SHADOWS WORLD (OS)
La sonnerie retentit. J’arrive à l’heure précise. Comme tous les jours. La ponctualité est mon amie matinale. Je me dirige vers mon bâtiment, le casque enfoncé sur les oreilles. Premier cours de la journée : histoire-géographie. Je ne me presse pas pour autant.
Arrivée devant la salle de cours, j’éteins ma musique et rejoins mes camarades. Ils s’installent tous à leurs bureaux en discutant tranquillement. Je repère mon amie, assise à sa place : au dernier rang, près de la fenêtre. Comme à son habitude. Nous nous saluons.
Elle a une mine soucieuse... Je l’interroge du regard. Elle m’informe simplement qu’elle m’expliquera plus tard. J’acquiesce.
Je m’installe au bureau devant elle et attend que le cours commence. Le professeur entre quelques minutes plus tard. Nous nous levons. Le saluons. Puis nous rasseyons. Et nous voilà malgré nous emportés dans une matinée ennuyeuse.
Ecouter les professeurs déblatérer est véritablement fatiguant : nous autres élèves devons fournir un travail de patience immense…
L’heure du repas sonne. Enfin. Mon amie et moi partons manger à la cafétéria. Après avoir remplis nos plateaux et nous être installées dans un endroit assez calme, elle prend la parole :
« Je les ai revu… Tous les deux. Ils étaient au milieu de la route, dans leurs mêmes habits sombres. Aussi pâles et mystérieux que la dernière fois. Ils avaient encore cette apparence de…fantômes.
_ Où et quand ?
_ Dans ma rue, ce matin.
_ Je te raccompagne ce soir.
_ D’accord. »
Nous continuons notre repas tandis qu’elle me parle de sujets divers et variés. J’écoute et réponds distraitement : mes pensées sont ailleurs.
La cloche sonne. Le temps vient pour nous de débarrasser et de rentrer une nouvelle fois en cours. Encore de l’ennui.
Je laisse de la place à mes pensées et réfléchi quelque peu pendant ces heures de langueur totale. Cela fait bientôt deux semaines qu’elle voit ces personnes dans sa rue. Un homme et une femme. Translucides et sombres à la fois. Le mot dangereux n’a pas besoin d’être marqué sur leur front pour que l’on s’en doute.
Je me demande pourquoi ils lui apparaissent à elle : elle est exemplaire, elle n’a jamais rien fait de mal. Elle ne s’est jamais impliqué dans quoi que ce soit d’autre que ses études et ses loisirs… Alors pourquoi elle ? Qui lui en voudrait ?
Les cours se terminent. Je laisse mes pensées retourner à leur place et range mes affaires. Je rejoins mon amie dans la cour. Nous nous faisons interpeller alors que nous franchissons le portail. Des camarades. Deux garçons. Le plus grand des deux s’adresse à mon amie :
« Salut ! Depuis le temps, comment ça va ?!
_ Bien, et toi ?
_ Ca va très bien ! Dîtes, on peut rentrer ensemble aujourd’hui ? »
Oh non, non, non, non, non, non, non, non !!! S’il-te-plaît, répond non !!!
« Oui, bien sûr !
_ Merci ! »
Je lui jette un regard meurtrier. Vraiment ! Elle sait que je déteste les gens. Elle sait que je ne peux supporter qu’elle… Ah, tu parles d’une amie !
Enfin… je sais aussi qu’elle a un faible pour lui… Aller : je fais un effort pour notre amitié !
Nous marchons donc tous les quatre pour rejoindre nos domiciles respectifs. Nous habitons tous le même quartier… à mon plus grand bonheur !
Le camarade qui nous a interpellées trouve rapidement sa place auprès de mon amie. Tous deux ne laissent aucune place au silence. Je me retrouve à marcher en compagnie du second garçon. Il ne fait que me saluer de sa voix grave : il est aussi peu bavard que moi. J’apprécie énormément ce silence.
Nous arrivons au coin de notre rue : une vague d’appréhension me saisit douloureusement. Ma respiration se bloque. Elle se retourne vers moi, figée, les yeux affolés. Elle a dû sentir la même douleur que moi.
Il est trop tard pour faire demi-tour maintenant : nous sommes engagés dans la rue.
Le calme y règne. Le vent a disparu, emportant avec lui le bruissement des feuilles et le chant des oiseaux. Les voitures sont silencieuses, sinon inexistantes.
C’est le calme absolu. Même nos pas respectent ce silence total.
Une lumière éblouissante nous frappe en un instant. Je ferme instinctivement les yeux. Je suis éblouie sur le coup.
Je les rouvre sur l’obscurité totale. Je ne voie rien. Je ne sens rien. Je n’entends rien. Puis une main saisit la mienne. Je me retiens de crier.
« N’ai pas peur ce n’est que moi. »
C’est la voix grave de ce camarade. Je serre sa main pour lui faire comprendre que je l’ai reconnu. Il me tire vers lui. Je prends conscience que mon corps existe toujours : toutes mes sensations reviennent progressivement.
« Il y a un mur pas loin. Tu m’aides à trouver une sortie quelconque ?
_ Oui.
_ Je n’y vois rien et je pense que toi non plus…
_ Non. »
Parfait… Nous avançons de quelques mètres avant de rencontrer un mur. Nous le suivons par la gauche. Je ne me fis qu’à la sensation de ma main contre ce mur. Je me concentre dessus et ne pense à rien d’autre. Je n’ai jamais ressenti une perte de repères aussi importante…
Je rencontre alors le vide quelques secondes avant de retrouver le contact rassurant du mur. Je m’arrête… en oubliant de prévenir mon camarade qui me percute de plein fouet.
« Désolée…
_ Pas de problème : je viens de la trouver aussi. Allons-y.
_ Oui. »
J’entends un déclic : la porte s’ouvre. Nous nous engageons à travers elle. L’obscurité est toujours totale. Deux murs nous entourent. A droite et à gauche : un couloir. Nous le suivons.
Une lumière lointaine nous apparaît alors. Nous nous dirigeons vers elle : le couloir ne nous laisse aucun autre choix.
Nous atteignons une salle blanche du sol au plafond. Celui-ci s’élève très haut au-dessus de nous. Il paraît infini. Je me retourne : le passage que nous venons d’emprunter n’est plus là. Disparu.
Le temps que je me retourne une nouvelle fois vers le milieu de la salle, celle-ci est occupée par un enfant. Il est recroquevillé au sol, ses habits blancs se confondant avec le sol. Je l’ai déjà vu…
L’effroi m’étreint alors. Je m’arrête. Mon camarade se tourne vivement vers moi :
« Que se passe-t-il ? Tu…tu le connais ?
_ Oui… »
C’est mon voisin. Enfin, il pourrait l’être : cet enfant qui est devant nous est pâle comme la neige et ses yeux inexpressifs sont translucides ; mon voisin est noir comme le charbon et a des yeux colorés plein de vie. Ce ne peut être lui…
Des bruits de pas se font entendre à notre droite. Nos amis apparaissent devant nous. Faisant disparaître dans le même temps l’enfant au centre de la pièce.
Mon camarade me lâche doucement la main. Je ne dis rien. Mon amie se précipite à ma rencontre. Elle me serre vivement dans ses bras, les larmes aux yeux :
« Dieu merci, tu es vivante ! »
Je lui rends son étreinte et attends qu’elle cesse de pleurer. Elle est trop émotive…
Elle nous explique ensuite ce qu’il s’est passé de leur côté : la même chose que nous. Le noir complet. La découverte de la porte. Du couloir et de la pièce.
« J’ai eu tellement peur de ne plus te revoir…
_ Ne t’inquiète pas. »
Elle sèche ses larmes. Nous nous nous concertons sur notre situation actuelle. La salle dans laquelle nous sommes ne présente aucune issue…
Nous vérifions les murs. Le sol. Nous progressons centimètres par centimètres, mais rien ne nous apparaît. Le silence est brisé par mon camarade :
« De la magie ?
_ Arrête tes conneries !
_ Oui… »
C’est l’une des seules idées qui me paraît plausible…
Nous continuons de chercher vainement, jusqu’à ce qu’une femme fasse soudainement son apparition au milieu de la pièce. A l’endroit même où se tenait l’enfant.
Comme par magie.
« Suivez-moi. »
Le ton qu’elle emploie nous précise que cela n’est pas une suggestion. C’est un ordre. Nous nous contentons donc d’obéir.
Elle traverse le mur à notre droite… nous la suivons. Le mur est comme inexistant, nous le traversons sans problème… C’est déroutant. C’est presque magique.
Mais autre chose me préoccupe à cet instant : des hommes armés viennent d’apparaître autour de nous. Je sens le canon d’une arme se poser contre mon crâne. Nous devons vraiment nous tenir tranquille…
« Menez-les en prison. Séparément. »
Je suis dépassée par les événements : que nous arrive-t-il ? Pourquoi devrions-nous aller en prison ? Qu’avons-nous fait ?
Mon camarade se tourne doucement vers moi et du bout des lèvres, me chuchote :
« Courage. »
J’acquiesce lentement. Puis l’on nous tire en arrière dans des directions différentes. Je le perds de vue. Je suis seule. Avec pour seule compagnie un sentiment auquel je ne suis que trop habituée : la peur.
***
Ils me mettent violemment un sac sur la tête. Je ferme les yeux. Déjà envahie par la peur. Je me concentre sur mes pas. Je mets un pied devant l’autre, vers la direction dans laquelle ils me tirent. Arrive alors un obstacle auquel je ne m’attends pas : des escaliers. Je trébuche sur la première marche ; ils me soulèvent et me portent. Puis ils me reposent sur le sol. Plat. Ils retirent sans douceur le sac de ma tête, puis me jettent dans une pièce sombre et exiguë. Bienvenue au cachot !
Ça pue l’humidité ici… ça pue la Mort aussi.
La peur ne me quitte pas. Je m’assoie dans un coin, les jambes contre le torse. Je reste dans cette position un bon moment : je suis paralysée.
Je récupère mes facultés lorsque la porte s’ouvre. Je me redresse vivement, et prise de vertiges, je retombe lourdement sur le sol.
Une jeune femme s’approche de moi… Je m’évanoui de surprise.
Je me réveille dans ce même cachot, les mains et pieds liés par des chaînes. Je me redresse contre le mur. Je fais face à celle à l’origine de mon malaise.
Elle est mon opposé. Elle a la même apparence que moi… en opposé.
Chez elle, ma peau translucide est devenue bronzée. Mes yeux bleus sont devenus noirs. Mes cheveux longs et clairs sont devenus courts et bruns.
Elle m’effraie. J’ai l’impression d’être face à mon reflet sans vraiment l’être. Elle me trouble…
Je me sens vaciller de nouveau. Elle me rattrape :
« Reste éveillée. C’est un ordre. »
Je me fige : sa voix est presque identique à la mienne. Son intonation est seulement un peu plus claire et aiguë.
Elle me regarde de nouveau, le sourire aux lèvres puis déclare :
« Alors c'est à ça que je ressemble en haut...
_ ... »
Elle me relève brusquement et telle une poupée vivante, me traîne jusqu’à l'encadrement de la porte. De là elle me les désigne de la main : leurs opposés.
C'est effrayant.
Tous les atouts de mes camarades se retrouvent malmenés sur ces visages qui me sont à moitié connus.
La jeune femme qui est le reflet raté de ma meilleure amie m'effraie le plus : j'ai tellement l'habitude de la voir aussi.
Ses cheveux ondulés et lumineux. Ses yeux plein de vitalité et ses lèvres brillantes. Son visage rayonnant... Toute cette énergie que j'admire chez elle. Terne.
Je me retourne vers mon ombre et la supplie du regard. Je veux regagner ma cellule. Elle m'adresse un sourire sadique avant de finalement détacher mes liens. Elle m'emmène de force au centre du couloir qui forme le cachot.
Je vois du coin de l'œil l'ombre du camarade à qui j'ai tenu la main faire de même avec mon ami.
Nous nous retrouvons tous deux au centre. Assez éloignés pour ne pas pouvoir se toucher. Assez près pour ne pas pouvoir se quitter des yeux.
Nous recherchons tous les deux du réconfort dans le regard de l'autre. Nous le trouvons immédiatement.
Nos deux camarades subissent le même sort que nous. Ils sont placés de la même façon à nos côtés.
J'entends des pas derrière moi. Mon camarade ne laisse rien transparaître tandis que les pas se rapprochent. Assez fluide et peu bruyant... Certainement une femme. Celle qui nous a menés ici.
« Nous allons vous confier à ceux que vous devez reconnaître comme vos Maîtres. Vous recevrez votre éducation auprès d'eux. »
Elle effectue une pause appuyée avant de reprendre :
« Pour éviter un quelconque chaos, nous allons vous séparer en deux groupes. »
Elle effectue une nouvelle pause avant de terminer :
« Ne pensez pas vous enfuir ou vous rebellez. Sinon, vous mourrez.
« Comment ? »
La question vient de ma meilleure amie. Sa voix d'habitude si joyeuse se retrouve faible et apeurée... Ça me blesse de la voir ainsi.
La femme prend du temps avant de finalement répondre de sa voix neutre :
« Brulés. Au bûcher. »
Ces simples mots me font amèrement sourire . Détruire les corps en les brûlant. Les réduire à poussière. Pour ne laisser aucune trace. Pour ne laisser aucun souvenir de vie. Aucune mémoire. Pour contrôler notre existence même dans la Mort.
Je crois connaître certaines personnes à qui cela aurait plu...
***
Me voilà donc en sa possession. Tel un objet. Me revoilà esclave.
Elle a choisi de m'éduquer avec le garçon dont raffole ma meilleure amie.
J’ai cherché chez lui un peu de réconfort, comme j'avais pu le faire avec son ami, mais je n’y ai trouvé que de l'effroi et de la peur.
Elle nous a menés dans les profondeurs d’une grande demeure. Puis nous a jeté dans la cave. Séparément.
Je suis seule. Je vais devoir affronter cette nouvelle épreuve par moi-même. Comme toujours.
Je passe plusieurs heures dans le noir complet. A réfléchir sans réfléchir. Une femme vient me chercher. Elle est assez âgée. Son visage se résume à des traits tirés et fatigués. Certainement une domestique.
Elle me tire à l'étage et m'amène dans une salle de bain luxueuse. Elle me dévêtit violemment avant de me passer sous l'eau froide d’une douche. Elle m’essuie rapidement puis m'habille des mêmes vêtements qu'elle porte : un tablier bleu marine assorti à une jupe du même bleu et à une chemise blanche.
Elle coiffe mes cheveux en les relevant en un chignon sévère, puis elle termine ma tenue en attachant autour de mon cou un collier ras-de-coup.
Je suis comme un animal de compagnie. J’ai mon collier. Il ne me manque qu’une laisse. Je suis une simple esclave.
La vieille femme me mène ensuite vers ce qui me semble être le salon. La salle luxueuse est très spacieuse. Des meubles étincelants sont disposés un peu partout.
Je me place à ses côtés et attends. Je patiente sûrement pour elle. Je n'ai pas envie de la revoir...
Elle arrive dans la pièce. À mon plus grand désarroi. Elle s'arrête devant moi. La vieille femme à mes côtés me fait m'abaisser devant elle. Le sourire aux lèvres, elle finit par renvoyer sa servante. Puis elle prend la parole :
« Tu me dois obéissance totale, ne l'oublie jamais. Je vais t'apprendre à devenir comme moi.
_ Oui, Madame.
_ Tout d'abord, abandonne dès maintenant ton identité : tu n'es pas un être qui répond à un nom ou à un prénom. Devient comme moi : n'ai pas de nom. »
Tellement superficiel... S'effacer soi-même. En commençant par perdre son identité. Pour devenir superficiel. Pour devenir un objet. Un être sans nom.
« Viens ici, tu vas devenir l'une des nôtres. »
Je m'avance vers elle. Elle passe un doigt sous mon collier et me traîne dans la cuisine, vide. Elle m'assoie sur une chaise puis pose la bague qu'elle porte sur la cuisinière brûlante.
Elle attend le son d’un léger crépitement. Ce même crépitement dont je connais la douleur future. Elle reprend sa bague avec des pinces puis la dépose sur mon avant-bras nu.
La douleur est insoutenable. Je laisse malgré moi s'échapper un cri de souffrance.
Elle retire l'objet de ma peau puis le pose sur une table à ses côtés.
Elle m'a marquée. D'une croix encore brûlante. Elle m'a marquée comme une esclave. Comme une cible à éliminer. Comme une chienne.
Je ne suis rien pour elle. Je ne suis rien pour eux. Juste un objet à marquer. Un déchet à jeter. Un être sans identité
« Rejoins le salon. On te dira quoi faire.
_ ...Oui, Madame. »
Je passe la journée à effectuer des tâches ménagères. Elle veut que j'oublie tout de moi. Que je devienne comme elle. Une coquille vide.
En m'occupant l'esprit, elle essaie de me faire oublier. De me faire m’oublier. Pour que je devienne non plus quelqu'un, mais quelque chose qui fait ci et ça.
Elle veut que je perde mon humanité. Tout ce qui me définit comme moi en haut... Je la déteste.
Elle est venue me narguer dans les cuisines :
« Tu as tellement de choses à apprendre…
_ Apprenez-moi donc, Madame.
_ Efface ce moi.»
Puis elle est repartie. Tout ce qu'elle souhaite m'apprendre c'est comment devenir quelque chose d'autre...
Elle m'a dit :
« Tu verras. C’est le bonheur que de vivre ainsi.
_ Veuillez m'excuser, Madame, mais selon moi c’est le malheur que de vivre ainsi.
_ Il n'y a plus de toi, ici : le bonheur et le malheur ne dépendent pas de ton point de vue. »
J’acquiesce de désaccord. Les opposés ne peuvent s’entendre sur ces sujets... Il nous faudrait pour cela trouver un point d’entente. Un juste milieu. Même si cette justesse ne doit pas dépendre de mon jugement.
J'ai pensé à un hybride. Un enfant des deux mondes. Il pourrait peut-être nous aider. Nous aider à trouver ce juste milieu. Mais existe-t-il au moins un enfant d’ombre et de lumière ?
Je lui ai demandé, elle m'a répondu :
« Non. Les ombres ne s’accouplent pas avec ceux d’en haut. »
J'ai persisté pour avoir une réponse. Chaque jour. La même question. Chaque jour. La même réponse. Jusqu’à ce qu’elle avoue. Qu’elle dise qu’il en existe bel et bien un :
« Il est caché.
_ Où donc, Madame ?
_ En nous. »
Une réponse contradictoire par rapport à leur mode de vie. La Réponse est dans ce qu’il rejette. Elle est dans leur être. Elle est dans mon être.
***
Je l'ai finalement trouvé. Ce juste milieu. Il était bien en moi. Il était bien dans mon être. Dans celui que j’avais abandonné. Dans celui que j’avais essayé d’oublier. Celui qui conservait ma mémoire meurtrie. Mon passé.
J'avais déjà rencontré ces êtres. Ceux qui refusent de vivre en tant qu'eux. Ces ombres d’eux-mêmes.
Mes parents les avaient accueillis chez nous. Ils les avaient acceptés. Eux.
Ce sont ces êtres qui m’ont fait peur toute mon enfance. C'est de là que me vient ma peur panique du noir. Celle des endroits clos aussi. C'est de là que me vient ma première expérience d'esclavagisme.
J’ai retrouvé entièrement ces souvenirs. Cauchemardesques. Inhumains.
J'ai trouvé le juste milieu dans ces expériences. J'ai décidé de devenir un moi à part entière. J'ai adopté cette part de moi que j’avais abandonnée.
J’ai décidé vivre en tant qu'être entier. Avec une identité complète. Je suis quelqu'un. Je suis un être. Je suis vrai moi.
J'ai pu rentrer. Avec mon juste milieu. Je les ai ramenés. Tous les trois. Mes camarades. Je leur ai partagé mes expériences du moi.
Je les ai repris à ce monde impersonnel et totalitaire. J'ai repris ma vie. J'ai repris mes habitudes, lentement. J'ai pris du recul sur ma façon de vivre, et j'ai vécu.
J'ai tenu la main de celui qui me l'avait prise le premier. J'ai tendu mes mains à ceux qui en avaient besoin. J'ai accepté cet autre monde dans mon univers. Je ne l’ai jamais recherché et retrouvé. J’ai seulement conservé son souvenir. Douloureux. Ses blessures. Sa cicatrice.
Ma meilleure amie n'a quant à elle pas tenue le coup. Ces blessures, cette cicatrice, que ce monde lui a infligé étaient trop profondes. Elle n'arrivait plus à vivre en tant qu'elle. Elle n'était plus rien. Pas même un être sans identité. Elle n’a pu renouer avec son soi.
Elle s'est suicidée. Suivie par mon camarade quelque temps après. On dit que l'amour tue…
Je sais aussi que le rejet de sa propre identité est mortel.
FIN
***
Hey !!
Merci d'avoir lu ce petit One Shot ;)
J'ai pris beaucoup de plaisirà écrire ce récit dont l'idée m'était apparue depuis un moment.
J'espère que vous aurez aussi appréciez,
A bientôt !! :3
***
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