Destination future
Le temps des discussions étaient terminé. Sur l’impulsion du vieux chaman, les matriarches avaient décidés d’informer Imala de son futur avant le départ. Préparatifs, discussions intenses à propos de la trouvaille de Kelpi et Marv’ firent fuir les jours comme s’il s’agissait de secondes.
La convocation des Liés, le jour du retour de Marv’, s’était bien passée. Imala avait été fière de la presque modération de Sor’a face aux matriarches. Bien sûr, sa remuante petite sœur n’avait pas manqué de critiquer le système des affectations. Elle était jeune. Ce système n’était pas parfait. Il permettait toutefois depuis des siècles, à chaque village d’être équilibré en nourrisseur, protecteur et chaman. Chacun au service de a communauté, chacun profitant également de ses bienfaits. Imala pensait que c’était une bonne manière de partager les dons individuels. Etre la personne en attente d’un nouveau lieu de vie était moins agréable en revanche. Ses sœurs avaient l’une et l’autre exprimées leurs réserves à un éloignement important de leurs lieux de vie actuel. Sor’a arguant de leur mission, Veena évoquant leur lien particulier et le mystérieux malaise de ’Imala au moment du drame Waara.
La réunion avait lieu dans une pièce arrière de la maison des matriarches, sans autres invités que Imala, au fond et silencieuse, et ses sœurs face aux trois plus anciennes matriarches, les tenantes des traditions Yorubeks, raison pour laquelle Veena s’était autorisée à parler de cet incident. En les libérant, les matriarches avaient indiquées leur décision pour le lendemain dès que le soleil toucherait la maison des matriarches, bien trop tôt au goût d’Imala. Le départ était lui prévu pour la fin d’après-midi afin d’avoir les diurnes et nocturnes ensemble le plus longtemps possible.
Imala inspira profondément et relâcha lentement son souffle. Dans quelques minutes, elle saurait où débuterait sa vie de chamane. Une vie au service des autres. Une vie à distance de ces sœurs. Elle les avait observées durant les dernières semaines, intensément, gravant des souvenirs, des détails pour les jours de manque qui viendraient sans doute. Ainsi était la vie d’un chaman. Quoi qu’il arrive, elle ne les perdrait pas et ses Liés seraient près d’elle.
Sor’a, Veena, son mentor étaient à genoux face aux matriarches, les anciennes bien sûr, mais les plus « jeunes » également. L’affectation d’un chaman arrivait rarement : les matriarches plus jeunes apprendraient aujourd’hui, pour peut-être un jour, elles aussi, mener ce rituel.
La matriarche blanche parlerait. Elle tenait le calumet de parole que le chaman avait rempli et allumé. Le chaman bleu, invité exceptionnel, se tenait contre le mur de torchis dans un pan d’obscurité. Lorsque Shad pénétra dans la pièce en soulevant la tenture, tous tournèrent leur regard vers Imala. Alya, la tête engoncée dans le épaules, boule blanche et chamois sur l’épaule de sa Liée, avait veillé tard pour l’occasion. Le pas rampé et pesant de Marv’ permit à chacun d’observer la silhouette qui se découpait en contre-jour : jeune femme immobile à la chevelure sombre d’où ressortait trois couleurs, trois tresses pour trois liens. Contrevenant pour une fois à une tradition, Imala n’avait pas attendu son affectation pour choisir la couleur de sa tenue. Les chamans portaient généralement une tenue évoquant le milieu majeur de leur environnement. Ainsi Nared était le chaman bleu car il était chaman des Dourouz, auprès du fleuve. Et leur mentor à tout deux était le chaman vert de Voyemont, même si le vert de sa cape était plus un souvenir qu’une réalité.
Imala elle portait une cape bleue dont seules ses mains pâles dépassaient. (Sor’a en était très fière, c’est elle qui avait trouvé les pigments nécessaire à sa teinture). Sa tunique écrue, évoquant son lien avec l’élément de l’air, tranchait sur ses jambières vert sombre comme sous le couvert d’une forêt. Imala affichait qui elle était, refusant de mettre en avant un élément unique.
Son maitre toussota.
- Entre apprentie, et apprend le lieu où tu rejoindras la communauté des chamans
La voix du vieil homme était ferme. Seule Veena percevait ses émotions : attendrissement, fierté, vague inquiétude.
Imala s’avança, silencieuse. Sa tenue était son seul écart aux traditions : elle écouta attentivement la matriarche blanche énoncer à voix basse son affectation : le village d’Itele, situé de l’autre côté de la cascade brumeuse. A portée de ses sœurs grâce à leur don unique de communication entre humains. A trois jours de marches pour les serrer dans ses bras car cette rivière fendait la terre tel un sillon tumultueux et infranchissable avant de retrouver un semblant de calme loin en contrebas.
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