37. Fresney-le-Puceux
- Alors ça ! Ça ! C’est la meilleure !
A peine émergé, les mots ont franchi mes lèvres sans que je ne puisse y faire barrière. Je bondis hors de mon lit, ajuste un jean et une chemise, puis file à la chambre voisine. Je frappe et, sans attendre de réponse, entre.
- Putain ! crie Gabriel, en remontant sa couette jusqu’au menton en catastrophe. Qu’est-ce tu viens foutre ici à c’te heure ?!
- T’inquiète, j’en ai pas pour long. J’emprunte juste ton ordi…
- Va chier !
- Après, je te remercie de ta sollicitude intestinale, dis-je en m’asseyant à son bureau encombré.
Le moniteur allumé, le PC connecté, je file sur Google Maps. Il faut que je vérifie, c’est plus fort que moi. L’image apparaît. Je reste un instant figé, avant de lâcher un sifflement.
- Hé bé…
- C’est bon ? T’as fini ? s’énerve Gabriel, toujours au pieu.
- Je crois, dis-je en me retournant. Tu te souviens de Fresney-le-Puceux ?
- Je devrais ?
- C’est le village de mon enfance. Figure-toi que j’ai eu l’impression de m’y rendre durant le clin.
- Oh non, pas encore cette histoire !
- Non, cette fois c’était différent. Plus concret, tangible. Si je mets de côté la folle…
- Qui ?
- T’occupes. Je me suis retrouvé dans mon village et figure-toi qu’il a la même tronche que sur les dernières images de Big Brother.
- Et ?
- Eh bien, c’est fou, non ?
- Non. Par contre, tu picoles c’est tout. Dégage de ma chambre, maintenant !
- D’accord, d’accord. Mais avoue, quand même que…
- Dehors !
Je m’empresse d’obéir. Pire qu’une nymphomane sous coke, il y a le coloc’ toxico du ciboulot. Je l’ai vu une fois bien vénère, j’ai tout sauf envie d’un deuxième round. La porte fermée, je retourne dans ma chambre, pour m’étendre sur le lit et mes pensées.
D’accord, toutes ces images étaient co-connes. Surtout, la folle qui coursait la moto. Mais quand même… Fresney-le-Puceux, quoi ? J’ai vraiment une vie si pathétique pour y revenir dans mon sommeil ? En plus d’être le premier à découvrir les “rêves”, comme ils les appellent, je dois être le premier aussi à rêver de la ville la plus chiante du monde.
Quelle vie…
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