Prologue : Dynamite.
“À la suite des derniers événements, je me suis posé une question. La réponse m’a d’abord paru évidente.
Le feu ! Me suis-je exclamé, tel un Homo erectus muni de silex aiguisés. Bien hâtif, je jugeai bon de prendre le temps d’y réfléchir à deux fois. Le plus étonnant fut de me rendre compte qu’une simple interpellation puisse se transformer en un cheminement existentiel.
Ainsi, je vous partage l’objet de ma réflexion : selon vous, quel est le point commun entre un artificier et un pyromane ?
Si pour vous cela ressemble au début d’une blague douteuse dont la chute rimerait avec obscène, je m’en dédouane.
“Le feu”... fut le premier mot à me traverser l'esprit, comme une évidence. Mais avant de revêtir ma peau de bête, je tenais à mettre un point d’honneur sur leurs différences.
Quoi de plus beau qu’un feu d’artifice ? Pour la nouvelle année, un anniversaire, un show, une soirée romantique ? Les fusées, petites et grandes, qui s’envolent, et même le sifflement qui se fend dans l’air, apportent joie et sourires.
L’artificier se couvre, se protège, prend des risques pour offrir mille et une couleurs, la plupart du temps, à des inconnus. Il est porteur de bonnes nouvelles, représente la fête, la musique, les chants, les farandoles et les boissons enivrantes. C’est un symbole qui se noircit les mains pour faire fleurir le ciel au-dessus de vos toits, propice aux rires, aux larmes et aux déclarations. Il n’a pour but que de divertir, de redonner espoir et d’honorer de belles batailles, tout en rendant vie à la solidarité. C’est un lieu de rassemblement, sur les ponts ou depuis votre fenêtre, qui promet à la fois émotions et grandiose. Un moment pour rêver et se déconnecter du monde le temps de quelques détonations. Car l’artificier, débutant ou professionnel, ne souhaitera qu’illuminer vos yeux, alors que le pyromane décidera d’enflammer vos baraques.
Incendiaire, il ne résistera pas à la tentation de brûler avec passion tout ce qu’il se verra interdit de réduire en cendres. De vos champs à vos voitures, mais aussi de sa propre maison aux bibliothèques publiques, il pourrait même se laisser tenter par des êtres vivants ou encore… par soi-même, à s’en brûler les ailes. Il se fascine pour les mouvements endiablés des flammes qui dansent et qui réchauffent tout ce qu’elles touchent. Trouve de la beauté dans l’impulsion de gratter une allumette, un si petit objet capable de tant de grandeur et d’élégance. La destruction le rend confortable, lui offre un siège tout particulier où extérioriser tous ses maux. Douleurs et sombres pensées s’évaporent en même temps que la combustion, tant de l’âme que des morceaux de plafonds. Il trouvera refuge dans cet acte profondément personnel et empli de solitude, en admirant le pourpre de ses propres embrasements.
Alors qu’ils partagent la même passion pour les explosions, il va sans dire que le pyromane et l’artificier ne se ressemblent que très peu. Si l’un se complaît intimement dans le ravage, l’autre brille par le partage. Deux extrêmes régis par la folie, exprimant la parfaite dualité qui domine notre société, entre égoïsme et altruisme.
En situation critique, le port d’un de ces masques deviendra pratiquement à tous les coups, obligatoire. C’est l’instinct de survie qui refait surface avec soit l’idée d’écraser les autres ou celle de s’unir à eux.
Je vous invite donc à réfléchir, à vous poser, où que vous soyez, en lisant cet article, et à prendre le temps de penser aux gens qui vous entourent. Lequel de ces tableaux les dépeint le mieux ? Le pyromane qui réalise ses plus dangereuses obsessions ou l’artificier qui partage cette même animosité des feux à autrui ?
Qu’importe le profil, j’en suis personnellement venu à une conclusion qui mérite d’être expérimentée.
Donnez de l’amour ou l’occasion de s’épanouir à l’une de ces deux personnes et vous verrez. La mettre à mal, l’inciter à la haine, permettrait d’arriver au même résultat. Du trop-plein de joie, de l’excitation, au besoin de reconnaissance, jusqu’à l’envie de vengeance ou encore de tout simplement exister. Rendez-les heureux ou faites les souffrir, pour l’expérience.
Donnez-leur la moindre raison de devoir se battre ou d’avoir à se défendre. Provoquez la plus petite des étincelles, juste pour voir…
Sans exception, en brasiers silencieux, ils attendront la nuit noire pour répandre leurs poudres, avec la volonté de tout faire exploser.”
Publié le : 31.06.2013
Kyle Kuraga.
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