Portrait d'un patron
Ce récit est une oeuvre de pure fiction.
Le matin, en guise de poignée de main, il ne peut tendre que deux doigts de sa main blanche, car il tient en même temps son iphone.
Il s'exprime d'une façon bien à lui. Il cherche ses mots qu'il articule d'une manière hachée, puis il s'arrête, réunit ses deux mains par le bout des doigts, incline légèrement la tête sur le côté et affiche un sourire dont on ne peut savoir s'il traduit l'ironie ou la condescendance envers l'humble prolétaire qui s'adresse à lui.
On remarque la finesse de ses mains qu'il agite parfois pour appuyer ses propos, elles sont exemptes de la rugosité qu'inflige le travail manuel.
Son regard est difficile à saisir derrière ses lunettes aux fines montures dorées. Il jette sur les êtres et les choses un œil de propriétaire, impassible et hautain. Il jauge l'univers à l'aune du rendement et du bénéfice.
Des rides se forment aux coins de ses yeux ; il réfléchit. À ce moment, il ne doute pas qu'il puisse trouver la solution au problème qu'on lui soumet. Puis il débite à nouveau quelques clichés ou reviennent souvent les mêmes expressions «Mais oui, certainement, absolument, il le faut...». À aucun moment jusqu'à cet instant, il n'a été possible à son interlocuteur de placer une phrase complète tant cet homme possède l'art du monologue.
Ainsi, avant que l'ouvrier n'ait pu exprimer son idée, le patron lui a tourné le dos en terminant par la seule conclusion possible, la sienne. Puis, il s'éloigne du pas lent de l'homme satisfait et repu.
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