Chapitre 64 : A l'épreuve (Mazeltov * !)

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Tout à son massage voluptueux, amusée de le voir délicieusement souffrir, Gwendoline ne ressent pas l’inquiétude qui augmente chez son partenaire. Concentrée, elle s’applique dans ses mouvements, veillant à lui procurer détente, bien-être et sensualité. Elle veut le remercier pour toutes les attentions qu’il a eues envers elle.

Et accessoirement le rendre dingue aussi. Faire monter la température entre eux est si bon qu’elle ne peut s’empêcher de le soumettre à ses douces persécutions. Elle sait qu’elle ne devrait pas, mais elle ne peut se retenir de tirer sur la corde, cette petite corde ténue qui les relie, comme pour en éprouver la résistance, pour s’assurer qu’elle est en sécurité avec lui. Qu’il ne la trahira pas. Elle ne veut pas qu’il craque sous la pression qu’elle exerce sur lui, mais bien au contraire, qu’il résiste à ses offensives amoureuses. Qu’il lui prouve qu’il peut la gérer, elle et sa folie. Elle et ses troubles. Elle et ses démons. Elle a tellement de bagages à traîner qu’il lui faut un homme solide pour la supporter, avec une fiabilité à toute épreuve. Erwann est à l’essai et elle a toute confiance en ses capacités, sinon elle ne serait pas là. Elle a deviné son potentiel depuis le premier jour. Elle sent qu’il peut relever le défi et l’accepter avec ses névroses, ses blessures et ses incapacités. Incapacité à aimer et à se laisser aimer. Mais pour s’en assurer, elle ne peut faire autrement que de le mettre à l’épreuve, tout en priant pour qu’il encaisse et tienne bon.

Dans un éclair de lucidité, sous les mains délicates de sa partenaire, le photographe ouvre les yeux, avec en tête la promesse qu'il s'est faite juste après leur premier vrai rencard sur le bateau-péniche. Il connait une partie de son passé, de son activité et n’a pas envie de passer pour un mec en rut, un crevard, un mec en chien. Il ne la touchera pas ce soir. Il veut la respecter, l'honorer. Lui prouver qu’il est différent des autres, de ses ex et de ses clients.

De toute façon, vu l’état d’excitation dans lequel il est, Erwann sait qu'il fera foirer leur première nuit ensemble, que son corps le trahira. Il n’a pas fait l’amour à une femme depuis une éternité et sent que le contrôle pourrait facilement lui échapper, qu’il risquerait d'aller trop vite et de ne pas pleinement la satisfaire. Le genre de malaise dont il n'a guère envie de faire l'expérience.

Maintenant qu'il a pris sa douche, il n’a plus l’occasion de se masturber discrètement pour faire retomber la pression. Comment pourrait-il justifier de s’éclipser pendant plusieurs minutes ? S’il le fait, elle imaginera peut-être qu’il est aux toilettes, pour autre chose, ce qui serait encore pire ! Ça tuerait complètement l’ambiance romantique dans laquelle ils baignent allègrement. Vu la tempête qu'il y a dehors, il n'envisage pas d'aller faire un footing salvateur au péril de sa vie. Il est au taquet, pas suicidaire. Bon, demain matin, à la première heure, avant le réveil de son invitée, il se glissera hors de la chambre pour se soulager, se promet-il, pragmatique. Cela le calmera sûrement. Aux grands maux, les grands remèdes.

Arrivé à ce stade de sa réflexion, en vertu de l'engagement qu'il a pris envers lui-même, et vu son état de nervosité et sa peur de ne pas être à la hauteur, Erwann désire juste s’endormir avec elle. Malheureusement, il ne sait pas comment le lui dire sans la vexer. Voilà quelques minutes qu'il réfléchit et cherche les bons mots pour ne pas la blesser, mais il sèche complètement. Et plus Gwendoline s'adonne avec adresse et sensualité dans la réalisation de son massage, plus Erwann perd pied.

Dans un dernier sursaut de volonté, toujours aux prises avec une tension montant crescendo en lui, le breton se reprend et relève légèrement le buste, tout en maintenant son bassin plaqué contre le sol. Il pivote pour la regarder en face et propose doucement :

— Gwen... viens t’allonger à côté de moi.

Elle s’exécute, heureuse de le laisser prendre les commandes, consciente qu’elle a mené le jeu depuis un certain temps. Erwann reste sur le ventre, accoudé, et contemple la jeune femme alanguie sur le dos, les cheveux s’étalant en soleil sur les coussins. L'envie lui prend soudain de lui rendre la pareille, mais il sait très bien que s'il commence à la masser à son tour, avec cette huile enivrante et son corps de déesse sous les yeux, il finira entre ses cuisses en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Une chance qu'elle ait gardé son bas de pyjama, sans quoi, il n'aurait jamais réussi à calmer ses ardeurs. Erwann se fait violence. Il tient à la promesse qu'il s'est faite de patienter au maximum, et même si le maximum lui semble déjà atteint, il sait qu'il peut encore repousser le moment fatidique où son obsession pour elle aura pris le total contrôle de son corps.

Il approche son visage du sien et la regarde avec profondeur, tout en lui caressant tendrement les cheveux.

— C'était très agréable et je te remercie de cette adorable attention.

— Je t'en prie.

A la lueur de la bougie et des flammes vacillantes dans la cheminée, il observe les ombres se dessiner sur ses seins nus dont la pointe, d’une jolie couleur rose, tend vers lui. S’il l’embrasse dans cette position, entièrement nu à côté d’elle, qui ne porte plus que son pantalon aussi léger qu’un voile, il ne donne pas cher de la suite…

C’est au prix d’un effort surhumain qu’il se lance, tout en lui caressant la joue :

— Le feu est en train de mourir et il va faire de plus en plus froid en bas. Montons à l’étage, tu veux bien ?

Gwendoline acquiesce et détourne le regard le temps que son hôte se relève et enfile son boxer, prenant soin de lui tourner le dos pour cacher son membre. Elle remet son caraco de soie, de même que son gilet, qu’elle retrouve abandonné sur le tapis. Lorsqu’elle s’est rhabillée et qu’il en a fait de même, ne remettant cependant que le bas, elle éteint la bougie aux effluves entêtantes.

Puis, Erwann lui tend la main et l’aide à se remettre debout et, dans une attitude chevaleresque, la soulève pour la porter dans ses bras jusqu’au premier étage, telle une jeune mariée à l’aube de sa nouvelle vie.

Gwendoline est à présent plaquée contre son torse puissant, les bras accrochés à son cou, transportée sans aucune difficulté par un Erwann qui affiche un air déterminé…

Une fois entrés dans la chambre destinée à la jeune femme, Erwann la dépose sur le lit à baldaquin, dont les voilages sont grand ouverts, et allume une petite lampe de chevet. L’éclairage est doux et crée des ombres chinoises sur le mur.

Il s’approche d’elle pour lui murmurer :

— Gwen… j’aimerais rester avec toi cette nuit et t’enlacer tendrement jusqu’à ce que la fatigue nous gagne… sans aller plus loin pour aujourd’hui.

Priant intérieurement pour qu’elle ne s’offusque pas, il s’oblige à rester calme, affichant malgré lui un air grave.

Silencieuse, mais le regard bienveillant, Gwendoline accueille cette déclaration avec soulagement, voyant qu’il veut se montrer romantique et gentleman envers elle. Pour toute réponse, elle vient l’embrasser en souriant et se glisse sous les couvertures. Comprenant qu’il attend une réaction de sa part, elle lui ouvre le lit à sa suite, l’invitant à la rejoindre.

Le visage soucieux du photographe se détend enfin et il retire son bas de survêtement, ne gardant sur lui que son caleçon, pour se mettre sous la couette avec elle. Il se cale contre son corps encore chaud tandis qu’elle se moule dos à lui, sur le côté.

— Gwen, tu ne m’en veux pas ?

— Non. Bien sûr que non. Tu as raison. Nous avons tout notre temps.

— Je ne veux pas brûler les étapes. Ce qu’il y a entre nous, cette… connexion est trop précieuse pour hâter les choses inutilement.

— Je suis entièrement d’accord avec toi. A une condition cependant.

— Laquelle ? demande-t-il, alors qu’elle a éveillé sa curiosité.

— Embrasse-moi.

Perplexe, Erwann s’interroge. Il l'a déjà fait à plusieurs reprises, du coup il ne comprend pas les motivations de cette exigence. Conciliant, il approche ses lèvres de celles, entrouvertes, de la jeune femme et, une fois à son contact, commence à y glisser sa langue doucement. Son piercing au labret vient la chatouiller, petit bijou délicieusement invasif qui la titille effrontément.

Gwendoline glisse les doigts dans ses cheveux retenus par un élastique lâche, traçant des lignes avec ses ongles longs, sur la moitié rasée de son crâne. Puis enserre son visage de ses mains, le tenant en coupe pour mieux savourer sa bouche gourmande. Une fois qu’elle sent son hôte emporté par la puissance de leur baiser, elle fait glisser très lentement la pointe de sa langue sur tout le contour de ses lèvres pulpeuses, dessinant tout d’abord l’arc supérieur, avant de s’occuper de la partie inférieure. Elle savoure l’haleine chaude et mentholée émanant de son amant, tout en écoutant sa respiration courte et saccadée.

Erwann tremble tout au long de la manœuvre, saisit par la volupté qui se dégage de sa partenaire, qui essaie de toute évidence de lui retourner le cerveau, de l'amener au bord du précipice.

— Si tu continues comme ça, je risque vraiment de…

— De quoi, Erwann ? susurre-t-elle, délicieusement provoquante.

— De t’arracher ce pyjama…

— Tu n’en feras rien.

— Mais tu ne m’aides pas.

— Je sais.

— Gwen, tu n’as pas besoin de me tester pour t’assurer que je te désire. Tu le sais que je te désire, n’est-ce pas ? reprend-il très sérieusement.

Pour toute réponse, la jeune femme bouge son bassin, appuyant ouvertement son corps sur le sexe en érection de son partenaire. Erwann sourit malgré lui.

— Oui, tu le sais, conclut-il, le visage amusé.

— En réalité, je n’ai jamais eu aucun doute là-dessus, Erwann, répond-elle avec un sourire un coin. Et puis… Cela se voit. Je veux dire, cela se voit… littéralement, éclate-t-elle de rire.

— Ah comme ça tu m’as reluqué ? la taquine-t-il, en la serrant plus fort contre lui.

— C’est-à-dire que… pas besoin d’avoir une vue perçante pour… la voir.

Erwann explose d’un rire sonore.

— Je n’allais pas me priver de ce plaisir quand même. Je suis humaine, pas en bois, ajoute-t-elle, hilare.

— Okay, okay, bon, ça c’est fait.

— Ah, au fait…

— Quoi ?

— Mazeltov * ! parvient-elle à dire, avant d’exploser à nouveau de rire, le visage dans la couette.

— Ah les femmes… pires que les hommes, j’te jure…

Tous les deux partent dans un fou rire nerveux qui les secoue jusqu’à ce qu’enfin, le calme revienne dans la chambre et qu’ils se calent l’un contre l’autre.

En quelques mouvements, ils trouvent aisément leur espace et harmonisent leur position dans le lit gigantesque, dont ils n’occupent que le tiers. Erwann lui embrasse l’épaule, lui souhaitant une agréable nuit. En retour, elle attrape la main qu’il avait posée sur son ventre et la porte à ses lèvres pour y déposer un baiser.

Elle n’a pas osé lui dire qu’elle ne le testait pas pour s’assurer de son désir, mais bien pour avoir la certitude qu’il était assez fort pour l’accepter telle qu’elle était. Elle n’a pas eu besoin de le lui expliquer car sa réaction ce soir lui montre qu’il l’est. Il est assez fort pour elle, sans aucun doute. Sans le savoir, Erwann a passé la première épreuve.

— Merci Erwann, merci pour tout, dit-elle avant de s’assoupir presque instantanément, le cœur léger et l’âme en paix.

* MAZELTOF ! = FELICITATION EN YIDDISH

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