Corne et brumes
- Le sens-tu Marv’ ?
- Oui. Ne t’avance pas trop Imala. L’écho est perceptible dès la frontière.
La jeune chamane ré-ouvrit les yeux et contempla sa sœur les mains serrées autour de la corne du Narval argenté. Les paupières fermées, elle se concentrait intensément pour contacter son Lié aquatique depuis le Lac Nuit soit près de quatre kilomètres du fleuve où Kelpi tentait le contact. Un sourire s’épanouit soudain sur les lèvres ourlées : la blancheur de ses dents rayonnait dans son visage brun. Aucun besoin de se poster à la frontière avec le monde des esprits pour savoir que Kelpi et sa sœur avaient réussi à s’affranchir de la distance qui les séparait.
- Tu penses vraiment que cela fonctionnera à si grande distance Marv’ ?
- Je l’espère. Cela me semble plausible et mon ami le maitre-esprit du Lac Nuit est d’accord avec moi. De toute manière c’est le seul moyen que j’ai pu trouver en si peu de temps. Un coup de chance que ce souvenir soit remonté à la surface des mémoires endormies de mes aïeux. Rends-toi compte Imala : si ton maitre a raison, vous alliez partir affronter un mage de feu avec un seul lien d’eau pour vous protéger.
- Nos autres liés seront là. Et Nared. Et j’espère encore que nous n’aurons pas à l’affronter, la Danse collective sera suffisamment difficile.
- Imala, je veux que tu gardes bien en tête que l’air et la terre s’ils peuvent arrêter un incendie sont également des ressources pour l’augmenter. Le bois nourrit le feu et le vent le transporte. Seule la pluie peut l’arrêter.
Imala plongea son regard dans les billes cerclées de chocolat de son Lié. Leur étreinte mentale se termina sur une dernière recommandation de Marv’ qui s’éloignait pour se glisser dans les eaux sombres du Lac.
- Il vous manquera un Lié d’eau. Je ne pourrai être présent au cœur de la montagne. Mais si tu as réellement besoin de moi, demande à Kelpi de transmettre le message au Maitre du fleuve et je ferai de mon mieux pour communiquer avec lui.
L’atterrissage bruyant du pélican sonna les adieux pour Veena et Kelpi. Une Sor’a étrangement calme approchait accompagnée de la silhouette bleue de Nared, et du pas lourd de Ptor. La silhouette fuselée de Silk sortit du lac Nuit en frôlant Marv’. Urrh tournicota deux fois au-dessus de sa tête avant de retourner dire au revoir à sa Liée.
- Tu es sûr ? lui demanda Sor’a
- Qu’y a –t-il Sor’a ? S’enquit Veena
- Urrh veut venir avec nous pour le début du voyage.
- Hum, hum. Sachez mesdames que vous avez une personne qui ne participe pas à vos conciliabules silencieux. Je vous remercierai donc d’utiliser vos voix humaines le plus souvent possible sinon je ne pourrai pas vous apporter mon aide au cours de ce voyage, énonça placidement Nared.
- Oups, pardon, N… chaman bleu, dit Sor’a en rosissant presque, un exploit avec son teint acajou. Urrh va nous accompagner la première partie du voyage.
Nared se tourna vers Imala qui avait pali lorsque sa sœur avait failli nommer le chaman bleu. Les chamans n’utilisaient leurs noms qu’entre eux, les humains dont ils avaient la charge ne le connaissaient généralement pas.
- Imala ?
- Oui ? Où sont les autres liés ? C’est le moment du départ.
Veena sourit à cette innocence.
- Ils sont présents. Regarde autour de toi.
Nared détailla les alentours de la rive du Lac Nuit qui se couvrait lentement de brume avec la tombée des températures. Il découvrit le puma allongé sur une pierre claire, le loup dont les yeux luisaient en bordure du bois jouxtant le lac, juste au-dessus de lui la tâche claire de la chouette d’Imala. Il cherchait encore le faucon de Veena lorsqu’il l’aperçut en train de lisser ses rémiges sur l’épaule de sa partenaire.
- D’accord, d’accord, allons-y…et, puisque vous êtes toutes au courant, appelez-moi Nared, nous gagnerons du temps.
Masquant son sourire, Veena se détourna et prit, avec Flin, la tête de l’étrange colonne qui s’enfonça dans la forêt en passant sous le hêtre perchoir d’Alya.
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