Chapitre 85 : Folie douce

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Ok. Ce mec est barge, pense Gwendoline intérieurement. Il veut réellement parler des enfants ?! La jeune femme ne l'entend pas de cette oreille.

Ils reprennent place autour de la table du petit-déjeuner, l’un en face de l’autre. La table est si étroite que leurs jambes se touchent presque. Erwann a retrouvé son air habituel, calme, sobre, impassible. A part ses yeux qui la foudroient de leur éclat noisette et doré.

— Mais avant toute chose, Gwen, arrête de me regarder comme ça, sinon je ne pourrai pas me contrôler et me concentrer sur la discussion.

Discussion dont elle ne veut pas. Et puis, de quel regard parle-t-il, à la fin ? Elle boit son café !

— Je ne le fais pas exprès.

— C’est bien ça le problème, dit-il, avec un sourire espiègle. C’est ton innocence qui m’excite.

— Je ne suis pas innocente !

— Oh que non. La plupart du temps, non. Mais parfois, tu as juste l’air de sortir d’un couvent.

La jeune femme éclate de rire. A présent, elle le fixe intensément dans l’espoir de le déstabiliser et de lui faire oublier cette ridicule conversation.

— Et c’est ça qui t’excite ? reprend-elle en articulant le dernier mot.

— Et comment ! J’aime l’idée de te dévergonder.

— Tu arrives trop tard. Je ne suis plus vierge.

— Pour certaines choses, tu l’es encore…

— Quoi ?!

Erwann éclate de rire à son tour devant son air offusqué.

— Arrête de changer de sujet, Gwen. On a dit qu’on parlait des enfants, plaisante-t-il à nouveau.

— Tu veux en parler, pas moi ! Pourquoi avoir cette discussion ?

— Elle t’embête vraiment, hein… la nargue-t-il.

— Évidemment ! Ça n’a aucun sens d’en parler.

— Tu as raison. Donc, est-ce que tu en veux d’autres ?

Gwendoline part d’un nouveau fou rire, en se tapant la main contre le front, dans un geste théâtral de désespoir.

— Je t’écoute, insiste-t-il, hilare.

— Bon d’accord, j’en veux dix, ça te convient ?

— Parfait, il faut qu’on s’y mette tout de suite alors !

Erwann repousse sa chaise et se lève pour venir l’attraper. Il l’arrache à sa chaise et la porte à bout de bras pour l’emmener vers le lit.

— Ce mec est dingue, hurle-t-elle, en se débattant. Pourquoi préparer un si copieux petit-déjeuner si on ne peut pas le manger tranquille ?

— Ce sera toi mon p’tit-dèj’ ! dit-il en la jetant sur le lit avant de s’affaler sur elle de tout son poids.

Il saisit ses poignets et les maintient au-dessus de sa tête avec ses mains. Erwann sait que cette position la fait monter en puissance. La jeune femme se laisse faire avec délectation. Il l’embrasse avec passion, fou de désir. Elle lui rend son baiser, encore plus affamée de lui que de ses viennoiseries. Elle passe ses cuisses autour de ses hanches et colle son entrejambe contre son sexe en érection, fièrement dressé sous le tissu de son jogging. Féline, elle ondule sous son corps, animée par l'envie ardente de franchir cette étape. Elle sait qu’elle peut le provoquer car ses règles feront barrage à leurs envies et les empêcheront de dépasser leurs limites.

— Gwen…

— Oui ?

— J’ai envie de te faire l’amour…

— Alors on est sauvé. Parce que moi aussi…

Erwann la regarde, intrigué.

— Comment ça « on est sauvé » ? Tu m’expliques…

— J’ai mes règles.

— Vraiment ?

Elle hoche la tête.

— Tout à l’heure, c’était pour ça ton air… ennuyé ?

— Je n’ai rien emporté pour… ça.

— Merde. Je n’ai pas pensé à prendre ce genre de choses… je vais aller à la pharmacie de garde, dit-il prêt à se relever.

Gwendoline le retient. Il s’affale de nouveau sur elle.

— C’est bon, je me suis arrangée.

— Sûre ? Cela ne me dérange pas. Je n’en ai pas pour longtemps.

— Ne t’inquiète pas, je me suis débrouillée…

— Ok. Bon. Tu as raison, sauvés par le gong. Je n’aurais pas pu lutter plus longtemps, reconnaît-il, en lui caressant le visage.

— Moi non plus, concède-t-elle, soulagée qu’ils soient sur la même longueur d’onde.

— Du coup, ça reste dans le thème de notre discussion. Enfin de la discussion que tu refuses d’avoir avec moi.

— Les enfants.

— Oui, les enfants… Donne-moi ton point de vue, s’il te plaît, demande-t-il avec douceur, les lèvres contre les siennes.

Son haleine sent le café sucré.

— Lorsque je me suis séparée du père de ma fille, j’espérais en avoir encore deux… Mais les choses ne se sont pas déroulées comme je l’imaginais et tu connais la suite… Stéphane, l’avortement… Ce n’était plus au goût du jour.

— Tu n’as que trente-neuf ans… Tu peux encore tout envisager, non ?

— J’en aurais quarante dans un mois, précise-t-elle.

— Tu ne les fais pas.

— Peu importe.

— Si tu avais vraiment voulu avoir un enfant après ta séparation, tu aurais pu, donc j’en déduis que tu ne recherches pas un géniteur potentiel pour combler un besoin irrépressible de maternité…

— Non, effectivement. Mais tu serais un très beau parti, ajoute-t-elle, amusée.

— Merci, répond-il en riant. Je te retourne le compliment. Laisses-tu la porte ouverte ou sais-tu déjà que c’est terminé pour toi ?

— Je répondrai à cette question quand tu y auras toi-même répondu, rétorque-t-elle pour se défiler encore un peu.

Pris à son propre jeu, Erwann l’embrasse à nouveau pour se soustraire à la question.

— J’attends, dit-elle en mettant fin à son baiser.

— Bien, bien, bien… hum, bon… Quand ma fille a commencé à grandir, j’ai rêvé d’avoir un autre enfant, c’est vrai. J’aurais aimé un p’tit gars, ça aurait été bien, reconnaît-il, touché par ses propres aveux.

— Ton ex-femme en a-t-elle eu d’autres après votre divorce ?

— Non. Pas encore en tout cas. Qui sait, peut-être qu’un jour…

— Et toi, aujourd’hui, en désires-tu d’autres ? Un petit garçon ?

— Par moment, l’idée me plaît, confie-t-il le regard pétillant, le visage éclairé par une expression douce et aimante. Mais je me dis que je suis trop vieux, Manon est déjà grande, autonome, presque indépendante… Il faudrait tout recommencer, se lever la nuit, les couches, les siestes. Avec mon travail, je ne sais pas si ce serait une bonne idée...

— Mais… l’incite-t-elle doucement à se dévoiler davantage.

— Mais je n’ai jamais vraiment tiré une croix dessus, c’est vrai. On ne peut pas savoir ce que la vie nous réserve…

Sa déclaration s’évapore dans l’air de la pièce comme la fumée du café au-dessus de leurs bols qui refroidissent sur la table. Erwann est gêné par ses confidences inattendues. Il se sent mis à nu, vulnérable et regrette déjà de s’en être ouvert ainsi à la jeune femme. Il a peur de la faire fuir.

Gwendoline respire profondément pour dénouer le léger malaise qui s’empare d’elle. Elle a le sentiment d’avoir reçu une mauvaise nouvelle et d’être sur la sellette. Cette conversation nébuleuse l’inquiète. Elle interroge Erwann, soucieuse :

— Si je te réponds que je ne désire plus d’autres enfants, et que c’est définitif, est-ce que tu préfèrerais arrêter de me voir, pour te donner une chance de rencontrer quelqu’un d’autre ?

— Non, pas du tout ! Bien sûr que non, affirme-t-il en lui prenant la main et en la portant à sa bouche pour y déposer un baiser bruyant. Je suis désolé d’avoir lancé cette discussion, je ne pensais pas que cela créerait un malentendu entre nous.

— Il n’y a pas de malentendu entre nous, Erwann, le rassure-t-elle en embrassant sa main à son tour, les yeux plongés dans son regard noisette.

— Quoi qu’il arrive, je suis déjà un papa comblé, donc, il n’y a pas de pression sur toi ou quoi que ce soit de ce genre, promet-il avec sincérité. Je voulais juste… savoir.

Gwendoline le regarde avec tendresse, heureuse de le découvrir si optimiste face à l’avenir et plein de gratitude pour tout ce que la vie lui a déjà offert. Elle aime cet état d’esprit positif, cette joie de vivre et cet enthousiasme communicatif. Ils ont ça en commun. Ils ont d’ailleurs beaucoup de choses en commun, et chaque jour qui s’écoule depuis leur rencontre apporte de l’eau à son moulin pour croire que cette relation est vraiment sur la bonne voie.

— Erwann, faire un enfant, c’est un acte d’amour, pas juste un désir de se reproduire. C’est vouloir une part de l’autre, pour tout le reste de sa vie.

— C’est vrai. Faire un enfant, c’est comme faire l’amour. Si on veut que cela soit bien, il faut être sûr de le faire avec la bonne personne, conclut-il, en la regardant avec une intensité qui la pénètre au plus profond d’elle-même.

Jusqu'à ce jour, elle ne savait pas que les yeux pouvaient parler...

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