8. Héraclès
- Il reste ! Question pour un citron ! tempête l’autre.
Celui-là est coloré, dans le genre. Des brodequins bariolés, un costard bigarré, surmontés d’une tête trop large et d’une crête de coq. Il a déboulé entre les pommiers, salué d’une courbette par ma Bérénice. L’arrivée du nouveau gonze, la pousse pour je ne sais quelle raison à se mordiller les lèvres en mode Bogdanov.
- Vous êtes qui, vous ? demandé-je.
- Cette question ! Hercule, il va sans dire.
- Évidemment… d’où les pommes. C’était pas trois, à la base ?
- J’ai une petite fringale et louche davantage vers quarante-deux. Depuis que j’ai mis la main sur le pass Atlas, Ladon me fiche la paix.
- Je valide, dit le dragon, occupé à se dorer la pilule, sous le soleil d’extrême Occident.
- Évidemment… marmonné-je.
- Beaucoup “d’évidemment” dans tes propos, mon Jeannot.
- Je ne m’appelle pas Jeannot.
- Allons, ne nous embêtons pas de détails insignifiants Gidéon, intervient Bérénice. Savourons plutôt ton présent.
- Il vaut bien quarante-deux pommes d’or, Siméon.
- Arrêtez !
Je me masse le crâne. Sans avoir mal, ni sentir la fatigue, j’ai dans l’idée qu’un truc cloche, à chaque seconde plus fort. Dans moins de cinq minutes, le Big Ben s’invitera à cette invraisemblable rave party d’Hespérides.
Loin de s’offusquer de mon mot dur, Hercule me tend un coing.
- Tiens, prends cette pomme. Tu m’en diras des nouvelles.
- C’est un coing.
- Foutre-Zeus, non ! C’est au mieux une orange. D’ailleurs, vas-tu partager le citron ?
- Qu’est-ce que vous avez tous avec ça ?
- L’acidité défendue, pour sûr !
Le monde tangue brusquement. À défaut d’avoir la migraine ou me sentir nauséeux, je comprends qu’un truc déraille. Une chose toque à ma raison, me demande à moindre coût, ce que je vapote dans ce bazar ambiant.
C’est alors que je comprends ! Je me redresse, repousse le grec et déclare :
- Salsifis ! Un dragon n’a pas besoin de bronzer au soleil ! (40)
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