Chapitre 20 : Distance et rapprochement.

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Sylvia Leli, Italienne jusqu’au bout des ongles, avait gagné rapidement sa place comme professeur au sein de Saint-Clair. Grâce à sa beauté, ses belles courbes et sa jolie personnalité, elle était devenue une mascotte autant pour les enseignants que les élèves. Ne sortant pas pour autant de son rôle, elle avait pu avoir de nombreuses discussions et débats avec ses étudiants. Pour une fois, elle se sentait réellement à sa place, libre d’agir selon ses convictions et de son libre-arbitre.

Pour les deux premières heures de la journée, elle attendait les quatrièmes “C” qui montèrent bruyamment jusqu’à la salle de classe. Nice et Selim furent les premiers dans le rang qui se forma instinctivement le long du couloir. De ses prunelles chaudes, elle observa le couple se taquiner de bon matin. Faye s’amusa à ajouter un peu de piquant en mettant une petite tape sur les fesses de sa copine. Ces quatre- là, avec Alex Stein, même s’il n’était pas trop du matin, ne cessaient jamais de s’enquiquiner les uns et les autres.

En les faisant rentrer, elle souriait de ses lèvres peintes d’un bordeaux en voyant leur mine réjouie d’avoir cours de citoyenneté. Un qui n’avait pas l’air franchement intéressé s’arrêta un temps :

  • Bonjour, Madame, lança Steve d'un ton un peu insistant avant de continuer sa route.

L’Asiatique était un élève difficile, mais intelligent. Bien qu’il eût rarement montré un grand intérêt pour son cours, il avait fait ses preuves lors des premières évaluations, en tapant les meilleurs scores.

La porte fermée, le cours pouvait commencer :

  • Aujourd’hui les loulous, nous allons attaquer les choses sérieuses avec le travail qui comptera le plus pour votre période, déclara-t-elle en restant debout, appuyant ses deux mains de part et d’autre de son bureau. Pas de panique, je vais tout vous expliquer, et donc, je propose que notre déléguée, fraîchement élue, distribue les copies de consignes. Nice, tu veux bien ? demanda-t-elle à la concernée qui rougissait depuis son bureau, non pas gênée, mais flattée.

Heureuse de pouvoir se rendre utile, la petite Challen se leva d’un coup pour s’atteler à sa tâche. La bonne nouvelle l’avait poussé à faire des folies. Elle resplendissait dans une petite jupe plissée qui se couvrait d’un long blazer bleu roi. Pour une fois, elle avait voulu fournir un effort vestimentaire. Nice était toujours bien habillée, mais elle avait parfois l’impression de ressembler à une gamine. Toute égayée, elle appréciait voir ses compagnons de classe lui sourire au fur et à mesure qu’elle distribuait les feuilles. Habituellement, elle craignait leurs regards.

Ses lunettes de lecture rabattues sur le haut de sa tête dégageaient son adorable visage et lui donnait un petit air de cheffe que Selim affectionnait tout particulièrement. Au-delà de fondre pour son minois, il la sentait heureuse et pleine d’énergie.

En effet, en la nommant sous-présidente, Loyd avait déclenché chez Nice une envie folle de travailler et de concrétiser des projets pour leur année. Assidue et travailleuse, elle avait emprunté le cahier d’idée de son collègue pour le parcourir. Il y avait depuis dans ses yeux noisette l’ambition de s’appliquer et de se donner à fond dans ses responsabilités.

Qu’elle soit occupée arrangeait bien son petit-ami, parce qu’il avait beaucoup de remords.

Nice et Selim ne dormaient plus ensemble depuis quelque temps. Ils leur avaient fallu des mois de relation pour dépasser ce stade et en une semaine de temps, ils étaient revenus au point mort. Bien que ce dernier l’avait félicité pour son élection, Nice le savait préoccupé. Il était incapable de mentir, mais elle n’osait pas non plus lui demander des explications. Pensant qu’il lui en parlerait au moment venu, elle gardait la tête haute, bien consciente de la légère distance qu’il y avait entre eux. Une distance si imperceptible qu’aucun de leurs amis ne l’avait remarqué.

  • Merci ma petite dame, la remercia Alex en lui jetant un clin d’œil.
  • Monsieur, répondit-elle en faisant une courbette.
  • Mais quel dragueur, j’y crois pas ! le poussa de suite Selim avant de réceptionner sa copie également.
  • C’est ma vengeance personnelle, pour passer autant de temps avec ma copine, rétorqua-t-il, d’humeur à plaisanter.

En reprenant place à côté de sa meilleure amie, Nice fit mine que tout allait bien, mais elle avait bien évidemment remarqué. À défaut de passer du temps avec elle, il rigolait beaucoup avec Faye ces derniers temps. Elle ne lui en voulait pas, parce que derrière sa joie, la rousse avait besoin de rigoler. Conciliante, elle acceptait la situation.

Sylvia reprit les rênes et enchaîna sur le travail :

  • Comme vous pouvez le lire, le but du travail sera de se glisser dans la peau d’un parti politique et de répondre à une problématique au choix parmi les trois proposées ci-dessous et d’y trouver des solutions selon leurs positions… - Elle continua de développer - … Je vous propose de faire des duos...

Elle se fit couper par une main qui se leva très rapidement.

  • Madame, on peut choisir nos groupes ? demanda une élève en faisant la moue.
  • J'y venais. Vous êtes libres de choisir votre partenaire, annonça-t-elle avant que la cohue débute.

Instinctivement, Nice s’apprêta à taper sur l’épaule de Selim pour lui proposer, mais il la devança et se tourna vers Faye :

  • On le fait ensemble pour une fois ? demanda-t-il en la regardant droit dans les yeux.
  • Ah, je… lâcha Nice, coupé dans son élan.
  • Moi, ça me va ! Ça fait longtemps qu’on a plus bossé ensemble, mais Nice, tu voulais le faire avec lui ?
  • Euh… je… oui, mais je peux très bien le faire avec Alex, s’il veut bien ? répondit-elle, un peu mal à l’aise.
  • Avec grand plaisir, sœurette, lâcha-t-il en lui tendant sa main. Je propose qu’on les éclate, ceux qui ont la meilleure note gagnent.
  • D’accord, pouffa-t-elle en tapant dans sa paume.
  • Je vois, elle n’hésite pas à m’abandonner, surjoua Selim qui faisait mine de pleurer, tandis qu’Alex glissait sa main sur celle de Faye, comprenant qu’elle avait besoin de temps avec son “big pote”.
  • Eh ! C’est toi qui n’a pas voulu de moi ! s’exclama-t-elle en se blottissant contre lui.
  • Aïe, touché !

Mimant d’être frappé en plein cœur, la vérité fut que Selim s’en voulait de ne pas l’avoir choisie, mais avec Faye, ils s’étaient compris en un regard. Ils ne pouvaient pas laisser passer cette chance.

En désaccord avec cette idée, Steve se leva de sa place pour venir s’écraser contre Alex et prendre place sur ses genoux :

  • Et moi alors ? Je fais un duo avec qui si tu es pris, mon cœur ?
  • Dégage Steve !! s’irrita immédiatement le blond.
  • Oh, le vilain garçon, mais quel vilain garçon, fit-il en venant frotter son nez contre le sien.
  • Je vais te flinguer…

Essayant de se débattre de ce pot de colle pendant que la troupe rigolait aux éclats, le semblant de bagarre attira l’attention de Sylvia qui vint jusqu’à leurs places pour les calmer.

  • Mais qu’est-ce que vous faites sérieusement ? s’apitoya-t-elle en voyant Alex empoigner les cheveux noirs de Steve pour l’obliger à reculer et ce dernier en train de jouer de ses lèvres pour lui envoyer des bisous volants.
  • Pitié, faite quelque chose, parce que je vais l’encastrer…
  • Vous êtes franchement ridicules, pouffa-t-elle en mettant ses mains sur ses hanches, allez, séparez vous. Steve pourquoi est-ce que tu embêtes toujours les autres, hum ? fit-elle en jetant un œil derrière son dos, tandis qu’il la suivait jusqu’au devant de la classe pour se rasseoir à sa place.

Sensible à son charme, à son regard de braise, malgré elle, qui se posait dans les siens, Steve haussa des épaules.

  • Parce que je suis trop triste de pas avoir de partenaire pour le travail, bouuh bouuuh, fit-il en faisant aller ses poings devant ses joues.
  • Tu n’as pas… Ah, vous êtes un nombre impair, oui. Alors exceptionnellement, il y aura un trio, déclara-t-elle en observant les autres élèves qui chahutaient.
  • Je ne peux pas faire le travail tout seul ?
  • Seul ? La consigne est de travailler en équipe, c’est aussi une difficulté du travail, donc…
  • Vous savez, je suis en quelque sorte un génie, dit-il d’une voix plus posée en s’appuyant contre son bureau, restreignant l’espace entre eux. Je suis tout à fait capable de le faire seul.
  • Steve… lâcha-t-elle avec un soupir. Ce n’est pas négociable.
  • Vous êtes certaine ? Eyh, les gars ! interpella-t-il la classe. Qui veut travailler avec moi ? Vous voyez, personne ne veut de moi, fit-il en prenant une mine triste après qu’il eût un long silence pour réponse.
  • Je ne peux pas te laisser gérer ce travail tout seul…
  • Alors faisons-le ensemble, lâcha-t-il, un sourire en coin. Je parle du travail bien sûr...

Un coup de cahier sur la tête plus tard, Steve se retrouva assis à côté de deux autres étudiants, les mains déposées derrière le crâne. Il préférait se la couler douce, tandis que tous les autres duos commençaient à travailler. Entre la paire “Alex/Nice”, tout à fait inédite, les idées venaient l’une après l’autre, tandis que Selim et Faye perdaient du temps à se jeter des élastiques.

***

Le soir venu, après une séance intensive de câlins avec Alex, Faye donnait l’impression de se promener dans les couloirs de l’internat. Il n’en était rien. D’un pas las, elle traînait des pieds, mouvant son corps tel un pendule jusqu’à la chambre de Selim.

Il fallut peu de temps à celui-ci pour lui ouvrir la porte et la laisser entrer après avoir vérifié le couloir. Comme exténuée, Faye se laissa tomber à genoux au pied de son lit et enfouit sa tête dans les couvertures. Elle releva ensuite ses grands yeux verts un peu tristes et regarda longuement son pote, assis à côté d’elle. Son large t-shirt blanc tranchait avec sa peau hâlée et ses cheveux noirs en bataille. Il jeta sa tête en arrière, puis tout son corps, pour s’affaler à plat ventre contre le matelas et ramper pour faire face au visage de la belle rousse.

  • Tu veux toujours le faire ? demanda-t-il d’un air plutôt sérieux, en venant jouer avec l’une de ses boucles.

Il l’observa lever les yeux au ciel, réfléchir, puis froncer les sourcils. Quand son regard croisa à nouveau le sien, il était déterminé, mélangé à de la crainte et de l’excitation.

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