Le petit déj
Il y a eu petit déjeuner d'entreprise non loin dans le temps. On était tous réunis : Dieu, Jésus, Marie, Joseph, bref tout le staff managérial était présent. Moi, j'étais assis à la même table que Lucifer et Sachatte, tous les deux avaient de petits yeux. La longue queue de Lucifer, d'habitude forte, droite et vigoureuse me semblait demi-molle. Sachatte, elle, bailla plusieurs fois. Les pauvres, le travail devait les harraser.
Alors que Jésus faisait le service (la multiplication des pains, cela a du bon), Sachatte me racontait ses déboires avec un lion mal aiguillé. Il a voulu se faufiller par la chatière de la porte du Paradis-chat, mais le corps n'est pas passé. Moralité, le système fut bloqué pendant un certain temps. Ne regardant qu'elle, je ne fis pas attention à la petite cuillère. Celle-ci tomba par terre. Les deux se penchèrent pour la ramasser. La cuillère dû se bloquer sous le coin de la table car ils restèrent un certain temps penchés avant de remonter. Ou alors, ils sont tellement crevés et à moitié endormis que leur regard n'en est même plus clairvoyant.
Le déjeuner passe, le café trépasse. Prendre des nouvelles de la femme de Lucifer fut la pire idée que j'ai eue. Alors que je suis habitué à sa chaleur, ce sujet lança un froid. À ce que j'ai compris, ils se sont égosillés pour une question de chaudron. Il a claqué la porte pour terminer affalé dans un bar, ses sous-poches orbitales me servant de grille de lecture du nombre de verres bus. Sachatte étant dans le même endroit, par hasard, ils se sont soutenus l'un l'autre dans la lourde tâche de trouver le bon nombre de verres qui marie gueule de bois et trou de mémoire. Je confirme, la tâche peut être considérée comme réussie. À la base, Sachatte assistait à un enterrement de jeune fille mais la puritaine de service ne voulant entendre parler ni d'eau en vin ou ni de demi-dieux nus, l'enterrement porta bien son nom.
Bon après, je n'ai pas très bien compris. Faut dire qu'ils n'étaient pas clairs non plus. Je ne sais qui de l'un a ramené l'autre mais à mon avis, vu l'état, ils ont marché serré l'un contre l'autre tels deux cartes d'un château s'empêchant de tomber l'un sur l'autre. L'amitié cela sert à ça, non ? Content que Lucifer ait trouvé quelqu'un quand il en avait besoin. Dommage que ce ne fut pas moi. Dommage que je n'étais pas là. Sachatte bourrée, c'est toujours sympa. En plus d'être très tactile, elle n'est pas complexée. Je me souviens, l'une de ses dernières grandes idées fut d'écrire "Free hugs" sur sa poitrine. Déjà, écrire bourrée c'est dur, écrire bourrée et à l'envers encore plus mais alors écrire bourrée, à l'envers et en anglais quand la seule chose qu'on sait écrire c'est Miaou... Bref, après qu'elle a essayé plusieurs fois, elle m'a demandé de le lui écrire. Que le temps peut être court quand il s'agit d'effacer à l'alcool les ratures indélébiles de la paire de seins d'une déesse chat-toyante pour ensuite y écrire vigoureusement les lettres f.r.e.e.h.u.g.s. Le saint des seins que je fus n'y a rendu que service mais l'ange que je ne suis pas en a gardé les souvenirs. Bref, une fois "le panneau" fait, une file se forma spontanément, moi j'y suis passé deux fois, en toute amitié bien sûr.
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