Forêt de Sqenia, Dalkia, Utopia 9 juillet 1990, 6h15 environ

Les hommes du général Timéli embarquèrent dans les transports. La route vers Seed se ferait uniquement par voie terrestre. Ça donnait l'occasion aux résistants de découvrir le transport blindé Armadillo véerèmois. Il s'agissait d'un véhicule blindé à six roues motrices increvables qui pouvait accueillir en plus du conducteur, de son passager et de l'artilleur, un groupe de huit soldats ainsi que leur équipement. Sur le toit du véhicule se trouvait une tourelle à double canon gros calibre. L'Armadillo était très semblable au blindé efdéèmois que Zack, Olympe et Jack avait volés en fuyant Seed quelques jours auparavant.

En plus des transports Armadillo, le convoi était constitué de chars Cordyle II, descendants du Cordyle I qui était équipé d'un lance-flamme. Le Cordyle II n'était plus équipé de lance-flamme mais d'un puissant canon pouvant tirer des munitions standards ou incendiaires ainsi que d'une mitrailleuse lourde. Enfin, le petit bijou de la cavalerie Véerème, le Supertank Cordyle III, un char plus grand que le Cordyle II équipé d'un canon plus léger et d'un deuxième canon qui servait de pièce d'artillerie. Le Véerème était la première puissance utopienne à avoir produit un véhicule deux en un.

Zack et son équipe étaient à bord d'un Armadillo. Heureusement pour eux, il y en avait qui étaient vides de soldats véerèmois. Timéli avait prévu plus de transports qu'il ne lui en fallait. Sans quoi les résistants auraient dû les suivre à pied. Au total, c'était vingts blindés et chars qui fonçaient droit sur la capitale dalkienne. Ils devaient rejoindre les quelques quatre-cent soldats véerèmois déjà présents.

Olympe était assise en face de son frère. Cela faisait quelques dizaines de minutes que le convoi roulait. Elle avait peur. Elle ne savait pas à quoi s'attendre. Seed avait connu trois batailles en quelques mois. La première avait opposé l'armée efdéème à l'armée régulière dalkienne. Les efdéèmois l'emportèrent en quelques heures seulement. Les deux autres avaient vu s'affronter la Résistance et le Efdéème. Celle qui avait lieu en ce moment était donc la quatrième. Et étant donné les forces engagées, elle était encore plus terrible que les précédentes. Après tout, les deux plus puissantes armées du monde étaient en train de s'affronter.

Zack lui ne semblait pas avoir peur. Pas plus que lors du débarquement des hommes du capitaine Neg. Ou alors il cachait sa peur au plus profond de lui, ne laissant rien transparaître. Il avait vraiment l'âme pour diriger cette petite équipe.

Hal, c'était Hal... Il était là sans que ce soit réellement son combat. Il était un peu un renfort venu d'un autre monde. Bien que Timéli ait montré la méfiance du Véerème envers les paranormaux, ses hommes étaient rassurés de savoir qu'il y en avait deux dans leur camp.

Jack semblait perdu dans ses pensées. Sans doute pensait-il à cette fille qu'il avait vue dans ce rêve qui n'en était peut-être pas un. « Rejoins-moi lorsque tout ça sera fini » lui avait-elle dit... Il sentait que cette guerre touchait à sa fin... Mais ferait-il parti des survivants ? En tout cas, ses pouvoirs pourraient servir la coalition Véerème, Résistance dalkienne, Commandos MOCH. Même si Hal semblait mieux maîtriser ses pouvoirs que lui ne maîtrisait les siens, il serait tout comme lui, un grand soutien.

Dwayne lui, dormait. « Mais comment pouvait-il dormir ?! » se demanda Olympe. « Il est incroyable ce garçon... ». En plus d'avoir un style un peu particulier de par le plastron de l'armure de commando Ecarlate repeint aux couleurs de la résistance qu'il portait, Dwayne était aussi le plus pessimiste de la bande. Mais là, il n'avait visiblement rien trouvé d'assez alarmiste pour l'empêcher de dormir.

Enfin Elena... Lorsqu'elle tourna la tête vers elle, Olympe se rendit compte qu'elle n'était pas la plus paniquée de la bande. Bien qu'elle ne participerait pas à la bataille, la Résistance dalkienne voulant la garder à l'écart pour ses compétences, Elena semblait avoir les larmes aux yeux. Elle tremblait.

—Elena... ça ira... lui dit Olympe.

—Je sais que je ne serai pas avec vous parce que Moriano veut que je reste en retrait. Mais même si je reste à l'arrière, si le Efdéème prend l'avantage, il se peut que j'ai encore une fois à me servir de cette arme... dit Elena en montrant son pistolet. Et je ne suis pas soldat...

—Moi non plus... plus de la moitié des résistants n'ont jamais tenu une arme avant d'entrer dans la Résistance. C'était mon cas. Je n'ai jamais voulu faire la guerre. Mais j'y suis aujourd'hui contrainte.

—Oui, mais au final tu gères...

—Tu t'en es pas trop mal sorti non plus sur le toit de la tour REGIS...

—Peut-être bien... Mais je suis ingénieure. Je travaille sur la conception de matériel militaire, là où je suis le plus à l'aise c'est sur mon lieu de travail, dans les centres de recherches en armement. Avant tout ça, je participais à la conception d'armes pour l'armée dalkienne, pour que l'on puisse se défendre efficacement.

C'est d'ailleurs pour ça qu'Elena avait mis au point un projet de création d'armées robotiques. Elle voulait confier la défense dalkienne à des soldats mécaniques afin de ne plus envoyer le moindre être humain au front. Mais le gouvernement dalkien n'avait pas accepté cette idée. Elle espérait que si Dalkia redevenait libre un jour, le nouveau gouvernement serait plus réceptif à l'utilité d'une armée robotique.

—Moi aussi je conçois des armes pour mon monde, lui dit Hal. J'ai peur moi aussi. Peur de ce qui va arriver. Mais je te promet que je ferais tout pour éviter que le Efdéème ne s'en sorte...

—Pourquoi tu fais tout ça ? lui demanda Zack. Pourquoi tu restes ici pour nous aider ? Tu n'es pas concerné après tout... Tu aurais pu retourner chez toi.

—Encore fallait-il que je trouve quelqu'un pour me raccompagner...

—C'est pas faux, dit Zack.

—Et puis, si je vous aide... c'est aussi parce que j'ai compris ce que projetait de faire l'empereur efdéèmois. Il veut conquérir le monde. Faire du Efdéème la puissance dominante de votre monde. Et je me suis dit que s'il y arrivait... rien n'aurait empêché le Efdéème de venir faire la même chose sur Exotis.

—Allons Hal... reprit Zack, le Efdéème vouloir envahir Utopia et réduire ses ennemis à néant oui, je te crois sur parole, mais envahir Exotis... Il faudrait vraiment que sa sainte majesté Emilien ait la folie des grandeurs... Aussi puissant soit il, il lui faudrait des millions d'hommes et une flottes spatiale gigantesque. Non je te rassure... Aucune puissance utopienne n'a les moyens humains et matériels d'envahir les deux mondes à la fois.

—Peut-être, lui répondit Hal, mais pour combien de temps ?

Zack se mit à rire.

—En tout cas, je suis content de te savoir à nos côté, dit-il avant de tourner la tête vers sa gauche.

Un transport Armadillo pouvait transporter huit soldats... ils n'étaient que cinq. Zack ne put s'empêcher d'imaginer que Jason aurait pu occuper l'un des trois sièges libres. Il avait la ferme intention de faire payer le Efdéème pour la mort de son ami ainsi que pour celles de ses parents.

Dans un autre transport, Kodyn était avec les quatres autres membres de son escouade plus trois soldats véerèmois. Les MOCH pouvaient en effet aussi opérer par escouades plus petites de cinq MOCH. Celle de Kodyn était constituée entre autre de Bénédicte Caldera, la dernière à avoir rejoint les MOCH combattants, il y a de ça quelques jours à peine. L'intervention à Dalkia était sa première mission officielle.

Bien qu'elle n'ait rejoint les combattants MOCH qu'il y a quelques jours, Bénédicte était chez les MOCH depuis son enfance. Ils avaient un mode de recrutement assez spécial. Ils recrutaient des enfants humains en bas-âge. Le plus souvent il s'agissaient d'orphelins ou d'enfants abandonnés à qui ils transmettaient leurs valeurs, leur culture et leur savoir technique et stratégique, faisant d'eux les guerriers les plus craint d'Utopia. Ces jeunes intégraient alors les commandos MOCH actifs dès leur majorité : dix-huit ans, âge atteint par Bénédicte il y a quelques semaines, qui était la plus jeune MOCH présente à Dalkia.

Les MOCH pouvaient aussi recruter parmi les enfants des commandos, avec l'autorisation des parents bien entendu. C'était le cas de Grant. Son père était le commandant des commandos MOCH avant lui tout comme l'avait été son grand-père avant, son arrière-grand-père encore avant,... et cela depuis cinq générations. Mais avant ces cinq générations, les Kodyn étaient déjà présents dans l'organisation. Grant Kodyn descendait d'une des plus grandes lignées qu'aient jamais connues les commandos MOCH. Elle remonterait aux origines de l'organisation, soit un millénaire. Il espérait un jour avoir un enfant qui reprendrait le flambeau après lui.

—Lorsque nous serons sur place, faites leur voir de quoi nous sommes capables, dit Kodyn à son équipe. Arrosez-les, faites leur douter de leurs capacités. Ils ne sont rien face à notre entrainement. Faites leur payer la mort de nos huit frères et sœurs tombés hier.

—Oui chef. dirent les quatre autres en chœur.

Les trois soldats véerèmois assis à côté d'eux étaient figés, intimidés par la présence de ces guerriers. Même s'ils n'avaient rien à craindre d'eux puisqu'ils étaient dans le même camp, il n'empêche que les MOCH restaient intimidants.

Kodyn se tourna vers Bénédicte, la seule de l'équipe qui ne portait pas de casque. Elle l'avait perdu la veille lors de l'attaque de la frégate efdéème.

—Bénédicte... Je sais qu'une guerre c'est un peu compliqué comme première mission. Mais tu as été une excellente élève... une excellente tireuse... Peut-être meilleure que je ne le serai jamais. Ils ne feront pas le poids contre toi...

—Oui chef, répondit la jeune femme. Je ne vous décevrez pas.

—Je sais.

Timéli aussi était dans un Armadillo. Celui en tête du convoi. Se battre contre le Efdéème... Ça faisait longtemps qu'il attendait ça. Il n'aimait pas forcement faire la guerre, mais là, il le fallait. Même si pour lui, le Véerème aurait dû intervenir bien avant, il valait mieux tard que jamais.

Il était fier d'être véerèmois, le Véerème incarnait pour Utopia, le grand défenseur de la paix. Mais Timéli trouvait que ces dernières années, le Véerème n'avait pas très bien tenu son rôle. L'invasion de Dalkia par le Efdéème en était la preuve. Le Véerème avait laissé faire. Personne n'était intervenu. Ni le Véerème, ni le Nord-Véerème et encore moins l'Empire, Mextra et Katalonia. Ces trois dernières nations étaient soit non interventionnistes soit avaient clairement fait comprendre qu'elles n'en avaient rien à faire de ce qui se passait en dehors de chez eux, tant que ça ne les concernait pas directement. On soupçonnait même Katalonia, pays voisin de Dalkia, d'avoir signé un accord secret avec le Efdéème. Un accord de non-agression. Un accord du genre "Faites bien ce que vous voulez de Dalkia, tant que vous ne venez pas chez nous". Tous avaient peur d'un nouveau conflit contre le Efdéème. Le dernier leur ayant coûté très cher, sauf pour l'Empire qui n'avait pas prit part au conflit.

Pour ce qui est des armées elfes des territoires limitrophes à Dalkia, elles n'auraient de toute façon pas pu intervenir du fait de leur infériorité technique.

Les elfes étaient des êtres assez fiers d'eux-mêmes, se considérant comme l'une des espèces les plus anciennes d'Utopia ainsi que l'espèce intélligente la plus sage. Selon eux, ils combattaient déjà les puissances sombres alors que les Humains vivaient encore de chasse et de cueillette. Sur ce point, ils n'avaient peut-être pas tout à fait tort.

En général, les Elfes étaient assez bienveillants tant qu'on insultait pas leur culture et leurs croyances. Il y a de ça une soixantaine d'années, un scientifique humain : Théophraste Maréchal avait découvert que les Humains et les Elfes avaient un ancêtre commun, d'où leurs ressemblances. Lorsque les Elfes ont eut connaissance de cette découverte, ils l'ont très mal pris, disant que c'était impossible. De plus, les Humains savaient qu'ils étaient originaires d'Exotis, qu'ils avaient probablement étaient importés sur Utopia par une ancienne espèce avancée, pour une raison inconnue. Donc si les Humains et les Elfes avaient le même ancêtre, ça voulait dire que les Elfes étaient eux aussi originaires d'Exotis. Les Elfes l'ont encore plus mal pris.

Mais la vérité c'est qu'ils se sentaient idiots de s'être fait dépasser techniquement par la quasi-totalité des espèces intelligentes vivant sur Utopia, dont les humains qui occupaient aujourd'hui la première place.

D'autres espèces auraient pu intervenir pour aider Dalkia, mais ne l'ont pas fait en raison de la crainte qu'ils avaient de l'armée efdéème. C'était particulièrement le cas des puissants guerriers Léonéens, espèces de Lions bipèdes, à mi-chemin entre les félins et les primates. Ils étaient plus grands et plus lourds que les humains et étaient capables de soulever à l'âge adulte des poids de cent kilos sans broncher. Aussi robustes et puissants qu'ils étaient, ils n'avaient pas les moyens techniques du Efdéème. Et comme leurs terres se trouvaient sur le même continent que le Efdéème, au dessus de la frontière nord du Efdéème, ils avaient préféré se faire discret bien qu'officiellement les Léonéens étaient alliés au Véerème.

Ce qu'il se passait à Dalkia était donc une affaire exclusivement humaine.

—Général... dit le soldat assit à côté du conducteur, nous sommes presque arrivés au front...

—Informez le colonel Sommer et l'amiral Stone de notre arrivée... Et informez le reste du convoi par radio... Que tout le monde se tienne prêt...

—À vos ordres général.