En toute simplicité

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" Je pense que tu vis dans le moment. "

Alors que je traversais la route avec lui pour arriver en vue de la plage. Ses mots venaient occuper ses esprits bien plus fort que le son des vagues au loin.

Je l'ai regardé quelques secondes, avant de détourné le regard. Une petite rambarde me séparait du sable un peu plus bas. Il devait y avoir des escaliers par ici. Mais je n'avais pourtant pas le souvenir d'en avoir vu.

J'ai affirmé " Pourtant je pense tout le temps au passé. " Tout en passant par dessus la rambarde pour me laisser tomber sur le sable de l'autre coté. Mes chaussures me semblaient bien lourdes d'un coup. J'ai pris quelques pas en avant pour m'habituer à cette sensation que j'avais oublié. Je ne me suis pas retourné vers lui pour savoir si il comptait me suivre. Je l'espérais de tout mon cœur. Je considérais que ce n'était pas égoïste de désirer sa présence sans la lui demander. C'était bien normal non ? Pourtant j'ai été pris d'un soulagement difficile à dissimuler quand je l'ai entendu tomber sur le sable à son tour.

" Quand tu es heureux, tu me parles de tes beaux souvenirs. Quand tu es triste, tu ne parles que des souvenirs tristes. " Il me rejoignit. Dés qu'il fut en vue j'ai pu remarquer qu'il avait autant de mal avec le sable que moi. " J'ai l'impression que ton esprit te joue tout le temps des tours. Il t'empêche de ressentir du bonheur ou de la tristesse quand ça lui chante. Et ta mémoire ne peut rien faire d'autres que d'obéir au cours de tes émotions. "

Je n'avais pas spécialement envie de l'écouter en réalité. Sans me retourner, j'ai continué à avancer. Parfois une vague particulièrement forte venait se déverse sur la grève qui se faisait de plus en plus proche. Le son qu'elle provoquait me donnait l'impression que je pourrais même ignorer les sons de mes propres pensées. Si ça n'était pas pour lui ça serait surement le cas.

" Je ne sais pas si tu penses au passé. J'ai surtout l'impression que tu te tortures l'esprit."

" A raison. " Lui ai je répondu. " Que veux tu ? je me dois de me plonger souvent dans mes pensées. Ma tristesse est causée par mes déboires et l'animosité de mes compatriotes. Mais toute animosité a une source. Si je peux la définir alors je peux la régler "

" Et pendant combien de temps est ce que tu comptes faire ça ? " Je ne lui ai pas répondu cette fois. La mer se faisait si proche. Le vent allait contre notre sens. Nous n'étions pas d'accord sur beaucoup de choses lui et moi. Mais on pouvait au moins s'accorder sur le fait que cette douce brise qui venait s'abattre sur nous nous faisait nous sentir vivants. C'était comme si on bravait la nature... Non. C'était comme si la nature nous laissait la braver. Elle se montrait douce et gentil, elle nous envoyait une de ses salves les moins destructrice, pour nous donner l'impression que même nous pouvions prétendre avoir mérité d'arriver à l'endroit où nous sommes.

Là. A l'endroit qui était pour moi comme le bout du monde.

" Il n'y a pas de triste existence. " Je ne sais pas trop quand est ce que j'ai décidé de lui répondre ça. Je m'étais juste arrêté dans ma marche. J'étais resté debout à la limite du sable sec, à regarder la mer. Les mots sortaient seuls. " Et je ne pense pas qu'il y'ai de cruelle personne. La cruauté est subjective à tous. Et des monstruosités sans nom à mes yeux ne sont au final que des choses neutres du point de vue du monde. "

Il hocha de la tête. Ce simple geste me faisait me sentir horrible. Je ne sais pas pourquoi est ce qu'il fait toujours ça. Pourquoi prendrait il toujours la peine de me faire savoir qu'il m'écoute ? Qu'il m'a entendu ? Qu'il est là, à coté de moi, plus que physiquement seulement. Je ne faisais pas cet effort et je le savais. Aux yeux de n'importe qui de normal j'imagine qu'on aurait trouvé notre relation inégale et injuste. Probablement.

" On vit en forçant notre vision du monde. Tu sais ? " Ses mots me paressaient bizarrement creux pour une fois. Ca m'énervait. Je sais qu'il n'est pas comme ça. Je sais qu'il est aussi sincère que possible. Mais pourtant je ne pouvais m'empêcher d'être frustré et de ne plus vouloir écouter en retrouvant les platitudes qu'on m'a fait entendre encore et encore. " On est des prisonniers du bonheur. "

J'ai soufflé du nez. Pour ne pas qu'il ai à subir ma frustration stupide, j'essayais de l'extérioriser en tapant le sable devant moi doucement. Afin de garder un certain rythme je me suis calqué sur le rythme des vagues.

" Comment ça ? " Lui ai je demandé.

" Notre code moral sera défini par ce qui nous fait nous sentir bien. " Il pencha la tête, ses deux mains se rejoignant derrière son dos. " On se fâche avec les autres car on a mal. On reste avec quelqu'un car elle nous fait nous sentir bien. On change notre code moral car il ne nous convient plus. Tu sais. Peu importe à quel point on réfléchit. Peu importe à quel point on essaie. Je ne pense pas qu'on pourra vraiment être des bonnes personnes. "

A son tour. Il avait tapé le sable. J'ignorais si il m'imitait de façon amusée. Où si il commençait aussi à ressentir le mix d'émotions qui me venait.

" On agit par égoïsme. Beaucoup ont juste un égoïsme qui est l'empathie. Elle n'est ni positive ni négative. Elle ne témoigne pas d'à quel point on va te faire mal ou te rendre heureux. C'est un simple trait comme un autre. Il est juste attrayant car les autres sont comme nous. Evidemment que la plupart seraient attirés par une personne dont l'égoïsme les arrange. Au final ce n'est que ça. On ne fait que participer à quelque chose qui nous dépasse. Un jeu guidé par nos émotions. "

" Oh pitié... A d'autres mais pas à moi. " J'ai attrapé une grosse poignée de sable et l'ai lancé devant moi. Le vent à été gentil car au lieu de nous revenir au visage, le nuage de sable est passé sur le coté. " Tu es le premier à te plier en quatre pour les gens que tu aimes. C'est bien beau d'essayer d'être le plus pragmatique que possible. Mais en attendant on est encore vivants. "

C'était à son tour de demeurer silencieux. Je me suis énervé tout seul. j'étais  têtu au point de refuser de regarder son visage. Pire. Frapper le sable ne me suffisait plus. Alors j'ai commencé à m'approcher de la mer, salissant mes chaussures sur le sable humide.

Et il m'a suivi.

" J'aimerais être heureux. " Lui ai je dis.

" Je sais. "

" J'aimerais que les autres soient heureux. Car ça me rend heureux. Je ne veux pas avoir de problèmes. Je ne veux pas avoir à réfléchir à pourquoi il y'a des problèmes. "

" Ca aussi je le sais. "

" J'aimerais ne pas avoir à me protéger. "

" Je sais. "

Je me suis arrêté dans mes pas en voyant l'écume de la vague qui m'a suivi se déverser sur le sable. Elle était passée sur mes chaussures et venait mouiller les bouts de mon pantalon. J'ai pensé au fait que lui aussi allait salir ses chaussures. A cause de moi.

" J'aimerais qu'on puisse se parler. "

Cette fois. pas de réponse. J'ai attendu quelques secondes pour m'assurer qu'il redirait pas la même chose, avant de poursuivre.

" Parfois tu me blesses. Et parfois je te blesse. Et je me dis qu'on ne sera plus jamais amis. Pas parce qu'on ne peut pas régler le problème. Non. Mais un problème c'est plus qu'une situation dans le présent. C'est une fissure. "

Ma main est passée dans mes cheveux. Pour oublier que j'aurais plutôt voulu qu'elle soit proche de la sienne, en train de la tenir. Ca aurait été bien plus rassurant.

" C'est l'écume qui vient emporter nos efforts. Tu deviens une potentielle menace. Un futur problème. Je deviens pareil pour toi. Ce soucis marque le début de nos doutes. De tout nos '' Et si ça se reproduisait. '', nos '' Qui brisera les choses en premier ''. Nos '' Je ne veux plus avoir mal ''."

Toujours rien de sa part. J'aurais voulu qu'il m'interrompe car moi je n'en étais pas capable.

" Je pense que je ne veux plus entendre que je devrais accepter les problèmes de ce monde. Les amis que l'on perd. la pression de nos blessures. Je ne veux plus qu'on me définisse la vie comme si je ne la vivais pas. Je ne veux plus qu'on m'impose une fatalité dont j'ai conscience. J'aimerais... juste pour une journée... "

Et enfin. J'ai relevé la tête.

La sensation de l'écume froide est bien moins suffocante quand on ne la voit pas. En fixant l'horizon, le ciel orangé, doux et chaud.  J'ai réalisé que c'était lui qui m'enveloppait.

" Que le monde soit doux envers tout le monde. Qu'on puisse tous dormir sur nos deux oreilles. Dans un lit qui nous est familier. Des pensées qui nous sont chaleureuses. Un cœur dans une enveloppe de coton. Un corps qui nous est confortable. Juste pour un jour. Un jour de gentillesse. "

C'est lui qui m'enveloppait tendrement. Ses deux bras autours de moi. Le son de ses pas avaient étaient si doux, et là il était juste à coté de moi. Je ne sais pas ce que je suis censé ressentir. Suis je censé être heureux qu'il soit là ? Heureux qu'il me prenne dans ses bras ? Honteux d'avoir désiré quelque chose sans l'exprimer ? Frustré qu'avoir ce que je désirais n'ai pas subitement guéri mon cœur ?

" Car comme ça peut être qu'on aurait moins peur. " Ai je rajouté. " Peut être qu'on aurait moins peur de tout à chacun. Qu'on apprendrait à être plus tendre. Et que ça serait plus facile. "

Ses mains étaient sur mon torse, c'était plus simple pour lui de me tenir comme ça. Et j'imagine qu'il a retenu que ça me faisait me sentir en sécurité. Mes propres mains sont venues doucement tenir les siennes. A cet instant j'ai réalisé qu'elles étaient froides. Je me suis trouvé stupide. Car en réalisant que ses mains étaient froides, et que je pourrais doucement les réchauffer en les tenant. J'avais l'impression que mon cœur étaient 10 fois plus léger qu'après tout ce que j'ai pu dire.

" Et je t'aime. " J'ai eu peur en le lui disant. " Et je t'aime si fort, que je déteste savoir que tu as le pouvoir de me faire mal. J'ai peur de me construire une image de toi qui n'est pas vraiment toi. Et quand elle s'effondrera. Je serai seul pour récupérer les morceaux de mon cœur. "

Ses mains avaient doucement caressé les miennes, mais toujours aucun mot de sa part.

" Si demain tu me dis que tu m'en veux pour des choses que tu ne m'a jamais dis. Si demain tu me dis que tu ne veux plus de moi. Si demain tu venais à me dire que je suis trop cruel pour toi. Je ne saurais pas quoi dire. Pas quoi faire. Je ne saurais pas concilier ma douleur avec l'amour qui me pousse à ne vouloir que ton bien. Et je pense qu'on conséquence je ne ferais que rendre les choses pires. Et... "

Je parlais beaucoup, et toujours aucun signe de sa part.

" Et ça me fait peur car. Si un soucis arrive avec toi. Si soudainement que je ne peux pas le voir avant qu'il arrive. C'est que ça peut arriver avec n'importe qui d'autre. Je ne sais pas comment je suis censé arrêter de me torturer l'esprit en sachant quelles conséquences m'attendent si je ne suis pas parfait. Et peut être que j'attend tout ça. Car au fond de moi, une partie plus lucide, plus intelligente, plus honnête. Elle le sait. "

" Elle le sait que je ne te mérite pas. "

Ce fut les derniers mots qui sortirent de ma bouche. le silence qui vint après n'était ponctuer que par le doux son des vagues.

Mon cœur était léger. Etais ce parce que j'avais dis ce que j'avais sur le cœur ? Non. C'était bien plus stupide. C'était le simple fait que même après tout cela. Il n'avait pas arrêté de me tenir les mains. Ces mains qui devenaient doucement plus chaudes grâce à moi.

Parfois il y'a des choses dont la solution ne se retrouve pas à travers des mots. Mon cœur se sentait si léger. Mon orgueil était heureux l'eau salée de l'océan était déjà en train d'emporter les traces des petites larmes qui coulaient sur mes joues.

Après quelques secondes, il avait légèrement bouger pour que je puisse mieux tenir ses mains. Ce simple geste avait menacé de refaire couler mes larmes. Ca me faisait étrange. En cet instant, je n'avais aucun besoin de plus de mots. D'affirmations positives. De solutions. D'opinions. Rien.

Juste de lui.

Juste de cette tranquillité.

De ce tout petit instant de pause. Où je n'avais pas à essayer de mériter le bonheur. Où on m'offrait par pure gentillesse, cette chance d'être heureux d'exister. En toute simplicité.

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