Ce soir-là, on pénétra dans ma chambre. Toujours aux aguets, je m'éveillai aussitôt. Sans bouger, je jetai un œil terrorisé sur la sombre silhouette qui avançait, en ombre chinoise contre l'éclairage violent du couloir, inquiétante comme le personnage d'un film de Murnau.

Quand elle se pencha vers moi, un doigt sur la bouche, je reconnus l'Épouse immaculée qui m'avait mise en garde.

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Elle courut vers la porte pour la refermer, sans bruit. Puis elle revint vers moi, son index touchant le bout de son nez, dramatique. J'aurais voulu allumer la lampe pour la détailler. Quand mes yeux s'habituèrent à la faible clarté qui perçait à travers les lattes des persiennes, je pus voir qu'elle portait une longue robe de nuit très foncée, peut-être noire, et que ses cheveux pendaient.

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- Viens avec moi.

- Blaise a une arme.

- Tout le monde est parti. Viens, on se tire.

- Je veux d'abord voir mon dossier.

- Tu es folle ?

- Je veux savoir pourquoi je suis ici.

- Tu le liras dans les journaux. On va tout déballer.

- Je veux savoir pourquoi, moi, je suis ici.

- Tu as la tête dure, toi.

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- Tout le monde est parti ? Dave aussi ?

- Oui, sauf Blaise.

- Et maintenant, s'il se réveille ?

- Pas de danger. Son scotch n'a jamais été aussi relaxant.

- Et les autres ?

- Les Épouses ? Jamais une Épouse immaculée ne trahit une sœur.

J'étais chez les fous.

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J'enfilai à la hâte le vêtement qu'elle me tendit, une robe cocktail, noire, à minces bretelles, qui tombait aux genoux. Léa me demanda d'enfiler mes chaussures blanches d'infirmière, les seules qu'il me restait. Je voyais de mieux en mieux. Je remarquai qu'elle aussi, sous sa longue robe de soirée bleu nuit, portait ses horribles pompes.

Ainsi vêtues, nous formions le plus singulier couple de fuyardes.

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Nous descendîmes au bureau de Jade, resté ouvert. Quelques documents avaient été bousculés, mais sans plus. Si la personne avait trouvé ce qu'elle cherchait, ma quête serait vaine. Mais je tombai tout de suite sur mon dossier.

La chemise contenait une photo, une copie du formulaire, de même que le contrat qui m'engageait, en tant que gagnante, à me taper à mes frais une formation de six jours. Rien d'autre !

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Je me ressaisis et courus à la suite de Léa. Nous franchîmes le seuil, la pelouse, et la grille. Je souris en me figurant ces deux sorcières en chaussures d'infirmières qui fuyaient à toutes jambes vers le village.

Je dus parcourir quatre kilomètres au pas de course avant de m'écrouler. Léa traînait loin derrière moi. Quand elle me rejoignit, nous nous regardâmes, tremblantes, entre le rire et les larmes.

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Le village n'était qu'un hameau perdu et sinistre, abandonné en bonne partie. Aucune lueur ne venait donner vie à cette nuit qui semblait perpétuelle. Nous marchâmes devant nous, angoissées. Je compris que Léa, pas plus que moi, ne savait où nous étions. Elle avait dû penser que lorsque Blaise partait faire des courses, il ne s'éloignait pas plus de dix kilomètres.

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Il n'y avait qu'une route, nous la suivîmes. Au loin, au bout d'une longue allée, une fenêtre brillait, jaune et chaleureuse.

Un homme âgé nous accueillit, une expression d'incrédulité sur la figure. Il avait hésité, flairant un piège, mais à nos mines décrépites et épuisées, il avait conclu à un accident d'auto. Il appela sa femme, puis téléphona pour nous à la police.

On nous servit du thé et des gâteaux.

Le paradis.

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