Le coupable inconnu
Dans une toute petite ville qu'on aurait cru isolée des drames du monde, on découvre un soir une femme, allongée sur un pont, morte depuis plusieurs heures. À ses côtés, un homme est assis tranquillement, et menace quiconque ose s'approcher. Alors que tous attendent que l'on vienne arrêter ce fou, plusieurs hommes s'approchent à leur tour, des curieux qui veulent savoir ce qui agite le reste du village.
Un cri d'horreur rettentit alors dans la foule. Un homme crie que c'est sa femme qui git là, sur le sol. De l'autre côté du pont, l'amant de cette dame fait grise mine. Bien fâché de voir que sa concubine ne viendra plus le voir, il profite tout de même de la présence du fou. En effet, tant que ce cinglé est sur le pont, le mari ne pourra venir jusqu'à lui.
En contrebas du pont, le passeur sur sa barque n'est qu'à moitié étonné. Les cris l'ont alerté mais il se doute qu'il est déjà trop tard pour intervenir.
Un inspecteur finit par arriver avec des forces de l'ordre, et arrête toutes les personnes aux alentours pour recueillir des informations.
Il commence par celui qui lui paraît être le coupable évident : le fou.
Rapidement, il s'aperçoit que derrière son apparente folie, se cache tout de même des capacités de mémoire et de compréhension. L'homme se souvient en effet qu'il a prévenu la femme de ne pas s'approcher, et qu'elle était d'ailleurs repartie après cette menace. Elle n'était revenue que bien plus tard, et il l'avait tué à ce moment-là.
L'inspecteur songe alors que peut-être cette brave dame a tenté sa chance auprès du passeur. Il s'attaque donc à interroger cet homme, pour comprendre pourquoi il aurait pu refuser d'aider cette femme.
Le passeur est bien embarrassé, mais sa justification plaide en sa faveur. Le pont n'est généralement pas occupé par un fou, et les gens passent alègrement d'un côté à l'autre de la rivière. Son travail n'a plus de sens à présent, alors il a grandement baissé les prix, et ne se permet plus que de faire payer à ses voyageurs que 3 euros. Son allure misérable dévoile aisément qu'il ne pensait pas à mal en refuser la victime de passer la rivière. Il avait déjà fait face à des clients semblables, promettant de le payer plus tard après être rentrés chez eux, de l'autre côté de la rivière, mais qui une fois le trajet fait, le laissaient sur place, sans jamais le rembourser.
Quand il lui demanda pourquoi il n'avait pas accordé le bénéfice du doute à cette dame, le passeur lui a révélé qu'elle lui avait dit qu'elle se rendait chez un ami pour lui emprunter de l'argent, afin de le payer.
Comprenant que l'affaire est plus complexe qu'il n'y paraissait au premier abord, le détective réussit à retrouver l'ami de cette femme, qui était en fait son amant.
Il découvre alors que lui et la victime avaient eu une lourde dispute, et que l'homme avait refusé de lui prêter de l'argent pour le passeur, alors même qu'il savait qu'un fou risquait de la tuer si elle tentait de traverser le pont qui passait au-dessus de la rivière.
Le jugeant le plus coupable moralement, le détective décide quand même de parler au mari de la femme. Celui-ci découvre alors que sa bien-aimée avait un amant. Rejetant dans un premier temps la faute sur cet homme, il finit par se lamenter en s'accusant d'avoir trop travaillé au point de délaisser son épouse, qui avait voulu voir ailleurs, et qui était morte en voulant lui éviter de découvrir cette liaison.
Un peu mal à l'aise par cette réaction, le détective présente ces quatre hommes face au juge. Les jurés présents dans la salle sont eux aussi assez perplexes par ces découvertes. Certains envisagent alors que c'était la faute de la femme elle-même, car tout de même, elle avait eu une liaison secrète, et n'avait pas su comprendre que si elle était délaissée, c'était parce que son mari faisait déjà un travail éreintant pour leur permettre à tous deux de vivre.
On plaint le passeur, et le détective remarque que plusieurs jurés semblent honteux en écoutant sa justification. Certains avouent du bout des lèvres qu'ils ont profités de sa naïveté pour ne pas lui payer son du.
Le détective trouve l'affaire de plus en plus sordide. Même les jurés sont pour la plupart indirectement coupables du meurtre qui a eu lieu. Leur méchanceté a rendu le passeur méfiant, et a condamné sans le savoir le destin de la vctime.
Pour d'autres, ils sont ceux qui ont conseillé à l'amant de n'accorder aucune indulgence à sa partenaire après que les deux se soient disputés. Ils sont également coupables du refus de l'amant de prêter de l'argent à la dame.
Un dernier juré condamne le mari pour avoir été trop absent envers sa femme. Celui-ci pleure alors, répondant à l'homme qu'il est celui qui le faisait travailler si durement, puisqu'il est son patron.
Alors que le juge tente de calmer l'assemblée, le détective pose alors une question au fou, et lui demande pourquoi il ne se trouvait pas à l'asile. L'homme lui répond alors qu'on lui avait donné le droit de rester librement dehors, et d'agir comme il le souhaitait, puisque sa folie le rendait non coupable de ses actions. Le détective lui demande alors qui lui a donné ce droit.
Et le fou pointe son doigt vers le juge.
Qui est coupable ?
Tout le monde. Même le lecteur de cette histoire. N'avez-vous pas jugé les uns ou les autres, au grès de vos pensées, sans compassion pour les uns ou les autres ? Qu'est-ce qui a bien motivé que vous soyez plus indulgents envers les fautes de certains mais pas celles des autres ?
La vérité n'est que rarement simple. Faites ce que vous pensez être juste, et ne soyez pas trop promptes à condamner. Peut-être que ma version vous a fait changé d'avis sur vos préjugés.
Après tout, tout est question de point de vue. Écoutez les tous avant de rendre votre jugement.
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