Je vais à plus de cent au moins et me sens à feu et à sang. Au troisième cahot, Edith, me crie dans l’oreille.

- Gaffe au gaffe !

D’une embardée, j’évite le maton sur la route, qui, d’un gourdin télescopique, me menace de la chaise électrique.

- C’est un obsédé, celui-là, souffle Edith. Gare-toi là, il faut faire le plein.

C’est qu’une Harley consomme presque autant qu’un bon gros Massey ! Et avec l’inflation, on va trinquer en caisse.

Je me garde sur le parking sablonneux. La station est presque déserte, bercée par les néons rose bonbon et les ombres d’outre-monde. Nous pénétrons à l’intérieur, à peine fréquentée d’un camionneur en chemise à carreaux, une daronne tatouée et un tapir plongé dans son bescherelle.

Sa silhouette m’interpelle, car elle me parait familière. Alors qu’Edith file aux sanitaires, j’approche l’animal et d’un coup de coude, le sort de son cours normalien. Je reconnais seulement Gabriel. Yeux de pivert, silhouette, revolver, T-shirt de colvert, c’est bien lui.

- Oui ? Un renseignement Jeannot ? s’enquiert celui-ci

- Je ne m’appelle pas comme ça, dis-je, vexé.

- Et rappelle-moi qui tu es déjà ?

- Enfin, c'est moi, euh… l’Inconnu, mais sans le “e” ! Me dis pas que tu m’as déjà oublié ?

- Ah oui… Le fameux… alors, tu as reproduit ton truc, là… Les “rêves” ?

- J’essaie, mais c’est pas facile. Je crois d’ailleurs que je suis en train de…

Ouh là ! Le monde tangue d’un coup. Déséquilibré, je me raccroche à…

• un paquet de chips (21)
• Gabriel, qui d’autre ? (23)