L’arborescence
- C’est d’ma faute, je ne l’ai pas pris au sérieux, quand il est venu me voir la première fois, j’ai pensé qu’il me faisait encore une de ses blagues de collégien, j’étais loin d’imaginer qu’il parlait sérieusement.
- Vous en faites un drôle de psychiatre vous !
- Mettez-vous à ma place, je le connais depuis qu’il est haut comme trois pommes et cela n’aurait pas été sa première blague, j’ai joué le jeu et l’ai envoyé chez le kiné.
- Et lui non plus n’a rien vu ?
Le kiné hausse les épaules et ouvre ses mains les paumes vers le haut en guise d’assentiment.
- Non ! Répond le docteur, Il le trouvait un peu raide, mais ne s’est pas inquiété, c’est lorsque je me suis décidé à aller le voir, parce que nous n’avions plus de nouvelle, que nous l’avons découvert dans le jardin, au début on voyait encore son visage mais il ne pouvait plus parler.
- Avez-vous fait des photos ?
- Non ! Nous étions tellement ébahis que nous n’y avons même pas pensé.
- C’est bien dommage, cela aurait fait un sacré article pour le journal du pays, il faut en parler au maire, si ça se trouve il pourrait avoir des subventions, aménager le site pour en faire un attrait touristique, avec une histoire pareille, nous allons faire venir des gens du monde entier et on appellerait le site « Robert Endogène » qu’en pensez-vous ?
- Je trouve que vous prenez la situation à la légère, dit le Kiné ;
- Et vous, l’avez-vous pris au sérieux ? Il ne me semble pas…
- En effet ! En effet ! Mais il n’était pas dans cet état, comment aurais-je pu deviner ?
- Du calme ! Dit le docteur, ce n’est pas le moment de se chicaner, il faut trouver une solution.
- Quelle solution ? On n’a jamais vu ça, dit le Kiné en montrant Robert.
- C’est un fait, qui va nous croire, après tout c’est juste un saule pleureur, qu’est-ce qui prouve qu’il y avait un homme là-dessous ? Dit le docteur.
- Rien ! En effet, dit l’arboriculteur, J’ai une idée, je pourrais faire une entaille pour analyser la sève comme pour les érables.
- Bonne idée, dit le docteur, comment on fait ?
- Hey minute ! dit le Kiné, vous oubliez que c’est Robert ! vous ne trouvez pas que vous y allez un peu fort ? faire une entaille et pourquoi pas le découper à la tronçonneuse pendant que vous y êtes ?
- Vous en avez de bonnes vous et comment voulez-vous l’analyser ? rétorqua le docteur.
- Je ne sais pas, c’est un fait…
- Dans ce cas il n’y a plus qu’à laisser faire la nature, dit Maître Saulnier, dommage cela aurait fait une bonne histoire, mais au fait qui va en faire l’entretien ?
- C’est aussi la raison de votre présence, dit le kiné ;
- A ça mais ! il n’en est pas question, dit l’arboriculteur en montant sur ses grands chevaux;
- On ne peut pas le laisser ainsi ?
- Et pourquoi pas ? Après tout c’est de votre faute…
- Mais, il va pousser et grandir n’importe comment ? implora le Kiné.
- C’est vrai, de plus si les branches sont trop lourdes, le système racinaire pourrait ne plus le supporter et l’arbre pourrait s’ouvrir en deux;
- Ouch ! j’en ai froid dans le dos rien que de l’imaginer, maître Saulnier, je vous en conjure, vous devez faire quelque chose, en mémoire de Robert…
- Ok ! Ok ! je vais voir ce que je peux faire, mais ce que vous me demandez est délicat, après tout c’est encore Robert, ne devrions-nous pas demander son avis au Maire ?
Sur ces bonnes paroles, les trois compères décidèrent de prendre rendez-vous avec le Maire de la commune et quittèrent le jardin.
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