Chapitre 19 : Samy "Libre"
Depuis plus d'une heure nous nous prélassons dans l'océan, alternant plongeons et longueurs dans l'eau translucide. Les vagues me portent et m’enveloppent de douceur. Si je pouvais aussi me mettre à nu, de la même façon que j’ai jeté mon maillot avant de plonger dans l'inconnu, je me sentirai si léger. Cette parenthèse en cet après-midi est bien plus que je n'en aurais espéré. Mon dos se détend, posé sur un matelas en perpétuel mouvement. Mes pensées voyagent des profondeurs de l’océan au firmament. Les nuages me renvoient sur les terres où j'ai vu le jour. Aucune nostalgie, non, des souvenirs tendres de partage avec des êtres chers. Je rêve et imagine l'esquisse du dragon dessinée sur ma planche en fin de matinée. Dans le ciel, il prend forme et se déforme.
À ce moment-là, PO propose de revenir sur la terre ferme afin de poursuivre la soirée. Chacun valide avec enthousiasme. Leur accord est accompagné de hourras, je souris. Les nageurs regagnent le pont pour se sécher. Nous lézardons au soleil, avant de reprendre notre voyage. Par réflexe, je saisis ma serviette et la noue autour de ma taille sous le regard déçu de PO. Le bateau démarre après plusieurs tentatives, la dernière provoque un sursaut. Déséquilibré, je tangue à mon tour. PO me rattrape au passage et je me retrouve à nouveau dans ses bras.
- Je vais finir par penser que ta maladresse est volontaire, me dit-il avec malice.
À ces paroles, mes joues s'empourprent, révélant au grand jour mon embarras. Comment me sortir de là ? Ma serviette ne m’aide pas, elle se détache et tombe inexorablement à mes chevilles. La scène devient inconfortable, mon sexe prend de l'ampleur, je ne peux plus le dissimuler. Mes mains viennent cacher mon désir. Heureusement, les autres garçons sont trop occupés à fixer l'horizon pour percevoir ma gène.
- Dis donc, je me trompe où je te fais de l'effet, me glisse PO à l'oreille tout en déposant une main sur mes fesses.
Je ne sais plus où me mettre, l'embarcation est une coque de noix perdue dans l'océan. Elle ne m’offre aucune issue de secours, si ce n'est celle de replonger à l'eau. Si la caresse de PO se fait plus insistante, je ne pourrai plus contenir mon érection. Dans ma tête, tout se bouscule. Comment Po a-t-il remarqué mes préférences ? Rien sur moi n’annonce la couleur, si ce n'est le papillon arc-en-ciel dessiné à la demande d'Eliott. Il faut faire preuve d'une grande imagination pour faire le rapprochement. Peut-être que le serveur a aperçu mon bracelet aux multiples couleurs. Sarah me l’a confectionné et offert le jour de mon départ. Elle m’a dit qu'il serait mon porte-bonheur et un jour je pourrais à mon tour l'offrir. Il est accroché à mon sac à dos. Un indice qui pourrait ne pas en être un. Tout semble de plus en plus clair, le beau gosse prend les choses en main. Un doute m'envahit : ne serait-il pas en train de se foutre de moi ?
Je m'empresse de récupérer la serviette que me tend PO. En très mauvais comédien, il feint de détourner le regard. Et si j’étais tombé dans un piège ? Quand je reprends mes esprits, je constate que le pilote et son copilote se roulent une pelle. À bien réfléchir, une partie de jambes en l'air à plusieurs ne me branche pas du tout.
La suite du voyage fait retomber la pression, PO m’accorde un peu d'espace en rompant le contact. J’en profite pour observer la nature qui s'étale devant mes yeux. Des bancs de poissons accompagnent la course du bateau à moteur. Nous nous éloignons progressivement du continent. De quelle terre parlait-il tout à l'heure ? À l'horizon, une portion de sable se dévoile. Une île ? Un frisson me parcourt. Pourquoi m'être embarqué dans une telle expédition ? Il est trop tard pour revenir à la case départ. Même si je suis en grande forme, crawler sur une aussi grande distance s'avère encore plus hasardeux.
- Détends-toi Samy, mes potes et moi ne sommes ni cannibales, ni obsédés . Juste une bande de copains qui s'isolent de la frénésie d'un monde bourré de préjugés.
Ses mots posés de la sorte, m'apaisent. Après tout, je suis parti pour découvrir le monde, pour faire des rencontres et être surpris. Ne voulant pas rester nu sur la plage, carte postale idyllique, j’enfile mon maillot. Mes compagnons du jour, eux, restent tels. Libres, ils abandonnent le textile qui entrave leur corps comme ils me l’ont dit et acceptent tout autant mon choix.
- Tu vois, ici nous pouvons être nous-même, des hommes aimant des hommes et fiers de leur conviction. Nous nous sentons les maîtres du monde et ça fait un bien fou. Et toi qu'attends-tu de la vie Samy ? me demande Pierre.
Cette question, je me la pose bien trop souvent et là sur cette plage la seule réponse qui me vient spontanément :
- L'Amour.
Annotations
Versions