Chapitre 37.3 : Samy "La Pointe de la Fumée."
J'arrive devant l’office de tourisme espérant retrouver Vince avec sa mère. La porte est close. La pancarte accrochée précise qu’exceptionnellement le bureau sera fermé jusqu’à dix heures. Pour toute urgence, il est conseillé de se rendre en mairie. Après avoir jeté un coup d’œil rapide au travers la vitre, je me rends dans le bâtiment administratif de l’autre côté de la rue. Je m’approche de l’accueil. La dame, au secrétariat, me reçoit avec un sourire avenant faisant retomber mon inquiétude. Après quelques échanges de politesse, je décide d'aller droit au but. J'explique que je suis arrivé hier. Je précise que j'ai rencontré Simone et suite à notre discussion, elle m'a offert l’hospitalité pour la nuit. Quand je parle de Vince sans préciser qu’il a disparu en coup de vent, la dame ne semble pas du tout surprise. Je demande alors s’il serait possible d’avoir un numéro pour joindre sa mère, aussitôt elle me le donne. Après l'avoir remercié, je m’empresse de ressortir pour passer mon coup de fil. Deux sonneries, une troisième avant de me casser les dents sur la messagerie. Je raccroche et recommence plusieurs fois, sans obtenir la moindre réponse. Je finis par laisser un message « Je n’ai pas vu Vince à l’agence comme il me l’avait proposé, je me rends sur le Fort en espérant que je le retrouverai sur place. Un oubli de sa part. Encore merci de ta gentillesse ».
Je sors le prospectus que vient de me donner la secrétaire et commence à lire les indications. Le Fort Enet se situe entre Fouras-les-Bains, Pointe de la Fumée et l’ile d’Aix et il est entouré d’eau à marée haute. Il a été construit sous le Premier Empire pour protéger l’estuaire et l’arsenal de Rochefort. En plus de son intérêt historique et architectural, il a une vue panoramique sur la Charente. Je réalise que les visites sont uniquement possibles avec un guide, et leur départ est donné du parking de la Pointe de la Fumée. Je consulte le plan et cherche l’accès le plus rapide en espérant que Vince sera bien au lieu de rendez-vous. Un petit astérisque, précise que les visites seront annulées si moins de dix de personnes se présentent à l’heure du départ. Je n'ai plus de temps à perdre, je ne voudrais pas que par ma faute d’autres se voient privés de la balade. En repassant devant l’office de tourisme une dernière fois, je vérifie l’heure des marées qui se trouve notée sur la façade et constate que je suis encore dans les temps.
Sur mon chemin, je croise un pêcheur qui m'indique de façon claire et concise le chemin à emprunter pour gagner au plus vite le parking. Il me précise qu’en marchant rapidement je pourrais être sur place dans une vingtaine de minutes. La zone est bien aménagée, il n’y a qu’à suivre l’allée qui borde l’océan. Le coin est vraiment sympa mais je n'ai pas le temps de flâner, pour l’heure me rendre au plus tôt au point de départ. L'avenue du Bois vert porte au mieux son nom, des chênes accompagnent mon pas, j'accélère. À cette heure encore matinale, perdu dans mes pensées, je manque de bousculer le vieux monsieur qui promène son chien paisiblement. Avant de reprendre ma course contre le temps, je prends deux secondes pour m'excuser. L’arrivée est proche, l'eau encadre la route de chaque côté. Une fois sur le parking, des voitures sont garées mais les occupants les ont désertées. Je scrute l’horizon, personne, quelques goélands se promènent sur le sable en quête de victuailles abandonnées par les plaisanciers. Est-ce trop tard ? Soit ils sont déjà partis parce qu’ils étaient assez nombreux, soit au contraire ils auront rebroussé chemin faute de visiteurs. Le cordon de terre libéré par l’océan est un appel pour les plus aventuriers. Je regarde mon portable pour qui sait, découvrir un message; aucune notification. Sur le sentier aucune âme erre, le lieu est pourtant somptueux à cette heure de la journée. Est-ce prudent de me lancer seul dans cette expédition ? Mes pensées voyagent, le Fort m’attire irrémédiablement. Un doute m'envahit, je m’inquiète pour cet écervelé quand une voix m’interpelle :
- Eh bien tu en auras mis du temps.
- Tu es là ? réponds-je, soulagé.
- Tu pensais quoi, que j’allais te faire faux bond. Tu ne t’inquiétais tout de même pas.
- T'es imbuvable, tu me prends la tête.
- Pas assez pour que tu abandonnes ton idée de visite.
- Je ne sais pas. Tu ne serais pas bipolaire ?
- Non, juste déboussolé.
- Cela fait une heure que je te cherche. J’ai essayé d’appeler ta mère mais je ne suis pas arrivée à la joindre, dis-je inquiet.
- Tu n’aurais pas dû, cela ne vaut pas la peine qu’on s’intéresse à moi.
- Tu es un sombre idiot. Tu fais tout pour que les gens te fuient.
- Et alors, c’est peut-être mieux comme ça. De toute façon, ils disparaissent un jour ou l'autre…
- Alors quoi ? Tu penses que c’est en raisonnant ainsi que tu vas avancer.
- Qui te dit que je veux aller plus loin ?
- Arrête de dire tout et n’importe quoi. Du coup. Tu as annulé la visite ?
- Non, même pas, il n’y avait personne d’autre que toi.
- Alors qu’est-ce qu’on fait ?
- Et bien suis moi, si tu es venu jusqu’ici, la passe d’un kilomètre six ne devrait pas t’effrayer.
Je ne sais plus comment agir devant sa façon de réagir. Et si Vince me laissait planté là-bas avec aucune possibilité de retour. Un frisson parcourt mon corps à l’idée qu’il m’abandonne au milieu de nulle part. Jusqu’à présent les rencontres que j'ai faites étaient des plus agréables. Aujourd’hui, j'avance en me demandant ce qu’il m’attend vraiment. Nous déambulons entre les parcs à huîtres, par magie dans quelques heures l’océan aura repris ses droits. L'idée de ne pas savoir comment venir en aide au jeune homme me terrifie. Il marche devant sans m'adresser à nouveau le moindre mot. Après une demi-heure, nous atteignons l’entrée du Fort et comme mot d’accueil Vince ne peut s’empêcher de me dire :
- Je te présente ma prison.
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