Le vase
Il va me gronder. Je le sais, cette fois je n'arriverais pas à faire croire que c'est cet imbécile de chien qui a cassé le vase. Je déteste quand il me gronde, je ne comprendrais jamais pourquoi il agite son doigt de cette façon, ni pourquoi il commence à brailler des choses avec sa voix exaspérante. Est-ce que je fais ça moi ? Bien sûr que non, c'est ridicule. Si je suis mécontent, j'agite simplement ma queue avec un regard mauvais, et il sait tout de suite qu'il doit mieux se comporter. Mais lui non, il faut qu'il crie, qu'il s'agite, et tout cela en vain. Enfin quoi ? Ce n'est pas comme si le vase allait se réparer par magie ! Plutôt que de diriger ta vaine colère vers moi — qui, soit dit en passant, n'en ai rien à faire — tu devrais prendre tes vilaines mains et ramasser ça avant que je ne me coupe un coussinet. Autant prévenir cette inutile et chronophage explosion de colère, je vais l'autoriser à me gratouiller.
« Allons, lâche cette étrange bête de métal, caresse-moi qu'on en finisse. » déclarai-je en m'approchant de mon meuble préféré. « Allez, avant que je ne change d'avis ! » fis-je en sautant sur son bureau, avant de me rouler sur cet endroit étrange où il passe son temps à appuyer ses doigts, alors que rien ne sort jamais de cette boîte dépliable. Quoique, je suis mauvaise langue, j'ai réussi à faire sortir une feuille de la boite à feuille en appuyant sur une touche il y a quelques temps.
Mon meuble peste encore et me repousse en grognant quelque chose, dis tout de suite que tu n'es pas content de me voir ! Alors que je te fais l'honneur de venir te consoler en avance, voilà comment je suis remercié ? Il me prend sous les pattes pour me porter, depuis quand croit-il qu'il a le droit de le faire ? Si je suis à un endroit, ce n'est pas à lui de décider si c'est bien ou non. « Mais lâche-moi ! Tu sais que je détestes quand tu profites de tes sales pattes pour me soulever ! Non mais ! » protestai-je, tandis que je lui donnais un coup de griffe pour lui faire comprendre. C'est fou, il ne comprend que lorsque je sors les griffes ! Puisque c'est comme ça, va mettre un pansement sur ton doigt en sang. J'espère que tu marcheras sur le vase en allant dans la salle de bain, ça t'apprendra à te comporter comme un malpropre envers moi, qui suis si généreusement venu te consoler. Pour achever cette fin d'après-midi, je m'empresse de sauter sur le bureau désert, pendant que je l'entends crier au loin. Je crois qu'il a vraiment marché sur les éclats du vase. Qu'importe, c'est la créature à l'odeur sucrée qui me nourrit aujourd'hui. J'éteinds cette machine qui ronronne — j'ai découvert qu'en marchant sur un certain bouton, elle cesse de faire du bruit et de la lumière, très pratique pour la sieste — puis je me roule en boule dans un de ces recoins confortables de la maison, où ce braillard ne me trouvera pas. Je sortirai à l'heure du repas, il se sera bien calmé d'ici-là.
Annotations
Versions