Chapitre 11 : Désenchantement.

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La preuve entre l’index et le majeur, Selim déposa sa main libre sur une de ses hanches, comme aurait très bien pu le faire une femme tombant sur l’arme du crime. Sans dire un mot, il s’avança vers son père, les narines remplies d’air, en brandissant le préservatif devant lui.

D’un visage très honteux, mais aussi très inquiet, ce dernier s’approcha également, mais plus doucement, aplatissant ses mains dans le vide comme pour le dissuader de lâcher la bombe qu’il avait entre les doigts. Il ne faisait pas le fier, son cœur palpitant à toute vitesse comme il ne l’avait plus fait depuis de nombreuses années.

  • Écoute… Je sais de quoi ça à l’air, mais…
  • Mais ? recula Selim, les pupilles tremblantes.
  • Écoute-moi, ce n’est pas vraiment ce que tu crois, d’accord ? Je comprends qu’en tombant là-dessus, tu puisses penser que…
  • Pas vraiment ? Si c’est pas ce que je pense alors pourquoi tu planques des préservatifs dans tes godasses ?!

Redoutant plus de cris, son père se précipita sur la porte pour la fermer. Encore un geste de plus qui donna envie de vomir à Selim. Énervé, il jeta la capote au sol, trépignant sur lui-même.

  • S’il te plaît, calme-toi… dit-il en attrapant ses deux épaules.
  • Lâche-moi ! Sérieux… me touche pas ! le repoussa-t-il en grimaçant.

Un silence tomba dans la pièce, père et fils se faisant face sans vraiment se regarder pour autant.

  • Discutons, d’accord ?
  • Vas-y, j’attends que ça. Explique-moi un peu comment tu trompes maman…
  • Je ne…

Quand il le vit serrer les poings au point que ses veines se dessinent le long de ses bras, il se rappela que son sang chaud ne venait pas de bien loin. Il valait mieux lui dire la vérité.

  • C’est vrai, avoua-t-il en le regardant cette fois dans les yeux.
  • Mais… pourquoi ? lâcha-t-il, sa voix se cassant.

Ceux de Selim se mouillaient, extrêmement choqué par la nouvelle. Le flot d’émotions qui grandissait dans sa poitrine, entre la colère, le dégoût, la trahison et la déception, le fit paniquer. Passant ses mains dans ses cheveux, il se laissa tomber sur le bord du lit. Son père y trouva l’occasion de s’expliquer, prenant place à ses côtés, mais son fils le repoussa une énième fois :

  • Dégage !
  • Oh, Selim ! Je comprends que tu puisses me détester là maintenant, mais parle-moi mieux que ça !
  • Je peux pas… marmonna-t-il en prenant du recul, les yeux larmoyants.
  • J’aimerais vraiment t’expliquer, mais si tu t’énerves, je… Ce sera plus compliqué, alors je t’en prie, laisse-moi parler.

Ravalant ses larmes, Selim le dévisagea, mais se montra ouvert à la discussion. Il était bien curieux de connaître ses raisons et surtout d’entendre ses sales excuses.

  • Il faut que tu comprennes… qu’à partir d’un certain âge…

Ça commençait très mal à ses yeux.

  • Et surtout après un certain nombre d’années de mariage, ce n’est pas rare que… Comment dire ? Que l’attraction entre deux personnes s’estompent ? Ta mère et moi, ça n’a pas toujours été facile. Nous sommes des Richess et nous n’avons pas forcément…
  • Ne mets pas ça sur le compte de notre statut… souffla-t-il, complètement désespéré.
  • C’est pourtant un facteur important. Ce que je veux dire, c’est qu’avec ta mère nous avons eu des hauts et des bas dans notre relation ou plutôt vis-à-vis de notre sexualité… expliqua-t-il en joignant ses mains. Actuellement… Je dirais plutôt depuis un ou deux ans, nous sommes… dans un creux ?
  • Et alors ? lâcha-t-il plein de jugement. C’est pas un truc dont tu es censé parler avec elle avant de la tromper ?

Il n’en revenait pas de devoir faire la leçon de morale à son père qui se tendait à chaque fois qu’il prononçait le mot tabou.

  • Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails parce que notre sexualité ne te regarde pas…
  • Je suis votre fils ! Bien sûr que ça me regarde !
  • Selim ! Penses-tu que je vais te raconter nos parties de jambes en l’air ou que je vais me confier à toi en te disant que je n’ai plus envie de coucher avec ta mère ?! Tu es trop jeune pour comprendre…
  • J’ai déjà couché !

Une nouvelle révélation venait de tomber. Selim ne prit même pas en compte la façon dont il le dévisagea, déconcerté.

  • Très bien, tu as déjà couché… Alors tu devrais savoir à quel point le sexe est une chose agréable ?
  • Je sais que… c’est quelque chose de précieux…

Encore une fois, son père le regarda de haut en bas. D’où tenait-il ces propos ? Pour un garçon de seize ans qui avait déjà eu des rapports, son discours ne tenait pas la route.

  • Tu es jeune… Quand tu en auras vingt ou trente ans, tu verras que tout sera différent et quand tu couches avec la même personne pendant des années, il n’y a rien à faire, à un moment donné, ça devient routinier, puis ça reprend son cours et c’est mieux. Sauf que maintenant, avec ta mère, ce n’est pas du tout le cas… J’ai fauté, je l’ai trompée, oui… parce qu’elle ne m’attire plus.

D’un coup, Selim bondit sur ses deux pieds et le regarda pour la première fois de haut.

  • Maman ? Elle ne t’attire plus ? Nan, ça, je peux pas le croire.
  • Écoute, je te dis que …
  • Ce sont des mensonges et des excuses ! Même moi, alors que c’est ma mère, je la trouve super canon ! Comment tu ne peux pas avoir envie d’elle ? Elle est magnifique !
  • Tu sais, il y a deux types de fils. Ceux qui trouvent leur mère superbe et ceux qui...
  • Elle est sexy ! Elle a une taille parfaite, des formes de rêve, et… et… bégaya-t-il, pris par la rage, et elle est séduisante ! Elle est sportive, musclée juste où il faut… C’est le parfait combo entre la femme cool et la femme fatale… Je ne comprends pas ! Vraiment pas comment tu peux la tromper !
  • Baisse le ton… chuchota-t-il en s’énervant. Tu veux qu’elle entende tout ça ?
  • Elle devrait !
  • Mais tu ne comprends pas parce que tu n’es pas à notre place, chéri, se leva-t-il à son tour en essayant d’attraper ses mains. Je suis un homme et j’ai des besoins. C’est plus simple de passer des coups d’un soir en voyage pour le moment, ça… Je revis ! Je me sens homme à nouveau ! Tu ne sais pas ce que ça fait d’avoir envie de coucher et de ne pas pouvoir parce qu’il n’y a plus de feeling avec ta femme…
  • Je ne sais peut-être pas, mais ce n’est pas propre… Elle mérite de savoir.
  • Je t’ai dit que ce n’était que des coups d’un soir, ça n’a rien de sérieux, se justifia-t-il en le retenant de sortir de la chambre.
  • Elle mérite de savoir, répéta-t-il d'un ton plus ferme. Pendant que toi, tu prends l’avion pour t’envoyer en l’air, maman, elle reste ici et dort... toute seule. Elle mériterait bien d’avoir un peu de compagnie, ajouta-t-il en le pointant du doigt.

En entendant crier après eux, Selim et son père se figèrent dans la pièce. Tandis que sa mère entamait le long parcours des escaliers, ils poursuivirent leur conversation à voix basse.

  • Je t’en prie… le supplia ce dernier.
  • Elle doit savoir.
  • Je te promets de lui dire, mais après le voyage…
  • Le temps que tu t’envoies des pétasses ? Comme si…
  • Selim, l’obligea-t-il en attrapant son poignet. Je n’ai pas le courage de lui dire maintenant… Quand je rentrerai… Je te promets que je lui en parlerai.

Il faisait vraiment pitié, la peur se lisant dans son regard. Le cœur de Selim se comprima dans son thorax. Encore plus quand sa mère rentra dans la pièce, un peu paniquée d’avoir entendu le ton s’échauffer. Katerina était toujours belle, sa longue chevelure noire détachée tombait sur un haut à épaules dénudées. Son pantalon venait sublimer sa taille et ses belles courbes. Les yeux se remplissant à nouveau de larmes, Selim se demanda comment il pouvait tromper cette femme-là ? Sa mère, si attentionnée, si parfaite.

En voyant leurs expressions, elle paniqua davantage :

  • Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous vous disputez ? Je vous ai déjà dit que si vous haussiez la voix, ce n’était pas sans moi.

Son mari n'avait rien d’un homme fier en cet instant. Malencontreusement, son regard tomba sur le préservatif par terre. Lorsque Katerina se dirigea vers celui-ci pour s’assurer de ce qu’elle venait de voir et pour le ramasser, il s’empressa de fermer sa valise. Les sachant en colère tout deux, elle ne tiqua pas sur la manière maladroite dont il le fit. Elle restait en fait sans voix devant l’emballage, regardant alors son mari puis son fils l'un après l'autre.

  • Vous… m’expliquez ?
  • C’est à moi, fit Selim en venant le prendre de ses mains, d’un visage honteux.
  • À toi ? Tu... ?
  • C’est… tombé de sa poche quand il est venu me dire bonjour et… la discussion à mal tourné, mentit son père.

Bouleversée par la tournure des événements, Katerina déposa une main sur sa poitrine en haussant les sourcils.

Empoignant sa valise, son mari déposa un léger baiser sur ses lèvres :

  • Il est temps que j’y aille…

Tous les trois un peu à l’ouest, ils descendirent tout de même ensemble les escaliers pour assister à son départ. Même en cas de dispute, ils s’étaient toujours promis de se dire au revoir, mais Selim avait vraiment du mal à le regarder partir, sachant ce qu’il ferait là-bas. Le baiser volant qu’il envoya à sa mère l’écœura. Quel trou du cul… Il ne se sentait même pas désolé de le penser.

Une fois la voiture en route, Katerina prit le temps d’observer son fils qui se hâtait de rentrer à l’intérieur.

  • Selim…
  • Quoi ?! se tourna-t-il violemment. Ah… Je...

Elle ne le regardait pas méchamment. Au contraire, elle avait l’air plutôt inquiète. Prudemment, elle s’avança vers lui pour prendre la température. Avant de parler, elle réfléchit bien à ses mots :

  • Pourquoi vous êtes vous disputés exactement ?
  • Il… Je me suis cramé… à cause de la capote, dit-il en montrant sa poche du doigt.
  • Et… il t’a réprimandé pour… ?
  • Parce que… j’en ai jamais parlé… Ce n’est pas responsable soi-disant, inventa-t-il sur le tas.
  • Je vois. Alors, hum… Je suis désolée que tu n’aies pas pu avoir une bonne conversation avec ton père à ce propos. Est-ce que tu as besoin d’en parler ? Avec moi, je veux dire ?

À nouveau, en l’entendant lui parler si gentiment alors qu’elle venait d’apprendre que son fils avait déjà eu des rapports, il la trouva beaucoup trop gentille. Il ne se doutait pas que c’était de Katerina qu’il tenait sa sensibilité, mais il se rendait bien compte de la femme incroyable qu’elle était, ayant toujours été très uni à sa mère. Déjà sur la première marche de l’escalier, il sentit ses lèvres trembler :

  • C’était… Une expérience comme ça… (sa voix aussi tremblait) … Rien de sérieux… J’espère que tu ne m’en veux pas ?
  • Non, je ne t’en veux pas, le rassura-t-elle en s’approchant de lui. En tout cas, pas que tu ne me l'ait pas dit, car je comprends… que ce genre de choses arrivent avant même qu’on puisse en discuter et je suis aussi contente que tu te protèges, si j'ai bien compris. Simplement, j’aimerais quand même… Tu me permets de rajouter quelque chose ? demanda-t-elle en venant attraper une de ses mèches noires qui gênaient ses beaux yeux déjà embrumés.
  • Oui… laissa-t-il échapper, d’une bouille triste.
  • Je pense que tu devrais prendre ça un peu plus au sérieux, ok ? Avoir des rapports, ce n’est pas à prendre à la légère…

Avant même qu’elle n’ait pu continuer la leçon de morale qu’elle s’apprêtait à lui donner entre quatre yeux, Selim se jeta dans ses bras. Avec ses hauts talons et lui depuis sa première marche, ils faisaient la même taille.

  • Maman… murmura-t-il en pleurs. Je t’aime… ajouta-t-il en la serrant fort.

Ce soudain élan d’amour l’étonna beaucoup, mais elle y répondit en l’étreignant le plus chaleureusement possible. Pendant qu’elle croyait faire une bonne action auprès de son merveilleux fils, ce dernier se mordait les lèvres à sang d’avoir à lui mentir.

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