Chapitre 15 : Samy "Aux flots bleus."

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Je salue une dernière fois Tom et Lucas, et les remercie du fond du cœur de leur gentillesse. Je leur offre le dessin avant de disparaître au coin de la rue. La nouvelle piste que j’emprunte serpente le long de l'étang, jeune rêveur j’avale des bouffées d'air iodé. Cette nouvelle parenthèse dans mon voyage me procure de douces sensations. À chaque croisement, je m'interroge encore sur ma capacité à laisser derrière moi des êtres chers. Dans mon sac s'entassent des souvenirs que je récolte au fil de mes rencontres. J’apprécie encore l'histoire de ces deux amoureux du bord du lac. Je passe une dernière fois devant la boîte à livres, et ne peux résister à l'envie d'emprunter le bouquin qui m’a tapé dans l'œil hier. Je pourrai le déposer un peu plus loin sur ma route. Mon choix, je l'ai fait la veille, cette œuvre a tout pour me plaire.

Avant de repartir, je consulte ma carte. Deux options : poursuivre mon expédition en longeant l'océan sur la piste Vélodyssée ou simplement rester dans les terres. La chaleur à cette heure matinale est écrasante. Les rayons chauffent ma peau, même si elle est bronzée, les brûlures ne seront pas les bienvenues. À côté de ça, la circulation m’oppresse et me pousse dans le fossé. Rien n'est évident sur ce bord de route. Si au moins on prenait ma vie en considération. Les automobilistes me frôlent sans la moindre hésitation. Je songe alors qu'un papillon aurait une plus grande espérance de vie que moi. D’habitude si calme, je sens l'agacement s'immiscer en moi. Plus le temps passe, plus cela devient une évidence. Au prochain village, je m’arrête pour boire un coup en terrasse. Puis, je rejoindrai à nouveau la piste cyclable. Je pourrai ainsi profiter de la quiétude de ce sentier balisé où se croisent tant d'histoires de vie si différentes et précieuses. Même si pour cela, je partagerai ma route avec un compagnon aux rayons brûlants.

Arrivé à l'entrée de Biscarrosse plage, un bâtiment en bois attire mon regard. Je pose mon vélo le long de la balustrade du petit café "aux flots bleus". Je m’assois en terrasse et découvre un panorama à couper le souffle. J’aime cette nature à ciel ouvert, l'océan est une toile de fond où je peux venir déposer un peu de mon histoire. Une fois de plus, je prends mon carnet et mon crayon, et esquisse la mer d'huile en ce début d'après-midi. Les traits sont légers, l'écume se dépose sur le rivage et elle fait entrevoir une créature qui s'extirpe de l'eau et souffle dans les airs un voile de fumée. Petit à petit, un dragon prend vie. Tellement absorbé par mon dessin, je n'entends pas la voix qui me demande ce que désire commander. Levant les yeux, je découvre un jeune homme d'une vingtaine d'années qui ne me quitte pas du regard. Je réalise que le serveur attend que je passe commande. Je m'empresse de poser mes affaires sur la table, prend la carte que le beau brun me tend.

  • Je te laisse cinq minutes, je repasserai, dit-il avec une voix douce.
  • Non c'est bon je sais ce que je veux.
  • Eh bien, je t'écoute.
  • Une dame blanche et un diabolo citron.
  • Je vois que monsieur est gourmand.
  • Oh surtout je ne prends pas de risques, c'est ma glace préférée.
  • Parfait je m'en occupe. Au fait, j'ai vu ton dessin, c'est magnifique.
  • Juste une esquisse, rien de plus.
  • Ouais, tu assures quand même.
  • Merci, c'est cool.
  • Tu es de passage ? J'ai vu ton vélo.
  • Je pars à l'aventure. Paris est mon objectif.
  • Chouette destination.

Sur ces mots, le serveur s'éclipse en direction de la salle me laissant à mes rêveries. Enfin pas tout à fait, parce que je ne peux pas quitter des yeux celui qui vient de prendre ma commande. Sous son tablier au logo du café, il porte un short en jean, qui dévoile des cuisses musclées et un polo noir qui affine sa silhouette. J’apprécie son style décontracté. La terrasse à cette heure est peu remplie. À ma droite, un couple charmant de retraités. En les observant, un sourire s'étale sur mon visage. Je songe tout à coup à mes parents qui auraient pu se comporter de la même manière. Lui en grande discussion et elle acquiesçant avec tendresse. À ma gauche, une jeune femme avec un joli chapeau de paille, des lunettes de soleil rondes. Son portable est posé à côté d'un thé au citron. Elle a le nez dans un livre, de temps à autre les traits de son visage se durcissent, l'inquiétude s'imprime sur ses lèvres. J’essaye de voir la couverture pour avoir une idée du contenu pourtant ce que je découvre ce sont des mains fines avec des ongles soigneusement vernis.

À ce moment-là, le serveur apparaît, arrivant sans crier gare. Il me fait sursauter, j’en laisse échapper mon crayon qui roule au milieu de la terrasse. Me baissant pour le récupérer, je me tape la tête au rebord de la table. Quand je me redresse, je découvre le grand gaillard avec son plateau qui pose la coupe de glace et la boisson. J’ai quasiment mon nez sur les boutons de son short. Mes joues s'empourprent, un peu sonné, mes idées se mêlent et s'entremêlent. Le jeune homme me tend alors la main pour m'aider à me relever. Sa poigne est rassurante, ses mains légèrement moites. Mes doigts glissent, essayent de s'échapper, le serveur me rattrape avant que je finisse à nouveau les fesses par terre. Je ne peux contenir mon fou rire, celui-ci s'avère contagieux provoquant ceux des quelques clients qui m'entourent. Plutôt que de me sentir mal à l'aise par rapport à la scène, j’en surjoue pour retrouver un peu d'assurance.

  • Pardon, je suis tellement maladroit.
  • T'inquiète, c'est plutôt mignon.

Cette phrase n'arrange rien, je sens des frissons dévaler le long de mes bras. Je saisis mon porte-monnaie pour régler la note, et au moment de donner l'appoint, le serveur pose une main sur la mienne et me dit :

  • La boisson, c'est pour moi.
  • Pas de raison.
  • Un peu, je t'ai fait peur, tu as manqué de finir KO, je te dois bien ça.
  • Bon OK ça me va.

Et voilà qu'il s'assoit en face et ajoute :

  • Tu es pressé ?
  • Pas plus que ça. Je vis au fil des jours.
  • Parfait, ça te dit de te joindre à moi. Je finis mon service dans une heure et je rejoins des potes à la plage.
  • Pourquoi pas ! réponds-je sans réfléchir.
  • Super, si tu veux tu peux squatter la table jusqu'à ce que je termine. Le patron c'est mon vieux. J'ai vu avec lui, tu pourras laisser ton vélo derrière dans la petite cour. Ah, je m'appelle Pierre-Olivier mais pour mes potes c'est PO.

Le garçon de café repart avec un sourire aux lèvres qui me laisse songeur. Je replonge dans mon dessin. De chaque côté du dragon, trois silhouettes sont apparues : un chevalier, une magicienne et une petite fille. J’attrape mon téléphone et envoie un message à Sarah " coucou petite sœur, je t'aime et pense si fort à toi. Un bisou". La réponse ne tarde pas " Samy, ton dragon est tellement beau, il a tes yeux, je l'adore. Tu me manques tant et je suis trop fière de toi".

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