Chapitre 51 : Le départ

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Une semaine est passée depuis que j’ai demandé à Samy de rester un peu plus longtemps à la Rochelle. Mon Oncle et Maël ont été ravis de cette nouvelle, et ne sont pas fait prier pour lui offrir l’hospitalité. Arthur a poursuivi son séjour avec nous et mon grand-père a eu le même sourire radieux quand nous lui avons demandé si nous pouvions continuer de camper dans son jardin. Finalement, il nous a proposé d’occuper la chambre sous les combles. Nous n’avons pas pu refuser le confort d’un bon matelas. Je n’ai pas vu le temps passer, c’est la première fois depuis tant d’années. Tout a été magique, les journées ont défilé, toutes plus belles les unes que les autres. Par chance, Maël ne bossait que les matins, exceptionnellement son patron lui avait accordé cette faveur. Nous avons donné des coups de pouce sans rien attendre en retour, nous avons aidé à décharger les livraisons et à nettoyer le bar. Nous avons partagé des moments communs et c’est là pour nous l’essentiel. Nous avons appris à nous découvrir, à nous apprivoiser et bien plus à devenir des frères de sang et de cœur.

Nous sommes devenus un quatuor fantastique. Arthur, derrière ses faux airs de gars trop sérieux, se cache un mec formidable. Mon meilleur ami à compter de ce jour, je serai là pour lui comme il sera là pour moi à chaque fois. Il y a des coups de foudre amicaux qui ne s’expliquent pas. Maël, lui c’est mon frère, fini d’être l’enfant unique, seul face à l’adversité. Maintenant, nous serons deux pour affronter les obstacles. Et Samy, là c’est une tout autre histoire. J’ai trouvé mon prince charmant, ce que je ressens est insensé, il a bouleversé mes repères et mis un sacré bazar dans mes émotions. Mais pas de ces bordels qui pourraient me gonfler, non celui-ci me fait voir des arcs-en-ciel de partout.

Enfin là, j’ai un pincement au cœur, dans moins d’une heure, il va reprendre la route en direction de Paris. Je voudrais pouvoir trouver les mots pour le retenir, pour lui dire ce que je ressens et que je n’arrive pas à faire depuis deux jours. Comment oublier notre baiser échangé après la balade en bateau avec les potes ? Cela fut un de ces instants merveilleux, un de ceux qui resteront tatouer sur moi pendant des années pour ne pas dire pour toujours. Ces lèvres étaient si douces, nos bouches sont restées scellées. À l’horizon, le soleil plongeait dans l’océan et nous baignait d’une lumière irréelle. Je n’ai pas pu me détacher de son étreinte sensuelle. Samy ne me quittait pas des yeux, je fondais dans son regard. Puis, nous sommes rentrés chacun de notre côté. Nous n’avons pas fait comme si de rien n’était, juste nous avons fait preuve de pudeur. Si je m’étais écouté, je l’aurais pris par la main et entraîné sur la plage pour finir la soirée juste tous les deux. Pourtant, je me suis retenu, je ne voulais pas de ce coup d’un soir que l’on précipite et regrette. Je ne souhaite pas que notre histoire, si elle doit se poursuivre, se fasse à la va-vite. Même si je sens bien les papillons qui dansent au fond de mon être.

Nous avons beaucoup discuté cette semaine. Je connais tant de lui, il m’a révélé ses secrets, ses doutes et ses craintes. De mon côté, j’ai posé mes valises et ouvert tous les tiroirs de mes errances sans peur. Nous avons parlé pendant deux nuits entières. Samy était allongé sur le sable, je venais caler ma tête sur son torse et nous admirions le ciel dans la nuit. Il caressait mes cheveux, ce geste était si bienveillant. Nous avons eu la chance de voir des étoiles filantes. Du bout des lèvres nous avons laissé filer nos espoirs, nous les chuchotions pour ne pas les voir s’évanouir dans le noir. Samy est de ces gars qu’on ne peut pas oublier, il est la tendresse et la gentillesse incarnées. Dans sa bouche, les mots sont mélodieux et agréables. Sa voix ne s’emporte pas, elle garde une tonalité élégante avec des modulations de fréquences délicates. Quand je l’écoute me raconter des histoires, mon désir de le serrer dans les bras est décuplé. Quand je l’observe dessiner, je ne peux contenir mes larmes. Voir le papillon virevolter autour du dragon est un ballet gracieux. Ses coups de crayons sont voluptueux.

Hier soir, nous nous sommes dit « bonne nuit » sur le pas de la porte de la maison Joséphine. J’ai effacé du pouce la larme dévalant sur sa joue puis il est monté dans sa chambre. Cette bâtisse est un havre de paix où j’ai découvert les joies d’être apprécié et aimé. Ma grand-mère aurait été heureuse si elle avait accepté de revenir. Elle aurait constaté que l’amour ne s’effaçait pas même après tant d’années. J’en veux à ma mère de l’avoir privée de ce bonheur. Je ne sais pas si je la croiserai à nouveau et si je suis prêt à l’affronter sans déverser toute mon amertume. Samy m’a conseillé de lui pardonner, je ne pense pas que j’en sois capable. En attendant, je suis heureux de voir les yeux de mon grand-père briller à chaque fois que le nom de sa dulcinée est évoqué. Dans son regard, son étincelle de vie poursuit son chemin. Dans le mien, je ressens le même crépitement. Un feu intense me consume, mon être est au bord de l’éruption chaque fois que j’aperçois la silhouette de Samy. Mes yeux pétillent et tremblent à l’idée de voir son ombre s’évanouir en quelques minutes. Je voudrais le retenir, lui dire combien les jours vont devenir fades, il a pimenté ma vie et j’aimerai que nous poussions faire de nos nuits des feux d’artifice.

– Victor, c’est l’heure. Mes affaires sont prêtes, me dit Samy, planté à mes côtés.

– Ça fait longtemps que tu es là ?

– Assez pour savoir qu’il est temps que je reprenne ma route.

– Tu sais, j’ai vu avec Joseph, ça ne leur pose aucun problème si tu veux prolonger ton séjour.

– Je pense que j’ai bien assez abusé de leur hospitalité et …

– Et …

– Si je ne le fais pas maintenant, je ne suis pas sûr …

– Sûr …

– Ah voilà notre voyageur sur le départ, nous coupe Joseph. Voici ton pique-nique pour ta prochaine escale.

– Encore mille fois merci pour tout, cette semaine a été une bulle d’oxygène dans laquelle j’ai puisé tant d’air que je pense arriver à Paris en deux trois mouvements.

– Tu n’oublies pas, tu es le bienvenu à chaque fois que tu voudras faire escale à la Rochelle, propose Joseph avant de serrer Samy dans ses bras et disparaître.

– Tu disais Victor, avant que nous soyons interrompus.

– Rien, allez, file. Profite à cette heure, la circulation n’est pas dense. Sois prudent. N’oublie pas qu’il y a toujours des fous du volant et à Paris ceux sont des fous tout court.

– Nos conversations vont me manquer, je t’appelle dès que j’ai trouvé un coin sympa pour dormir.

– On fait comme ça et n’oublie pas où que tu sois j’ai demandé à la Lune de veiller sur toi.

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