Chapitre 33 : Samy "Une journée de rêve."
– Samy, ça te dit de nous suivre, on sera tes guides pour cet après-midi, me propose Hugo.
Je le suspecte de vouloir me garder encore un peu auprès d’eux.
– Les enfants, interpelle Loïc. Il est peut-être temps pour notre aventurier de poursuivre sa route.
– Mais s’il veut rester plus longtemps, il peut. Hein papa ! supplie à son tour Alex.
– Bien sûr en aucun cas je ne veux précipiter son départ, ajoute le père de peur de m'avoir froisser.
– J’aurais bien envie de découvrir les mystères et l’histoire de l'île si cela ne vous dérange pas, précisé-je aussitôt.
– Allez papa, dit oui, quémande à son tour Héloïse.
– Nous trouverons bien une petite place pour notre invité, ajoute Mamie Lucette.
Le repas se termine par de tendres échanges, le thème principal : nos vacances préférées. Les plus jeunes annoncent d'une même voix qu'ils adorent venir chez Mamie Lulu comme ils se plaisent à la surnommer. Loïc et Héloïse, les parents parlent de leur voyage au Canada pour leur dix ans de mariage et les merveilleux paysages sauvages qu’ils ont découverts au cours de leur road trip. Quand vient mon tour, les convives attendent avec impatience mon anecdote. Je me contente de sourire et de leur dire :
– Avec mes parents, nous adorions nous lever au petit matin. Maman remplissait nos sacs à dos de friandises et de chocolat chaud. Nous grimpions le petit chemin qui prend naissance au bout de notre jardin. Après une heure de marche dans la nuit sur un sentier serpentant sur la montagne, nous avions le bonheur d’arriver au bord d’un lac pour le lever du soleil. Papa et maman connaissaient les lieux comme leur poche, ils voulaient nous apprendre à apprécier les beautés qui nous entouraient et je leur en serai à jamais reconnaissant.
***
Après une dernière cuillère de mousse au chocolat, nous nous équipons pour partir à la découverte de l’île. Manon dans les bras de sa mamie s’est endormie. Les parents en profitent à leur tour pour s’éclipser et s’offrir un moment de liberté en amoureux.
Dans la chaleur de l’après-midi, les enfants m'emmènent sur le chemin de la Côte Sauvage qui longe l’océan. Ici la nature règne en maître, tout semble préservé de la perversion humaine. La végétation luxuriante donne du caractère aux plages.
– Première étape, le phare de Chassiron, me propose Alysée, tu verras la vue est magnifique. Il a été construit dans les années 1830.
– Décidément tu es incollable, tu dois impressionner tes profs.
– Ouais si seulement, dit-elle avec un air tristounet.
– Pourquoi ? Tu sais tellement de choses en histoire et géographie, ça se voit que tu aimes ça.
– Le truc c’est qu’une fois qu’on m’interroge, je perds tous mes moyens. Ça t’est déjà arrivé à toi ?
– Oui et plus d’une fois, ajouté-je pour la rassurer. La timidité est souvent mal comprise. Ce qui n’est pas juste parce que s’ils savaient comme elle nous pénalise autant qu’elle les agace.
– Oh merci de si bien me comprendre. Papa me dit que cela passera en grandissant et que c’est aussi une histoire de confiance en soi.
– Peut-être, je pense surtout que c’est plus compliqué que ça. C’est une partie de nous, une carapace que l’on se forge pour se protéger du monde.
– Comme je suis heureuse que tu te sois arrêté par chez nous et que tu restes un peu plus longtemps. Encore merci.
– Eh Samy regarde, droit devant, nous arrivons au début de notre expédition, crie Axel qui était parti avec Hugo en éclaireur. Alysée a oublié de te dire ce qui t’attend : nous devons gravir deux cent vingt-quatre marches pour profiter de la vue. Tu te rends compte qu'on sera à quarante-six mètres de haut, j’espère que tu n’as pas le vertige. Allez, on fait la course, les premiers arrivés en haut.
Axel suit Hugo qui grimpe les marches quatre à quatre.
– Jamais fatigués ces deux-là, ils sont impressionnants, dis-je à Alysée, restée sagement à mes côtés.
– Oui, tu sais, Axel, joue au foot. Dans son équipe, ils l’ont élu capitaine. Tout est simple pour lui, un sourire, un mot et tout le monde l’adore. Moi aussi j’aime beaucoup mon petit frère, même si je l’envie de pouvoir être toujours à l’aise. Il est comme papa.
– Tu sais Alysée, chacun est différent et c’est ça qui est génial. Découvrir le meilleur de l’autre et accepter ses failles. Maman me dit toujours que ce n’est pas ce qu’on montre qui est important c’est ce que notre cœur transmet le plus chouette des trésors.
– Oh, elle s’entendrait bien avec la mienne. Allez viens voir ce qui se cache tout là-haut. Tu vas en prendre plein les yeux.
Suivi de près par Alysée, nous arrivons sur la terrasse qui offre une vue à trois cent soixante degrés. Le spectacle proposé est époustouflant. La journée est idéale, le ciel bleu azur permet de voir l’ensemble de l’île, au loin les goélands apportent un vent de liberté sur l’océan.
– Regarde là-bas, c’est le père Fouras avec Félindra tête de tigre, s’amuse à déclamer Axel.
– J’adore, c’est chouette de pouvoir balayer tout ça d’un seul regard. Vous avez eu raison de m’emmener ici. Franchement c’est une sacrée découverte.
Je prends en photo le magnifique jardin qui se dessine en bas de l’édifice. D’en haut, je découvre le charme du lieu, que j'avais à peine perçu du sol. Une bien charmante rose des vents s’esquisse au pied du phare qui a la tête dans les nuages. Je note tous les détails : quatre bassins, des graminées représentent une vague verdoyante et des taches de rose apportent une touche romantique. Mes battements de cœur se font plus intenses, mes doigts me démangent, mon imagination n’a qu’une envie, déborder. Alysée m’observe avec attention, elle a le même regard bienveillant que celui qu’elle accorde à ses frères et que j'ai vu dès le premier jour de notre rencontre sur le port.
– Si tu veux dessiner, n’hésite pas, on a tout notre temps, me propose l’adolescente. Je suis curieuse de voir ce que ce lieu peut t’inspirer.
– Alors, descendons. Je pourrai le faire sur un des bancs qui me tend les bras au cœur des plans d’eau.
Une fois installé, j'attrape mon cahier à dessin et Alyzée un livre. Hugo et Axel décident de visiter le musée. Après un petit quart d'heure, ils remontrent le bout de leur nez et disent en cœur :
– On est repartis. Si tu veux voir le Château, nous devons reprendre la route.
Une fois sur le parking, nous posons nos vélos sur les emplacements réservés à cet effet et partons à la découverte de la ville. Chacun s’émerveille des lieux qui se dévoilent à chacun de nos pas. De la Lanterne des Morts, la plus haute de France, qui trône au milieu de l’ancien cimetière médiéval à son église du XVIIe siècle renaissant sur les ruines du bâtiment roman détruites lors des guerres de religion. Nous nous arrêtons devant la maison de l’écrivain et officier de marine Pierre Loti et terminons par le Château d’Oléron, Richelieu au XVIIe siècle voulait protéger l’île.
– Tu sais qu’elle a été agrandie et fortifiée par Vauban, m'annonce Alysée. Puis bombardée en 1945. Aujourd’hui, les artistes et artisans redonnent vie aux anciennes cabanes ostréicoles.
– Qu'est-ce que tu voudras faire quand tu seras adulte ? lui demandé-je.
– Je voudrais être archéologue ou conservatrice dans un musée.
– Voilà un beau rêve à réaliser, je te le souhaite. Tu m’as permis de voir l’île au travers de tes yeux et je t’en remercie.
– Alysée, papa et maman nous ont rejoints. Ils proposent qu’on termine la soirée ici. Il y a un concert sur la place, dit Axel tout essoufflé.
La soirée est à la hauteur de ses trois jours passés dans cette famille qui est si proche de ce que je vis auprès de la mienne. Le moment de partir se rapproche et une fois de plus rien ne sera facile. J' ai appris à les connaître et j'ai partagé des moments privilégiés avec chacun d’eux. Je dois reprendre ma route dès demain, je ne peux pas rester plus longtemps. Tout ce que je viens de vivre, me conforte dans mon choix de poursuivre mon voyage. Jusque là chaque rencontre a apporté son lot d’émotions. Ce soir en regardant les étoiles dans le ciel, mes pensées s’envolent du côté des Pyrénées, mes parents me manquent et ma sœur tout autant.
Demain, une nouvelle aventure, des rencontres inédites, des histoires originales et qui sait ce que je trouverai sur mon chemin, c’est ainsi que je veux vivre ma vie : en rêvant.
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