Chapitre 48 : Samy "Confettis."
Arrivé dans ma chambre, Je scrute mon portable et les derniers clichés. Mon doigt navigue entre la photo où j'ai découvert le papillon et celle de Maël avec son cousin. À chaque fois, je m'arrête sur le gars servant de siège. Le sourire calqué sur sa bouche me charme, je n'arrive pas à décrocher mes yeux de ses lèvres et passe mon index pour les effleurer. Je me sens tellement stupide de fantasmer ainsi, et d'un autre côté, une chaleur agréable m’envahit. C’est magique, j'aime cette impression de bien-être qui se diffuse dans tout mon corps avec délicatesse. L'inexplicable désir incontrôlé de vouloir l'embrasser et j'en frissonne.
Puis, je pose mon téléphone sur la table de chevet et m'écroule sur le lit. Perdu sur mon nuage, le bruit du papier froissé me fait me redresser d'un bond. Mes feuilles de dessins sont à même le drap sauf une : la dernière que j'ai faite est sur l'oreiller à côté d'un hoodie soigneusement plié. Je ne comprends pas comment ce vêtement a pu atterrir sur mon coussin. Les mots de Sarah viennent en écho à ceux de Sophia, les deux petites filles m'ont ouvert les yeux. L'une et l'autre ont transmis le même message : le papillon égale un indice. Dans ma tête, un yoyo joue. Il monte et descend. Chaque mouvement me surprend. Un flot de sensations se répand dans chaque parcelle de mon corps et s'enroule autour de mon cœur. Je repose le dessin sur l'oreiller, attrape le morceau de tissu et le serre contre mon torse. L'odeur du vêtement m'emporte dans une contrée sauvage où chaque pas offre de nouvelles perspectives. Chaque petit galet semé sur le chemin me guide vers un trésor, je suis impatient d'en trouver la clé, un gosse au matin de Noël. Je tiens le cadeau dans mes mains, le regarde sous toutes ses facettes, le caresse du bout des doigts. Petit à petit, je défais le ruban, écarte les pans de papier et m'émerveille en découvrant l'attention qu'on m'a adressée. Mes pensées voyagent et lentement m'emportent dans les bras de Morphée.
Des bruits dans le jardin me sortent d’un songe merveilleux. Je me lève, regarde par la fenêtre et m'amuse du tableau vivant, un Monet exposé à ciel ouvert. Alexandre et Sophie jouent avec deux enfants dans la piscine pendant que leurs parents sirotent une orangeade avec la maîtresse des lieux. Dans un coin à l'ombre, deux adolescents se défient dans une lutte acharnée de tennis de table. Le chat, maître des lieux lové sur les genoux d’une petite fille assise dans l'herbe, se fait câliner. Je pense alors à Sophia, un animal serait le cadeau idéal pour l'aider à se reconstruire. Pour finir, un jeune homme est allongé sur un transat, le nez dans un bouquin. Cette maison Joséphine est un îlot de bonheur où les vacanciers sont choyés et chouchoutés. Devant cette toile estivale, j'en profite pour répondre à ma mère et la rassurer « Coucou, voici le jardin où je suis venu me reposer. Tout va bien, le médecin m'a donné le feu vert pour poursuivre ma route. Ici, tout le monde est aux petits soins. Dis à papa que je vous ai trouvé votre prochain lieu de vacances. Sarah va l'adorer. Je te laisse, je vais rejoindre mes amis, nous devons préparer le pique-nique. J'ai assez lézardé. Bisous ».
Après une douche rapide, j'enfile mon bermuda couleur nuit et une chemise bleu ciel. Je range mes planches dans leur pochette et jette un dernier coup d'œil sur la dernière esquissée. Mes battements de cœur s'emballent, l'excitation me gagne. Pourquoi suis-je dans cet état ? Je ferme la porte de ma chambre et me précipite dans les escaliers. Emporté par mon élan, je saute les deux dernières marches à pieds joints quand je percute mon rêve.
La secousse est violente et me propulse en arrière. Dans un effort surhumain, je me rééquilibre pour ne pas finir une fois de plus les fesses par terre. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Tout est allé trop vite, la tornade vient de s'évanouir aussi vite qu'elle s'est déversée. Pourtant elle a laissé un parfum dans son sillage, le même que celui sur le hoodie qui a fini sa course sur le carrelage. Je le ramasse, le serre et active mon pas pour rattraper le typhon.
Le gars de la photo vient de se métamorphoser en un clin d'œil. Sortie de son cocon, la chrysalide prend vie. L'instantané devient réalité. Une apparition fracassante, une coïncidence surprenante. Mon unique objectif est de suivre le cyclone même s’il doit m’emporter. Je saisis la main de Victor et ne souhaite pas rompre le contact. Une décharge électrique parcourt mon avant-bras. Mon regard planté dans le sien. Des papillons s'agitent dans mon ventre. Veulent-ils s'envoler ? Oui mais pour où ?
Il pleut des confettis sur La Rochelle. Dans le regard de Victor, je perçois des étincelles. S'agit-il d'éclairs de colère ? Ou les pétards d’un feu d’artifice ?
- Victor, excuse-moi.
Victor, un peu abasourdi et surpris par ma main dans la sienne me répond du bout des lèvres :
- C'est pas grave. T'inquiète.
Au même moment, Maël arrive avec son plateau de boissons, suivi de Vince. Ils nous découvrent face à face, le regard rivé dans celui de l’autre, nos mains accrochées. Maël ne peut s'empêcher d'éclater de rire :
- Eh bien parfait. Voilà, vous vous êtes rencontrés.
Je sens le rouge monter à mes joues mais n'arrive pas à détacher ma main de celle de Victor.
Vince ne nous quitte pas des yeux. Il s’inquiète de la tournure que pourrait prendre les événements, ayant conscience qu'il ne s’agit pas d’une poignée de main pour se saluer. C’est quelque chose de plus intense. Dans la même situation, lui aurait envoyé le gars sur les roses. Mais de mon côté, il m'est impossible d’en venir à de telles extrémités.
Le mec, qui l'embrassait sur la joue sur la photo, s'approche à son tour. Victor semble perdu, déboussolé. Arthur m'observe décontenancé par la proximité que j'entretiens avec son ami, et réalise que nos doigts sont emmêlés. Victor est à deux doigts d'exploser en larmes ou de colère. Est-ce notre contact prolongé ? Ou est-ce le contraire ? Est-il accroché à moi comme à une bouée de secours qu’il ne souhaite pas lâcher. Qui tient réellement qui ? Un peu perdu par rapport à la scène qui se joue face à lui, Arthur demande à son ami :
- Victor, tout va bien ?
- Je ne sais pas, lui répond-il dans un filet de voix à peine perceptible.
- Suis-moi, dis-je en le tirant par la main. Fais-moi confiance.
- Samy, besoin d'aide ? me demande Vince, juste pour la forme.
- Non, juste besoin de temps.
- Tout le temps que tu veux, ajoute Maël.
- Vous partez à la plage à quelle heure ? demandé-je.
- Dans une heure.
- On peut vous rejoindre là-bas ? .
- Oui Samy aucun souci, mais vous irez comment ? s'inquiète Maël.
- En vélo, réponds-je avec un naturel déconcertant.
- Ah je comprends mieux. Tiens je t'envoie les coordonnées.
- Parfait. Allez Victor en selle, dis-je en lui tendant son hoodie.
Vince et Maël nous regardent, ne comprenant pas trop ce qui vient de se passer. Arthur scrute Victor attendant un éventuel SOS qu'il ne lui envoie pas. La main de Victor est toujours calée dans la mienne. Vince attrape son ami Maël par l'épaule et lui glisse à l'oreille :
- Tu penses ce que je pense.
Maël sourit en nous voyant disparaître dans le hangar à vélo.
- Oui, je crois qu'un papillon vient de trouver son dragon.
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