Chapitre 34 : Prostituée I (contenu sensible qui peut déranger)

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Avertissement pour les lecteurs : au cours des trois chapitres suivants, vous allez découvrir des scènes/ des textes, parlant de prostitution, au travers de mon Héroïne. Je précise que je ne fais pas l'apologie de cette activité.

Gwendoline s’est levée tard, ce qui est rare pour elle, qui aime se réveiller avant le soleil et profiter de cette ambiance si spéciale que l’on ressent à l’aube d’un jour nouveau. Mais son besoin de sommeil l’a emporté sur sa discipline habituelle et c’est naturellement qu’elle n’a ouvert les yeux qu’après avoir eu son quota d’heures de repos.

Hier soir, dans la voiture, sur le chemin du retour, elle s’était sentie pousser des ailes. Elle avait baissé la vitre à moitié et laissé ses cheveux s’emmêler au contact du vent et de l’air humide et frais. En allumant l’autoradio, elle était tombée sur une musique inspirante : Bohemian Rhapsody de Queen. Tout en conduisant dans les rues désertées de la ville endormie, elle avait entamé la chanson à tue-tête, laissant s’exprimer sa joie, après cette extraordinaire soirée.

En jetant un coup d’œil dans son rétroviseur intérieur, elle avait vu le visage d’une femme fatiguée, mais souriante et épanouie. Était-ce le même quelques heures plus tôt ? La réponse avait jailli de son cœur, et cela avait été un grand non, elle le savait. Gwendoline s’était sentie radicalement différente, comme transformée, plus légère et vivante.

En un mot, heureuse.

Tout en lançant la préparation de sa tasse de café au lait, elle ouvre les volets et découvre avec plaisir une magnifique journée ensoleillée. Une fois son café bu, elle se prépare pour sa méditation et s’installe dans le salon, sur son tapis de sol avec son plaid et sa bouillotte sur le ventre. Confortablement installée, elle clôt ses yeux et enfonce ses écouteurs dans ses oreilles pour un voyage intérieur au cœur d’elle-même.

Lorsque sa méditation est achevée, elle se pose en terrasse avec son petit déjeuner pour profiter de l’air frais, doux et printanier.

On est samedi et d’ordinaire, Gwendoline ne travaille pas. Mais elle a pris plusieurs journées, ces derniers temps, pour ses shootings en collaboration et il est temps pour elle de faire rentrer de l’argent. A cette idée, sa joyeuse énergie retombe comme un soufflé. Elle n’en a pas du tout envie mais elle doit répondre à ses clients au téléphone et commencer à bosser. Au son de leur voix, la masseuse en élimine la moitié que son instinct ne sent pas, et retient ceux qui ont l’air de ne pas avoir été bercés trop près du mur. Rapidement, elle note trois rendez-vous dans son agenda, qui vont s’enchainer au cours de l’après-midi.

Puis, en trainant les pieds, elle commence à se préparer, au son de « I will always love you » de Whitney Houston. Les fenêtres de sa salle de bain sont ouvertes et Gwendoline s’en donne à cœur joie, couvrant sans réserve la voix de la sublime chanteuse. Elle n’a aucun don pour la chanson, et elle le sait, mais elle a besoin d’énergie pour attaquer cette journée et hurler comme une damnée lui paraît moins toxique que sniffer un rail de coke.

Après sa douche froide, elle se glisse dans ses habits près du corps, qui la moulent comme une seconde peau. Puis, elle se maquille et n’oublie surtout pas le rouge à lèvres très voyant. Un rouge intense, profond, brillant. C’est sa petite astuce pour qu’aucun client n’ait envie de l’embrasser. Quel homme sensé et probablement en couple, choisirait délibérément de rouler une pelle à une femme maquillée ainsi, au risque de se retrouver le visage tout peinturluré ?

Lorsqu’elle a enfilé sa tenue et mis son visage et ses cheveux en valeur, elle accueille les hommes, les uns à la suite des autres. Ils sont généralement ponctuels, et même si parfois, certains ne viennent pas, aujourd’hui, tout se déroule bien. Ses clients sont corrects et gentils, comme la plupart du temps. Chacun paie à son arrivée, comme Gwendoline l’exige, avec le sourire et beaucoup de diplomatie.

Même si elle se montre enjôleuse et séductrice, dans sa tenue sexy, son objectif principal reste de gagner de l’argent. C’est son travail et rien d’autre. Malgré l’odeur tenace de soufre que les gens associent à son métier, pour elle, se prostituer n’a rien d’exceptionnel. Elle le fait comme si elle allait au marché.

La jeune femme endosse son rôle, qu’elle connaît à la perfection, après toutes ces années.

Après leur avoir demandé de se déshabiller intégralement, elle les fait s’allonger sur la table de massage, prévue à cet effet. Gwendoline s’interroge encore : comment est-il possible que des hommes qui ne la connaissent ni d’Ève, ni d’Adam, acceptent de se retrouver nus au bout de quelques minutes, sur simple demande de sa part ? Même chez le médecin, le patient garde son slibard. Elle se reconnaît un énorme pouvoir, car d’une simple parole, ses clients obéissent sans rechigner. Tout a toujours été si facile depuis le commencement et cette facilité l’a toujours étonné.

S’en suit un moment de relaxation, pour elle, comme pour eux, où, au son de la musique douce et apaisante, elle s’échappe dans ses pensées. Absorbée par son début de matinée actif, elle en a presque oublié la merveilleuse soirée qu’elle a passé hier, avec Erwann. Tout en massant le corps nu de ses clients pendant une bonne demi-heure, elle repense aux dernières heures en compagnie du photographe.

Un de ses habitués, un vieux ventripotent, se montre bavard aujourd’hui. Il a envie de parler de lui mais la masseuse n’a pas le cœur à l’écouter. Aimablement, elle lui explique qu’il est préférable de profiter du calme de la relaxation pour se détendre et se reposer. Cela lui épargne ses jérémiades au sujet de son boulot stressant, de sa femme qui refuse de le sucer ou de ses problèmes de santé. Lorsqu’elle l’a fait taire, elle peut repartir dans ses rêveries, bien plus intéressantes et agréables que les plaintes de ce monsieur frustré.

Les rendez-vous se terminent toujours par une prestation sexuelle, soit une masturbation, soit une pénétration. Gwendoline travaille comme un robot, tout en essayant de ne pas le montrer. Comme si elle quittait son corps, dès lors qu’elle doit l’utiliser dans ce cadre formel et aseptisé. Elle s’adonne à ses pratiques sans grand enthousiasme, même si parfois, elle le reconnaît, elle peut y prendre un peu de plaisir. De temps en temps, elle a la chance d’avoir un orgasme. Quand cela lui arrive, elle ne peut s’empêcher de penser qu’on la paie pour prendre son pied et cela la fait rire.

Jouir dans ce contexte l’a toujours laissé perplexe, car elle pensait, au début, que seuls les hommes étaient « mécaniques ». Et puis, avec le temps, elle avait compris comment son corps fonctionnait et cela lui avait permis de déculpabiliser.

Si un homme se débrouille bien avec sa langue et qu’elle est aux alentours ou dans sa période d’ovulation, alors il y a de fortes chances pour qu’il arrive à tirer son épingle du jeu. C’est un simple concours de circonstances mais elle laisse toujours tout le crédit au client chanceux, qui repart l’ego regonflé, persuadé d’être doué…

Si elle veut les faire venir plus vite, il lui suffit de simuler un orgasme et le tour est joué.

Les hommes sont si faciles à flouer…

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