Laquelle des deux ?
Chapitre 4 - Laquelle des deux ?
Quatre semaines après l'entrevue avec le Conseiller du Palais, la Princesse Émérienne II avait fait mander les deux jeunes filles le même jour à la même heure. Hugonnette et Guillemette étaient fort surprises d'avoir reçu une convocation commune et avaient d'abord pensé à une erreur de planning et d'organisation. Qu'importe ! avaient-elles songé ensuite. L'une attendrait que l'autre ait terminé son entretien, et de toute façon, la plus compétente remporterait la place.
Il n'en fut pas ainsi. Au grand étonnement des deux sœurs, on les fit entrer ensemble dans le Cabinet de la Dauphine d' Ocanom.
Quelle beauté !
Le qualificatif de " Sublime " correspondait parfaitement à la Princesse Émérienne II. Incontestablement, elle était sublime. Dans sa robe de pourpre, parsemée de perles de nacres, assise derrière une table à thé, la Dauphine d'Ocanom rayonnait. Son décolleté magnifique où la blancheur de sa peau de porcelaine rehaussait les pierreries cintrant sa gorge fine, sa bouche ourlée à la perfection et ses yeux, d'un bleu nuit sans pareil, intensifiaient encore son incomparable beauté. Les deux Comtesses étaient subjuguées par la Princesse Émérienne II qui aimait le faste et la magnificence, et adorait s'entourer des gens les plus beaux, les plus originaux, les plus intègres, les plus créatifs et les plus intelligents. De ce fait, son environnement et tous les gens autour d'elle devaient coïncider avec ses passions, ses attraits et ses goûts.
D'un signe de tête, la Princesse Émérienne II avait prié les deux sœurs de s'installer sur les sièges capitonnés placés côte à côte et face à elle. Hugonnette et Guillemette de Besson-Blois avaient donc pris place puis gardé le silence. Un léger sourire sur les lèvres, la Princesse Émérienne II avait longuement dévisagé les jeunes filles en sirotant sa tasse de thé. L'ambiance était lourde dans la pièce. Hugonnette était restée les mains croisées sur son jupon de soie vert d'eau et conservait les yeux baissés. Guillemette, de son côté, gratifiait la magnifique Dauphine d'Ocanom d'un sourire obligé. Les minutes avaient passé, longues et angoissantes. Puis, d'une voix douce sur un ton aimable, la Princesse Émérienne II s'était adressée aux demoiselles :
— Me voilà fort aise de vous voir enfin, mes chères Comtesses de Besson-Blois. Parmi la cinquantaine de candidatures reçues pour les places proposées, vous êtes les seules à avoir franchi l'étape ultime. Mon Conseiller m'a longuement parlé de vous et de son ressenti à votre égard. Il vous a décrite avec l'objectivité que je lui connais et m'a fait un rapport clair et précis de vos entretiens respectifs. Selon vos qualités et vos défauts répertoriés, vous avez obtenu un nombre de points quasiment identique...
Les deux sœurs s'étaient regardées. Hugonnette avait eu un sourire doux pendant que Guillemette avait froncé les sourcils.
— Vous avez dû être étonnées d'être convoquées en même temps, avait continué la Princesse Émérienne II, mais si j'ai souhaité vous rencontrer ensemble, c'était pour me faire une opinion visuelle et intellectuelle de chacune, et ainsi pouvoir vous départager.
La Princesse Émérienne II s'était tue et de nouveau, elle avait observé les deux sœurs. Hugonnette restait égale à elle-même. Sereine comme à son habitude, elle avait légèrement relevé la tête et souriait bouche fermée à l'interlocutrice Royale. Guillemette quant à elle, avait un visage crispé. Elle se demandait comment se défendre face à Hugonnette si toutes les faussetés proférées sur elle, venaient à être sues puis révélées par la Princesse Émérienne II. Et tandis que le silence perdurait et que la Dauphine d'Ocanom dégustait son thé en alternant de brefs et de longs coups d'œil en direction des sœurs, Hugonnette restait calme, alors que Guillemette se tourmentait, tricotait ses doigts et chiffonnait le satin de sa robe violine. Elle trouvait le temps interminable et cela se voyait.
Avant de reprendre la parole, la Princesse Émérienne II avait soupiré :
— Chères, chères, chères demoiselles... Vous savez, l'une comme l'autre, que les deux places à prendre sont désirées par un grand nombre de jeunes filles du Palais ?
À l'écoute, les deux sœurs avaient hoché de la tête.
— Vous devez savoir que je suis très exigeante concernant les demoiselles qui m'entourent. Surtout s'agissant de celles qui partagent mon intimité et, en qui je dois avoir toute confiance. Je recherche essentiellement des jeunes filles loyales et discrètes.
À nouveau, les demoiselles avaient approuvé.
— Donc, selon cet état de fait, vous comprendrez que je ne pouvais prendre ma décision à la légère. Je me suis donc longuement penchée sur vos deux rapports et, j'avoue qu'à leur lecture, je n'ai su prendre de décision. Mon Conseiller du Palais m'avait fait des éloges sur l'une et sur l'autre, et le choix m'apparaissait fort compliqué. Dans le premier cas, en dépit du rapport écrit moyen de ladite jeune fille, c'est sa douceur, sa réserve et son humilité face mon Conseiller qui l'avait convaincu. Dans le deuxième cas, il ne s'était pas fié aux apparences ni à son impression mitigée, bien qu'il ait noté que la jeune fille était franche et souriante. Pour cette deuxième candidature, mon Conseiller du Palais s'était appuyé sur le rapport écrit et plutôt convenable pour se prononcer. Ainsi, l'une lui avait plu de visu quand l'autre, lui avait plu selon les dires. Avec une attribution identique de points, je me retrouvais donc dans une situation complexe. Il me fallait trancher pour vous accorder le ou les postes, mais je n'y arrivais pas. Ainsi, j'ai souhaité vous entretenir ensemble et réfléchi au moyen de vous départager si vos réponses m'avaient satisfaite d'égale manière. Pour ne pas me retrouver dans une telle situation et, dans l'urgence d'avoir à mes côtés une Dame d'atours ainsi qu'une Dame de compagnie, j'ai procédé autrement. J'ai entre-temps préféré une demoiselle en tant que Dame d'atours et vous ai laissé croire que les deux places restaient disponibles. Ceci, afin d'estimer vos réactions.
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