Premier mot

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Elle se trouve au détour de nos vies. Une borne ni trop proche, ni trop éloignée. Mais jamais lointaine. Parfois, il nous est possible de l’atteindre. A moins que ce ne soit elle qui nous accoste. Elle rôde sur la ligne d’horizon de nos destinées. Elle se perd parfois, derrière la ligne de crête de notre insouciance. Mais comme la vague, elle revient. Elle peut être douce. Vaguelette insignifiante. Simple remous qui clapote comme un rappel en sous-entendu qui semble vouloir dire… Je suis là ! Elle peut-être violente. Comme un rouleau englouti un surfeur pour mieux l’écraser de sa masse écumeuse de rage. Que sommes-nous d’autres, d’ailleurs, que des surfeurs sur la mer de la vie ? Des chercheurs d’équilibres précaires… Que le vent se lève, que les certitudes d’hier commencent à vaciller au rythme des incertitudes de demain, combien d’entre nous commenceront à se sentir gauche sur leurs repères qui nous servent de planche ? Que les éléments se déchaînent et nous serons encore plus nombreux à nourrir ce rouleau implacable sans parvenir à nous en extraire.


Je m’éloigne ? Non. Beaucoup moins que vous ne l’imaginez. Car celle qui nous fixe de loin sans en avoir l’air risque bien de se repaître des malheureux surfeurs de la vie. Malmenés, broyés et digérés, ils seront vomis, là-bas, vers cette borne, aux marches lointaines du bled de l’humanité. Elle devient, alors, terre d’exil et d’éloignement. Terre d’errance pour ces damnés bannis. Condamnés et déportés. Malgré eux. Des expatriés expulsés. Victimes d’une forme d’ostracisme. Proscrits reclus, relégués et renvoyés. Réfugiés des terres humaines.


Elle peut-être aussi choisie. Elue. Souhaitée. Recherchée. Espérée. Elle devient, à ce moment et uniquement à cette condition, un fief serein. Un royaume dont on devient le seul maître. Où siège le calme, le repos, la quiétude, l’oubli, l’abandon de soi. Mais surtout des autres. On peut s’y asseoir sur le trône de la méditation. Parfois, cela dépend, de la sagesse. En ce cocon confortable et paisible, il nous est même possible, parfois et cela dépend aussi de nous, de se délaisser de nous. Un peu comme cet état de transe immobile et serein de celui ou de celle qui rentre dans un grand recueillement. Ce chemin d’excellence, cette voie royale qui peut mener à la contemplation.


Enfin, elle peut aussi se faire choisir. Elire. Souhaiter. Rechercher. Espérer. Mais elle ne sera pas aussi confortable. Elle sera alors beaucoup plus rudimentaire. Pénible. Désagréable et incommode. Une sorte de mirage. Comme cette magnifique femme, cet homme merveilleux, épousés ou choisis comme compagne et compagnon. Ils avaient pourtant tous les attraits. Tous les gages de sécurité et de confiance. Toutes les promesses supposées. Celles-là qui se sont éteintes comme la flamme d’une bougie trop vite consumée. Oui, elle peut être mirage. Et désert. D’ailleurs les mirages sont l’apanage du désert. Et la marche sera longue. Quoi que… la marche dans une tour d’ivoire froide et humide… s’il y en a quelques-unes… elle se résume à tourner en rond. Et pourquoi ce donjon ? Fusse-t-il en ivoire, il porte en lui une odeur bien particulière. Des effluves qui vont et viennent. Des fragrances flottantes. Comme des vagues. Une odeur âcre et rance propre au retranchement. Une odeur salée et perlée comme celle du veuvage. Un relent prononcé de défaite et de retraite.


Elle est… la solitude.

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