Chapitre 32 : Mets-les gaz, Gaz

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Dans la solitude de son appartement de standing, Erwann pose son téléphone en évidence sur la table du salon, la sonnerie au maximum, prêt à bondir pour lire le message qu’elle ne devrait pas tarder à lui envoyer.

Quelle soirée ! A la hauteur de ce qu’il attendait. Il a été délicieusement charmé par l’aura de sa modèle, qu’il a découverte à la fois douce, sensible et pleine de caractère.

Et puis, cette confrontation avec son ex, un régal ! Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas autant amusé. Dommage que ce dernier se soit vautré comme une merde, il aurait adoré que l’altercation dégénère pour venger la jeune femme. D’autant que les reproches dont Konrad l’a inondée n’étaient pas justifiés. Erwann a lui-même pu constater la façon de travailler de Gwendoline et rien dans son attitude ne prête à confusion. Ni elle, ni ses photos, ne sont vulgaires ou déplacées.

De toute façon, un mec bourré, en fin de soirée, perd toute crédibilité. Autant ne pas s’attarder sur ses propos… En revanche, le photographe ne peut s’empêcher de se marrer en repensant à cette chute royale qui a clairement été le clou de la soirée. L’ex de Gwendoline l’avait bien mérité.

Erwann se débarrasse de sa veste aviateur, laisse tomber ses clefs sur la console de l’entrée ainsi que son paquet de cigarettes. Avec un sourire, il constate qu’il n’y a pas touché depuis la dernière clope qu’il s’est grillée avant le début de la séance. Pourtant, une fois seul dans sa voiture, son premier réflexe a été de chercher son paquet dans la poche de son manteau ; une fois entre ses mains, il avait fait une pause : avait-il vraiment besoin de cette énième cigarette ?

Posé sur la console, éclairé par une petite lampe, le paquet semble à présent le défier, l’inviter à en prendre une. Une autre, une dernière ou une de plus. Mais une autre, encore. Il entend deux voix qui s’opposent à cette idée, comme si un petit diable et un petit ange étaient posés sur chacune de ses épaules. La tentation face à la raison. Il souffle un bon coup et se retourne, laissant le tout à l’abandon dans le vestibule.

Ce soir, il a passé une soirée merveilleuse et n’a pensé à aucun moment à allumer une cigarette. Il était avec Gwendoline et sa présence l’a pleinement comblé.

Au même instant, la sonnerie de son portable résonne dans le salon et Erwann se précipite pour le regarder.

Une bulle de la messagerie instantanée s’ouvre et envahit l’écran.

— Alors ?

Perdu. C’est Richard qui, dévoré par la curiosité, ne peut s’empêcher de venir aux nouvelles.

— Eh bien… la séance s’est très bien passée et… elle est à tomber.

— A ce point-là ? C’est le coup de foudre ?

— En tout cas, elle me plaît. Intelligente, drôle, belle… Je l’ai emmenée diner.

— C’est cool, je suis content pour toi. Tu la revois quand maintenant ?

Je ne sais pas encore. Bientôt, j’espère. Et ton apollon ?

— Il vient de quitter l’appart.

— Coup de foudre ?

— Coup de bite, seulement. Désolé, je ne crois plus en l’amour depuis que Benjamin s’est servi de mon cœur pour nettoyer le sol de son restaurant.

Benjamin est son ex, le seul que Richard n’ait jamais aimé. Chef étoilé, ce dernier possède un des plus beaux établissements de la presqu’île de Crozon, avec un emplacement très convoité, idéalement situé face à la mer. Hétéro le jour et homosexuel la nuit, il n’a jamais assumé ses penchants qu’il qualifiait de déviants et avait préféré mettre un terme à sa relation avec Richard pour continuer à vivre une vie factice de mari et de père dévoué.

Richard en avait eu le cœur brisé.

— Je suis passé par là, Bud, compatit Erwann, en utilisant volontairement le surnom affectueux qu’il est le seul à lui donner.

Grand amateur de tous les types de houblon, Richard a toujours adoré la bière légère américaine Budweiser, dont est inspiré ce sobriquet.

— Apparemment, faut pas désespérer, reprend le photographe pour le consoler. Les choses peuvent s’arranger.

— T’es mignon quand t’es amoureux, mon chou, tu dis tout un tas de conneries.

— J’avoue, je suis sous le charme. J’espère la revoir rapidement. Je dois lui montrer les clichés de notre collaboration.

— Quand ?

— Elle récupère sa fille dimanche soir pour une quinzaine de jours. Si je ne lui propose pas un nouveau rendez-vous dès demain, il faudra attendre deux semaines…

— Propose-lui de la revoir demain alors. Lance-toi Gaz, invite-la. T’en meurs d’envie.

— Ça ne fait pas un peu trop rapide de la relancer si vite ?

— Si tu lui plais, non. Et puis avec vos histoires de gosses et de garde partagée, alternée, découpée… vous n’avez pas vraiment le choix.

Erwann sourit en lisant le trait d’humour que son pote essaie de faire pour dédramatiser la vie des parents séparés, qui passent leur temps à se refiler leur gamin, comme une patate chaude dont il faudrait se débarrasser. Erwann est loin de ressentir cela car il aurait aimé avoir sa fille en garde principale, mais comprend l’idée.

Il sait que Richard a raison concernant Gwendoline. Elle se doutera sûrement que cette précipitation n’est liée qu’à leurs contraintes familiales. Erwann s’entend réfléchir et réalise qu’il ferait n’importe quoi pour ne pas passer à côté de l’occasion de la revoir, même si c’est un peu plus tôt que convenu.

— C’est décidé. Je vais lui proposer un truc demain, écrit Erwann, déterminé à ne pas passer à côté de sa chance.

— Hey, Gaz, tu me laisseras organiser ton enterrement de vie de garçon ? le taquine Richard, fanfaron.

— T’es con. C’est un peu prématuré. Mais promis, je te laisserai t’en charger. C’est pas vraiment le style de Quentin, de toute façon.

— En parlant de lui, je trouve qu’il picole pas mal en ce moment. Sans déconner, quelque chose semble lui prendre la tête, lui confie Richard qui semble sincèrement inquiet.

— Je n’avais pas remarqué. Je lui en parlerai lors de notre prochaine soirée.

— Je préfère que ça vienne de toi. Il va encore dire que je me prends pour sa mère sinon. Tiens-moi au courant. Bonne nuit Gaz.

— Bonne nuit ma biche.

Alors qu’Erwann s’apprête à reposer son téléphone, un nouveau message apparaît.

« Suis bien arrivée. Merci pour ce merveilleux moment, pour la séance photo et pour tout le reste. Je suis ravie de t’avoir rencontré. J’ai hâte de continuer notre… collaboration ;-)

Bonne nuit. Bises.

Gwen »

Les yeux brillants de joie, Erwann s’écroule sur son canapé et se met à regarder le plafond, le cœur rempli de gratitude.

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