Le cri de l’âme
Tu es là assise face à ce triste visage,
Lamentable, apeurée, aigrie et sans âge,
Il s'est joué de toi, tu le détestes.
Non ? mais tu le fuis comme la peste.
Ton cœur n'est plus qu'une éponge
Absorbant la litanie diabolique des songes,
Cette litanie venue de l'enfer outre-tombe
Où Lucifer exulte de sa bouche la colombe.
C'est lui ! et lui seul, l'infâme âme mutante.
Il est devenu tes pensées nuisibles et affolantes.
Il demeure en toi, couvrant l'espace sanguin
Depuis son enfer. Ce mariage est consanguin !
Car vois-tu, malgré toute ta limpide beauté
Offert par un dieu à l'impénétrable gratuité,
Tu t'efforces à concevoir une beauté perdue et irréelle,
Alors que ton âme sait que c'est elle, la plus belle.
Ne pense plus à Dieu uniforme et cruel,
Il n'y a ici-bas que des contours superficiels,
Des contours et des formes périssables,
Approuvés par Dieu, contrés par le Diable.
La beauté de ce visage que tu as tant chéri
Était semblable à une vallée aux courbures fleuries.
Puisque durant ta jeunesse dépourvue de sillons,
Tu n'acceptais ni laideur ni tache ni brouillon.
Toutes ces amours volées, écrasées et combattues
Ont fini par user, défraîchir et faner ta beauté ingénue,
Car l'ignorance dont tu fus la victime t'aveuglait
De Lucifer qui te contrôlait et te mésestimait.
Pauvre folle, inconsciente même aujourd'hui
À la vraie valeur de ton âme qui a pourri.
Il est trop tard, le temps a gommé ton visage
Lamentable, apeuré, aigri et sans âge.
Regarde derrière toi, l'ange de la mort t'attend,
Lucifer est là aussi, mais Dieu est absent.
Malgré toute la résistance à ne pas les suivre
Ton âme que tu as abandonnée, veut vivre.
Devant les portes de l'enfer, cette gueule ouverte
Aux crocs d’un dragon, tu t’enfonces, effrayée, mais offerte ;
Tu suis un chemin serpenté, glacé, hypnotique,
Qui ramène vers la vie, sur terre, des âmes ascétiques.
Après avoir passé ce sentier ruinant les sentiments,
Une lumière aveuglante te transperce vertueusement.
Ton âme, presque évanouie, contemple ta laideur.
Aujourd'hui, tu as quinze ans et tu connais la peur.
Dans ta première vie, tu as sondé la beauté superficielle,
Celle qui a fait de toi un monstre aux amours artificielles.
Dans cette seconde existence, tu connais la solitude,
Et tu peux aimer ton âme si belle en toute quiétude.
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