Chapitre 1 : Indy, Nicole et Aaron
L’été a commencé il y a à peine deux semaines et Indy, accompagné de son amie Nicole avec Aaron, son cousin, rêvent déjà d’être en automne. Pourtant, c’est une période très spéciale de l’année. Aujourd’hui, ainsi que durant tout le reste de cette semaine s’annonçant longue pour Indy et ses acolytes, se tiendra le festival de la Lune. Évènement cruciale et sacré pour le hameaux natale des trois amis. Mais certainement pas pour eux. Du moins, le temps a effectué son travail : effacer dans le cœur de ces trois anciens enfants l’innocence et la foi qu’implique souvent ce jeune âge. Aujourd’hui, ce sont des adultes bien trop piégé dans l’engrenage sans merci de la vie et ce qu’elle implique pour immerger dans cette fête, au principe dépassé à leur yeux.
Les vacances peuvent toujours attendre, d’autant plus qu’ils font tous les trois partis du comité d’organisation. Encore un sale coup du destin. Ce village est minuscule, on s’y encre dès qu’on y met les pieds alors tout le monde se connaît. Chaque tête est relié à un nom, puis une fonction. Alors chaque année, pour célébrer ce moment particulier, un tirage au sort a lieu parmi les travailleurs afin de désigner ceux chargés de l’organisation. Indy, Nicole, Aaron et d’autres personnes ont été choisis. De toute évidence, les dieux n’étaient pas déterminés à céder quelques jours de repos bien mérités à la petite troupe.
Il est environ dix heures et Nicole en est à sa troisième glace et son quinzième juron, mais tout bien réfléchi, ça ne serait pas son vingt-unième ? Indy n’en a aucune idée, et de toute façon, son cerveau a totalement fondu sous la pression du soleil. Il a presque l’impression qu’une masse flasque et rouge vive sort littéralement de ses oreilles, tant il flotte. Ses joues, son front et même ses bras surchauffent, il sent la transpiration lui tremper le dos. Il est mort. A cette heure-ci, il rêverait d’être dans son lit, invoquer une fée de l’air pour obtenir une source infinie de fraîcheur, se goinfrer de glace, coaguler avec ses draps, jusqu'à se faire oublier des siens, le tout une semaine entière.
Indy a toujours été un type « sérieux » et « chiadeur ». C’est ainsi que le voit ses concitoyens. Il a travaillé longuement pour se forger cette réputation. Pourquoi ? Il souhaite encore mettre le doigt dessus. Moïra lui dirait qu’il cherche à combler quelque chose. Le jeune homme sourit brièvement et d’un coup, l’ardente fournaise lui semble plus supportable, malgré la baume de chaleur qui vient de se créer dans son cœur. Voilà l’effet que lui fait sa copine. Mais pour l’instant, le plus motivé ou du moins, qui arrive le mieux à faire semblant de l’être, c’est Aaron. Dès qu’il termine lui aussi son énième glace, le garçon se redresse avec énergie. Indy est déjà perdu dans sa bulle d’amour et de souvenir, si bien qu’il ne semble pas réaliser pas que son cousin s’approche dangereusement de lui pour asséner un coup à son dos, dans l’espoir de le ramener. Mais Indy n’est pas aussi dupe qu’il apprécie le montrer et pare habilement le coup, dans une manœuvre qui coupe ses sens à Nicole, la faisant recracher sa bouchée glacée.
— Mais il s’est entraîné, cet enfant n’est pas humain !
Les mots de Nicole lui inflige un long frisson et un sursaut de surprise et d'une pincée de peur. Il sait que son amie a habilement sélectionné ses mots. Comme toujours.
Il évite soigneusement son regard alors qu’elle crie. Sans jamais l’avoir formumé explicitement, Nicole a toujours soupçonné Indy d’être descendant, directement ou non, d’une fée. Tout chez lui sème le doute, à commencer par son physique. Des traits fins et doux, qui dénote dans ce village d'ouvriers, dont les corps et les visages sont usés par le temps et les choses.
Et puis, sa gentilesse, parfois effrayante parce qu’elle ne connaît de limite que celui qui en profite ne décide de fixe. Mais ce qui a achevé de convaincre la jeune femme dans ses théories farfelues est l’instinct de son camarade. Il semble posséder un extraordinaire sixième sens, une sensibilité olfactive et oculaire que Nicole qualifie de « surhumaine ». Pour beaucoup, il serait simple de penser que c’est seulement l’affection qu’elle porte à Indy qui lui fait extrapoler les qualités de son ami. Mais Nicole est connue au village pour ne jamais plaisanter ou divaguer. Moïra dit qu’elle est droite dans ses bottes. Personne n’a jamais compris d’où vient cette expression mais c’est amusant et ça sonne bien. Alors tout le monde s’est mis à répéter la même chose à propos de Nicole.
Elle est médecin, et l’anatomie et l’histoire des fées la passionnent, précisemment parce qu’il est dur de s’informer à leur sujet. Les fées protègent et estiment les hommes mais tiennent à préserver un équilibre bien précis, celui de ne pas se mêler à eux. Ainsi, un flou est cultivé autour d'elles. C'est ce flou entretenu qui rend dingue Nicole et la stimule. La rumeur dit que le mélange de leur génome pourrait créer au fil du temp une toute nouvelle espèce, qui transcende toute celle qu'on peut imaginer. Cette thèse en particulier fait rêver la jeune soignante, qui trouve en Indy, une source infinie de savoir et d’apprentissage.
Indy, lui, n’est pas convaincu. Jamais l’idée d’avoir pour ancêtres des fées ne lui a traversé la tête. il estime de contenter d'être lui, un point c'est tout. Le métissage entre humain et fée n’est pas tabou mais complexe. Les fées sont très conservatrices et cherchent à ne pas se mélanger pleinement aux hommes. Elles préfèrent penser que ces enfants mi-humains, mi-fée, dont la naissance échappent hélas à leur contrôle, sont des anomalies se produisant une fois quelques pleine Lune. Pour les hommes, c’est différent : avoir l’un des leurs acceptés des fées, si bien qu’il fait naître un enfant métisse est une bénédiction tout droit venue des cieux.
Si Indy est sûrement descendant de fées, Aaron devrait l’être, n’est-ce pas ?
C’est là le trou dans les interminables flux de réflexion de Nicole et qui l’agace au plus haut point. Indy n’a jamais connu ses parents et a été élevé par les parents d’Aaron, dont la mère et la sœur de celle qui enfanta du garçon. La famille d’Aaron est formelle : Indy ressemble énormément à sa regrettée mère et son père est un mystère. Nicole est convaincue que si elle arrive à découvrir qui sont les parents d’Indy et à quoi ils ressemblent, elle aura ses réponses.
Aaron se fiche de tout ça. A ses yeux, fée ou non, Indy est son frère et rien n’y changera rien, pas même une génétique qui sort de l’ordinaire. Quand Nicole parle, il se sent de toute façon constemment rabaissé. C’est comme si tout ce qui sort de sa bouche lui est personellement destiné, dans le but de lui rappeler qu’il n’a pas fait de longue étude, et que par rapport à elle et son diplôme de médein, il ne vaut rien, qu’il est un simple cuisinier, sans intérêt ou ambition. Cette idée lui appartient et il ignore ce que Nicole pense réellement de lui. Une partie de lui cherche à le convaincre d’être réaliste, de corriger la vision qu’il a de son amie mais il ne sait s’en défaire.
Si la Nicole est très douée et perspicace, elle tient à son amitié et au respect qu’elle voue à Indy alors elle s’est promise de ne pas étudier de plus près cette affaire. C’est frustrant pour elle, qui est si cartésienne mais tient à ses amis.
Aaron n’a pas vu venir la manœuvre d’Indy et il est rouge de honte. Face au sourire victorieux de son cousin, Aaron bat en retraite et feint de n’avoir rien tenté. C’est moins humiliant, surtout face à Nicole, sauf que rien ne lui échappe. De toute façon, elle s’en fiche, ce qui compte pour elle, c’est de terminer sa glace en paix pour retourner travailler.
Les amis regagnent silencieusement leur place, finissent leur dessert et s’en vont. La place principale leur manque déjà et ils donneront tout pour retourner s'y prélasser.
Mais alors qu’ils marchent lentement, en traînant des pieds, vers la mairie, Nicole hasarde :
— Dis, Indy, Moïra. Elle rentre quand ?
Celle-ci, Indy ne l’a pas vue venir. Et malgré lui, un grand sourire se dessine sur son visage. Entendre le nom de sa bien-aimée a le don de le couvrir de bonheur.
— Ce soir !
Nicole reste pensive. Elle ne dira rien de ce qui lui trotte dans la tête, parce que ce ne sont pas ses affaires et qu’elle a de l'affection pour Indy, malgré tout. Alors elle acquiesce docilement. Aaron, lui, n’a pas loupé une miette de cette discussion et se fait son propre avis. Il pense à Moïra et tout compte fait, il est vrai que son absence a l’air de s’être éternisé. Cependant, elle a toujours été honnête concernant ses dates de déplacement. Alors si elle a dit à Indy qu’elle rentre ce soir, ils la reverront. Lui, ce qui le perturbe le plus c'est de constater son cousin semble toujours plus amoureux de Moïra, chaque jour qui passe.
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