Repentance
Chapitre 6 - Repentance
À la lecture de cette lettre, Hugonnette fondit en larmes. Elle qui n'avait pas gardé de rancune envers sa sœur et priait couramment pour son âme, fut prise de compassion et consentit à l'aider. C'est donc les yeux baignés de larmes qu'Hugonnette de Besson-Blois, Dame de Compagnie de la Princesse Émérienne II depuis plusieurs années, et qui par sa fidélité et sa conduite exemplaire, avait su se rendre aussi précieuse qu'une amie, demanda à la Princesse de réhabiliter sa pauvre sœur qui se mourait dans un cachot. Par affection pour Hugonnette et jugeant que Guillemette avait repris raison, la Princesse Émérienne II accepta de faire quelque-chose, mais ne répondit pas exactement à la requête. Sans rompre la disgrâce et sans retour possible au Palais, elle serait magnanime et ferait en sorte de libérer la prisonnière en dédommageant grassement le Roi Attelinien IV qu'elle avait abusé. La Princesse Émérienne II supposa que si effectivement, le caractère de la Comtesse de Besson-Blois n'était plus le même et que sa contrition était véritable, alors il lui serait agréable de continuer son chemin de repentir au couvent des Oiseaux, de réputation confortable et honorable.
Ce long temps d'incarcération avait altéré la beauté de Guillemette de Besson-Blois. Les nombreux sanglots sur la couche de sa prison avaient délavé ses jolis yeux, fané son teint de porcelaine puis creusé des sillons sur son front. La maladie avait fragilisé ses os et abîmé sa peau de nacre. Les carences et les mauvais traitements avaient déformé son corps... autrefois si harmonieux.
À sa libération, Hugonnette était présente. Le délabrement physique de sa sœur l'avait fortement attristé et, par compassion, elle la visita aussi souvent que possible au couvent des Oiseaux. Et même si la distance était longue et la route fort mauvaise, les deux premières années, elle s'y rendait chaque trimestre. Invariablement, Guillemette lui assurait se sentir tout-à-fait bien dans le lieu et ne manquer de rien. Et c'était vrai ! Entourée de religieuses bonnes et dévouées, Guillemette reprenait quelques forces. Elle semblait apaisée. Il y avait un nouvel éclat dans ses yeux et un sourire doux sur son visage. Rassurée, Hugonnette de Besson-Blois avait espacé les visites pour finalement ne plus s'y déplacer. Par lettres échangées, elle garda néanmoins le contact avec sa sœur. De plus, à même époque, un rapport de la part de la mère supérieure lui était adressé. Ligne après ligne, elle pouvait y lire que celle rebaptisée " Sœur Marie-Modeste " consacrait une grande partie de son temps aux indigents recueillis par la communauté et se réjouissait de cette merveilleuse mission.
Le temps passa ainsi.
Nonne consacrée et âgée de quatre-vingts ans passés, au lieu d'expirer sur la paille souillée de sa prison dans un flot de râles et de regrets comme cela aurait dû ; au lieu de fermer à jamais ses yeux sur d’éternelles envies de grandeur et d'emporter dans la tombe ses remords et ses rêves inassouvis, Sœur Marie-Modeste qui avait enfin trouvé la paix du cœur et acquis des richesses bien plus grandes, s'éteignit dans le repos de l'Esprit.
Tel fut le destin d'une vaniteuse qui à sa mort, laissa l'image d'une femme humble et repentante.
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