Grâce à son extraordinaire sens de l'orientation, Belkaroth trouva un moyen de regagner la Capitale avant la tombée de la nuit. Les deux elfes purent alors s’extasier : quelle merveille architectonique ! La ville était juchée sur une colline verdoyante en haut de laquelle se dressaient à au moins dix mètres de haut ses trois tours orgueilleuses. Il y avait des places du marché à chaque rue, où s'épanouissaient les coupeurs de bourse avant de disparaître dans d’immenses ruelles obscures. Les ribaudes s’ébattaient, jeunes créatures frêles et espiègles de douze ou treize ans, tandis que leurs maquereaux fumaient dans l'ombre des herbes aux vertus mystérieuses. Mille assassins vadrouillaient soir les toits, entraînant de temps à autre leurs victimes dans leur baroque sarabande. Quel endroit merveilleux !

Pourtant, quand ils entrèrent dans une taverne — elle aussi sûrement extrêmement mal famée —, leur moral déclina brusquement pour se porter vers des questions aussi métaphysiques que mystérieuses.

« L'épée qui fut forgée…, marmonna Belkaroth en sirotant sa bière acide dans un gobelet crasseux. De quoi l'oracle pouvait bien donc-t-il parler ?

— Ce doit sûrement être une épée magique ! s'exclama Syphilis. Allons demander des renseignements !

— Des renseignements sur une épée magique ? fit alors l'aubergiste. Foi de Péhénji, je saurais vous en donner, mais il faudra me payer grassement.

— Il se trouve que j'ai justement dans mes affaires un artefact magique très ancien, dit alors Bël’vytä : le Livre de Tous les Savoirs Grands et Anciens sur le Futur, le Passé et l’Avenir, édition incluant un Appendice Spécial sur les Épées Magiques et Leur Fonctionnement. Si nous vous le donnions, vous accepterez sûrement de nous raconter ce que vous savez. »

Une fois effectuée l'ingénieuse transaction, Péhénji se penche vers eux d'un concupiscent air, et, murmurant à leurs oreilles, il raconta avec force gestes et exclamations la légende de l’Épée qui Fut Forgée et Servira à Combattre.

« Il s'agit d'une très vieille épée qui pourrait servir à vaincre Ténébror. Mais elle se trouve au fin fond de la Ténébrie !

— Flûte alors ! s'exclama Chlamydia. Comment allons-nous faire ?

— Et si nous y allions ? proposa Syphilis après un quart d'heure d'intense réflexion.

— Mais oui, quelle excellente idée ! se réjouit Belkaroth. Mais pour nous rendre dans d'aussi périlleuses contrées, il nous faudrait un guide astucieux…

— Je me propose », fit alors une voix sortant d'un mystérieux capuchon.

Tous frémirent et se retournèrent.

« Qui es-tu, clama Syphilis, ô étrange individu à la voix mystérieuse dissimulé au fond de cette taverne ? »

L'étrange individu était, de ce fait, pourvu d'une voix mystérieuse et dissimulé au fond de cette taverne.

« Mon nom importe peu, dit-il en avançant vers eux, tout comme mon identité. Je ne suis que celui qui va vous guider durant de longs mois dans des territoires hostiles vers une destination dangereuse et incertaine et dont vos vies dépendront à tout moment. Mais en-dehors de cela, qui suis-je face à la lumière d'un elfe ?

— Nous vous embauchons ! » s'écria Syphilis, subjugué par l'incroyable véracité dont faisait preuve son interlocuteur.

Et ils partirent ainsi vers la Ténébrie, pris d'un tel zèle qu'ils en oublièrent ce pour quoi ils étaient venus. Mais alors qu'ils s’élançaient dans la nuit sombre et orageuse, ils auraient dû tendre l'oreille, car à mille lieues de là retentissait le rire de l’abomignoble Sidhe Veyyash.