Les convocations
La première convocation était publique. Elle permit à ceux qui s’y étaient rendu d’entendre confirmation par le vieux chaman de la fin de l’apprentissage d’Imala.
Les Matriarches indiquèrent que le jour de la Lune Ronde, elles enverraient un message aux villages voisins qui transmettraient aux suivants. Les retours seraient attendus deux Lunaisons.
La froide voix de la matriarche bleue poursuivit : « Imala serait alors à nouveau convoquée, seule, pour connaitre les besoins en chaman des peuples humains et le nom des trois communautés retenues par nous, les plus anciennes des trois éléments et son maitre actuel. La troisième discussion se fera en présence des Liés d’Imala : ils seront invités à exprimer leurs préférences. Il n’est bien sûr pas envisageable d’imposer à sa tortue aquatique un lieu trop éloigné d’une pièce d’eau. Pour la quatrième, nous inviteront ses Liées humaines (un murmure parcouru la pièce). Hum hum, je disais, nous inviteront ses Liées humaines, même si cette situation n’a jamais existée dans les âges passés. La cinquième rencontre sera la dernière. Imala se mettra au service des éléments. »
Après chacune des discussions avec les matriarches, Imala éprouvait le besoin de se recentrer quelques heures au bord du Lac Nuit. Elle racontait peu à ses sœurs. Sor’a demandait toujours des détails, même si un haussement de sourcil de Veena suffisait à l’arrêter. Elles n’avaient jamais évoquée sa colère. Sor’a se doutait que Veena l’avait tu à Imala sinon celle-ci serait intervenue d’une manière ou d’une autre. Elle ne savait pas si elle devait s’en réjouir. Veena la protégeait-elle ? Ou protégeait-elle Imala ? Ou Elle-même ?
Autant la vie suivit son cours habituel de chasses, apprentissages, cuisines et discussions entre sœurs durant les deux lunes d’attentes. Autant Imala modifia son attention au monde par la suite : elle assistait plus fréquemment aux soins prodigués par Sor’a, qui lui avait presque tourné le dos au début, et à plusieurs chasses de Veena, y compris matinales.
La localisation des villages requérant un chaman était secrète. Imala avait juste indiqué que certains étaient lointains, d’autres proches.
Quelle information de grande qualité, avait maugréé Sor’a pour ses Liés.
Ceux-ci avaient décidé d’un commun accord de ne plus rebondir sur ce genre de petites pensées. Et comme ils communiquaient à travers son esprit, ils savaient qu’elle en avait pleinement conscience.
En fin d’après-midi, le jour de la troisième convocation, Veena sentit un frémissement d’émotions parcourir la forêt. Elle se tendit vers Imala, en vain, puis vers Sor’a. Elle soignait la main d’un tisseur. A nouveau vers Imala, toujours rien.
-As-tu vu Imala ?
-Oui. Elle est sortie de la hutte du conseil en début d’après-midi, perdue dans ses pensées.
Puis comprenant l’inquiétude de la pensée, elle se tendit vers son ainée : Elle ne répond pas. Tu ne la sens pas ?
- Non. Ne t’inquiète pas. Yick va la trouver.
Quelques minutes plus tard, la corneille se posa dans un vol erratique sur la hutte d’Apponi. Sor’a se leva d’un bond. Imala ne répondait pas et le chaman les convoquait.
- Sor’a ! Il faut que tu viennes ! Maintenant ! L’image du Lac Nuit s’imposa dans son esprit.
Urrh prêta sa célérité à sa Liée qui courut tout le long du chemin, traversant le village, remontant la sente peu usitée, sauf par sa sœur pour rejoindre l’endroit où elle s’exerçait à ses trucs de chamans chaque jour.
En arrivant, elle vit Imala, blême, qui reposait, la tête sur les genoux de Veena. Celle-ci leva des yeux plein de détresse vers Sor’a.
- Je ne sais pas où est Alya ? Elle a besoin d’Alya ! Est-ce que Urrh sait ? Est-ce qu’il peut demander à Yick ? Aux autres oiseaux ? Et Ptor ?
Sor’a n’avait jamais vu Veena dans cet état. Shad sortit d’un fourré et se glissa sous le bras inerte d’Imala, sa tête sur sa poitrine qui se soulevait à peine. Marv’ émergea du Lac avec une vitesse incongrue. Il se plaça au contact de l’autre main d’Imala.
- Urrh dit que Flin sait où elle dort la journée. Ils sont en route. Que se passe-t-il ? Elle est tombée ?
- Elle n’est pas là, murmura Veena, comme pour elle-même
Sor’a et Veena attendirent anxieuses tandis que Flin informait enfin sa Liée qu’Alya arrivait.
D’un vol alourdit par le sommeil, Alya se plaça au-dessus du corps immobile. Yick indiqua à Veena de s’écarter. Alya se posa sur le front gris d’Imala et ferma les yeux.
Elle écarta ses ailes blondes - Sor’a se fit la réflexion que la peau d’Imala avait la même teinte en temps normal, et poussa un cri, inaudible aux oreilles des deux Yorubeks, qui fit reculer Flin, Yick et Urrh tandis que Shad et Marv’ se recroquevillaient sans rompre le contact avec leur Liée.
La main d’Imala se resserra sur la fourrure de son loup.
- ¨Par l’Air ! Imala, comment te sens-tu ? S’enquit Sor’a
- Que s’est-il passé ? Pourquoi étais-tu seule ? ajouta Veena
Imala se releva doucement. Secoua la tête en mettant sa main dans celle de Veena.
- Je n’étais pas seule Veena. Marv’ était près de moi. Il est parti chasser juste au moment où je me mettais en route pour vous rejoindre.
Puis évaluant la course du soleil, elle ajouta :
- Il semblerait que deux heures se soient écoulées depuis ce moment. Je ne me souviens de rien d’autre.
La corneille se posa sur le sol à un mètre des sœurs.
- C’est vrai ! La convocation du chaman a eu lieu au même moment que ton appel, Veena. J’avais complètement oublié, ajouta Sor’a avec une caresse mentale à sa grande sœur.
- Voilà probablement un moyen d’avoir des réponses, marmonna Imala.
Puis à ses Liés humain et animaux, elle ajouta : Je vais bien maintenant. Allons voir ce qui s’est passé auprès de mon maitre…Tiens, c’est étrange. Alya dit que nous devons nous rendre à la grande hutte
- Mais qu’est-ce qu’il se passe, bon sang ? Résuma Sor’a
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