Chapitre 6
Forêt de Sqenia, Dalkia, 3 juillet 1990, 7h00
Ça faisait plus d'une heure qu'Olympe, Zack et Jack marchaient dans cette forêt. Comme prévu, ils avaient abandonné leur véhicule après avoir roulé cinquante kilomètres. La forêt était trop dense pour circuler avec un blindé.
— C'est encore loin ? demanda Jack.
— Non, on y est presque, répondit Olympe. Quand on y sera, il faudra qu'on...
— Attendez, taisez-vous, iterrompit Zack. Vous entendez ?
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Olympe en épaulant son fusil.
— Rien, répondit Zack après quelques secondes, J'ai cru entendre quelque chose, continuons.
Toujours le fusil à l'épaule, Olympe scruta les alentours puis reprit la marche. Elle ne remarqua pas les drones Efdéèmois qui étaient en train de les suivre. Silencieux et dotés des meilleures technologies de prise d'images, les drones de reconnaissance Vautour étaient réputés pour leur efficacité. Beaucoup disaient qu'ils étaient les meilleurs de leur catégorie, surpassant tous les autres modèles de drones espions.
— Quand on arrivera au camp, reprit Olympe, il faudra que l'on se porte garant pour toi et qu'on aille t'enregistrer, sans quoi tu ne pourras pas rester. La base Lima n'accepte que les résistants.
— Ouais, c'est pas faux, continua son frère. Félicitations, Jack, tu vas bientôt entrer dans la Résistance.
— Oui bah en parlant de ça, je croyais que tous les résistants avaient été envoyés en ville, dit Jack.
— Et bien non, il en reste encore éparpillés sur tout le territoire, mais la majorité sont au point Lima, répondit Zack.
La Résistance était en effet dirigée par le général Fidemo, un ancien haut gradé de l'armée régulière dalkienne, avant l'invasion. Ce dernier, expérimenté, savait qu'il ne fallait pas envoyer toute son armée au même endroit.
— Tiens, regarde, dit Zack montrant le pied d'une montagne. Encore quelques centaines de mètres et on y sera.
Olympe, Zack et Jack s'avançaient vers une porte d'entrée camouflée. Une équipe de quatre gardes était présente. Lorsqu'ils virent que trois individus s'approchaient, ils les braquèrent avec leur arme.
— N'avancez plus, veuillez-vous identifier ! cria l'un d'entre eux, assez grand, environ un mètre quatre-vingt, la peau noire et le crâne rasé.
— C'est bon on se calme, on était à Seed et on a reçu votre appel, celui qui nous demandait de nous rassembler au point Lima. Je suis le Caporal McNamara, répondit Zack en s'avançant vers eux les mains en l'air, et voici ma sœur, le soldat McNamara et un civil qu'on a récupéré pendant les combats.
— Dites-nous le mot de passe et on vous laisse entrer, ajouta le garde.
— Et merde le code..., se dit Zack tout bas.
— « Aube de l'Espoir » dit Olympe.
Sur ces paroles, ils purent entrer dans la base militaire cachée construite pendant la guerre qui avait opposé le Véèrème au Efdéème dans les années 1960. À ce moment-là, Dalkia voulait se doter d'un complexe de défense secret que personne d'autre qu'eux ne connaissait. Pas même leurs plus fidèles alliés. Lorsque le Efdéème avait envahi Dalkia il y a quelques mois, ce lieu était devenu le QG principal de la Résistance. Camouflé dans une montagne, il offrait une excellente cachette. Du moins jusqu'à aujourd'hui car les drones Efdéèmois avaient suivis Olympe et ses compagnons jusqu'à proximité. Le Efdéème connaîtrait bientôt l'emplacement de la base de la Résistance.
Accompagnée de Jack, Olympe se dirigea vers l'officier chargé d'enregistrer les recrues. Ce dernier disposait d'un simple bureau avec un ordinateur.
— Vous venez pour vous enregistrer ? demanda l'officier Kelly, un homme chauve avec une moustache marron, qui avait dans les cinquante ans et ne semblait pas très accueillant.
— Pas moi, répondit Olympe en désignant Jack d'un signe de tête. Je suis déjà des vôtres. Je viens pour lui.
— Bien sûr. Quel est son nom ?
***
Pendant ce temps, Zack attendait dans un hangar près de la salle de commandement, assis sur une caisse contenant sûrement des outils. Il repensait aux derniers événements : la prise de Seed par la Résistance, l'attaque sur la plage, les combats dans la ville, la fuite. Il se demanda ce qu'auraient pensé ses parents s'ils avaient été encore en vie. Il n'eut pas le temps d'aller plus loin dans sa pensée. Un résistant arriva vers lui, enjoué. Il devait avoir le même âge que lui, une vingtaine d'années, et portait la tenue de base du résistant un treillis vert kaki avec son arme de service, un pistolet P11, modèle standard de l'ancienne armée dalkienne. Il avait les cheveux courts, coupe militaire standard bien que pas obligatoire dans la résistance, les yeux marron et la peau noire.
— Zack ! cria-t-il
— Jason ? demanda Zack en se relevant. C'est pas vrai ! Comment vas-tu ?
— Ça va. J'ai appris ce qu'il s'était passé en ville. Tu as eu une chance incroyable de t'en sortir mec. Ils vont payer pour ce qu'ils ont fait.
— Oui, j'espère.
— Bon, tu m'excuseras, Zack, je dois faire le plein des chars, on parlera plus tard si tu veux.
— Ok, pas de problème Jason, heureux de t'avoir revu.
Zack le regarda s'éloigner. Jason était un ami d'enfance. Ils avaient grandi dans le même quartier, ils avaient été ensemble de la maternelle au lycée. Bref, c'était son meilleur ami. Il se souvenait du jour où Jason s'était engagé dans la Résistance pour ne pas laisser son « meilleur pote » tout seul. À l'époque Olympe ne s'était pas encore engagée et ses parents étaient toujours en vie. C'était d'ailleurs leur mort qui avait poussé sa sœur à le rejoindre à son tour. Celle-ci, accompagnée de Jack se dirigeait désormais vers lui, après l'avoir cherché pendant quelques minutes.
— Alors, ça y est, tu es officiellement des nôtres ? demanda Zack à Jack.
— Oui, répondit Olympe à sa place.
— Si j'ai fait ça, c'est uniquement pour pouvoir circuler librement dans le complexe et ne pas avoir à vous attendre dehors, dit Jack avec humour. D'ailleurs, j'ai bien envie d'aller voir ce qu'il se passe ici, de découvrir un peu les lieux.
Le complexe semblait gigantesque en effet. Il comportait quelques hangars et de quoi loger les résistants et même des non-combattants, bien que ces derniers étaient très peu nombreux ici.
— Ok, dit Olympe. On se retrouve tout à l'heure pour le repas. Et surtout ne parle de tes pouvoirs à personne, compris ?
Officiellement, Dalkia n'avait rien contre les Paranormaux, mais ils n'étaient pas tolérés dans les forces armées. Aucune puissance utopienne exceptée Pacifia n'acceptait les Paranormaux dans ses rangs. Ils étaient jugés depuis plusieurs siècles comme instables et dangereux pour la cohésion des bataillons. De plus, l'Humanité avait prouvé au monde entier qu'une bonne armée pouvait se passer de leur présence. Lors de la Grande Reconquête qui opposa les Humains et les Elfes d'un côté, aux Elfes Noirs de l'autre, les Humains avaient démontré que la technologie était supérieure à ce que les Elfes appelaient la magie. À cette époque, la technologie Humaine était beaucoup moins développée qu'aujourd'hui, mais avait permis aux Elfes de libérer Pacifia du joug des Elfes Noirs, forçant ces derniers à se replier dans les terres de l'ombre, d'où ils étaient originaires.
— Oui, d'accord, répondit Jack.
Olympe et Zack le laissèrent explorer le complexe. Un homme escorté de six résistants armés, les rejoignit.
— C'est vous les derniers arrivants ? demanda-t-il.
— Oui, pourquoi ? demanda à son tour Olympe intriguée.
— Je suis le capitaine Moriano, peut-être que mon nom vous dit quelque chose, c'est moi qui aie lancé l'appel invitant les survivants à rejoindrec cette base.
— Ouais, je m'en souviens, répondit Zack en se levant.
— Le général Fidemo demande à vous voir.
— Nous ? demanda Zack. Qu'est-ce qu'on a fait ?
— Rien, il veut juste vous briefer sur l'opération qui aura lieu demain, il compte sur votre participation.
Olympe et son frère suivirent le capitaine Moriano jusque dans le centre de commandement. La pièce était grande, avec des écrans partout et une grande table ronde au centre. Le général Fidemo les y attendait. Il s'agissait d'un homme d'une soixantaine d'années, de taille moyenne, peau blanche, cheveux blancs avec une petite queue de cheval, et une moustache blanche. Il n'était pas seul. En plus de ceux occupés à pianoter sur les ordinateurs, il y avait six autres officiers. Le Capitaine Moriano venant s'y ajouter, Olympe et Zack se trouvaient en compagnie de huit officiers de la Résistance, dont deux femmes. Ils étaient d'autant plus impressionnés qu'ils n'avaient pas la moindre idée de ce que pouvait être l'opération évoquée quelques secondes plus tôt par Moriano.
— Bienvenue, dit le général Fidemo à ses deux invités. Je vous ai fait venir ici parce que... attendez, vous n'étiez pas trois à votre arrivée ?
— Oh, Jack n'est pas un combattant, répondit Olympe au général, ne voulant pas révéler que son ami était un Paranormal.
— Je vois, reprit Fidemo. Bref, je vous ai fait venir parce que j'aurais besoin de vous.
Olympe et Zack s'échangèrent un regard.
— Nous ? demanda Zack.
— Comme vous le savez, nous avons perdu une grande partie de nos forces ces dernières heures. On estime d'ailleurs à quarante-cinq pour cent nos pertes entre la prise de Seed et ce matin. Vous faites tous les deux désormais partie de nos éléments les plus expérimentés. La plupart des hommes qu'ils nous restent n'ont participé qu'à très peu d'opérations, si ce n'est pas du tout. C'est pourquoi je voudrais vous nommer chefs d'escouades.
Cette annonce surprit Olympe. Zack avait certainement le profil d'un bon chef d'escouade. Il était courageux et meneur dans l'âme. Mais en ce qui la concernait, elle ne pensait pas être à la hauteur de cette responsabilité.
— Ça serait un honneur, répondit Zack pendant que sa sœur le regardait, ne sachant pas quoi dire.
— Parfait, conclut le Général Fidemo prenant la réponse de Zack comme valable pour lui et sa sœur. Nous vous affecterons une équipe pour la prochaine opération, dit-il avant de se tourner vers le major Brittany Keyes, l'une des deux femmes présentes, comme pour lui donner la parole.
Cette dernière s'avança d'un pas et déroula une immense carte sur la table. Elle représentait la région nord-est de Dalkia, là où se trouvait le point Lima, Seed et une gigantesque et puissante tour de communication : la fameuse tour REGIS.
— Vous n'êtes pas sans savoir que le Efdéème a bloqué toutes les communications vers l'extérieur, dit le major Keyes avant de fixer les deux nouveaux chefs d'escouades.
— Oui, bien sûr, répondit Zack.
— Le Efdéème lui, communique avec l'extérieur via la tour REGIS. Notre tour REGIS. Tellement haute quelle passe au-dessus de leur zone de brouillage.
— Vous voulez prendre d'assaut la tour ? demanda Olympe.
— Oui. C'est le seul moyen d'appeler des renforts venant de l'extérieur, répondit le colonel Edmund Simmons, un homme imposant, blanc, les cheveux courts et moustachu. On pense que le Véèrème entendra notre appel et viendra nous soutenir.
— Vous pensez ? Il faut en être certain, dit Olympe sûre d'elle. Nous avons déjà perdu beaucoup d'hommes, si l'opération échouait ou si le Véèrème ne venait pas, qu'est-ce qu'on ferait ?
Le général regarda Olympe dans les yeux, étonné qu'elle tienne tête au colonel. Il fronça les sourcils avant de reprendre.
— Nous avons déjà perdu si nous ne tentons rien. Nous n'avons plus assez d'effectifs pour espérer reprendre notre territoire seuls. Il nous faut de l'aide. La tour REGIS est notre seul espoir. L'opération aura lieu demain à l'aube. L'objectif est simple. Se frayer un chemin jusqu'à la tour, y entrer, en prendre le contrôle et envoyer un message de détresse que le Véèrème entendra, termina Fidemo.
Sur ces paroles, Olympe et Zack quittèrent la salle. Ils connaissaient bien la zone autour de la tour REGIS. Avant l'invasion et la mort de leurs parents, ils y habitaient. Olympe soupçonnait que c'était d'ailleurs la raison pour laquelle ils avaient été promus. Même si la raison avancée par le général était valable elle aussi. Elle et Zack faisaient à présent parti des résistantsl les plus expérimentés.
— T'inquiète pas Olympe, dit Zack voyant que sa soeur était préoccupée par ce qui venait d'être dit. Tout ira bien.
— J'espère, lui répondit Olympe.
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