcher sur les pieds.