Chapitre 61 : Girl's time.
L’odeur du café et du chocolat chaud se mêlait à celle des viennoiseries dans une lourde atmosphère. Tant les garçons que les filles autour de la table luttaient contre le sommeil.
Par pur miracle, Steve et Kyle avaient décidé de tenir leur promesse concernant leurs péripéties nocturnes. Ils ne mouflèrent pas, au fond peut-être un peu honteux des dossiers sortis durant la nuit.
Les cernes que portaient les filles indiquaient qu’elles s’étaient tout autant amusées. Ce n’était malheureusement pas le cas de Kimi qui n’osait plus lever le nez de son assiette.
Alors qu’elle se sentait un peu plus légère depuis sa discussion avec Laure et qu’elle avait passé un excellent moment la veille, ce troisième jour commençait mal. Elle avait presque envie de se couvrir de la capuche de son sweat, ultra mal à l’aise des regards de Sky pour peu qu’il lui en avait envoyés.
Le surnom de roi lui collait parfaitement à la peau, mais davantage lorsqu’il était en colère.
Statuant en oblique de la blonde, il paraissait prétentieux, mangeant bruyamment et de manière à ce qu’on le remarque. Il pouvait se montrer extrêmement condescendant et encore plus quand il sentait fatigué et seul. L’air des garçons lorsqu’Ulys avait lâché l’histoire du baiser lui revenait sans cesse en tête et le mettait un peu plus en rogne à chaque fois. Comme d’habitude, il passait non seulement ses nerfs sur les personnes concernées, mais sur celles qui ne l’étaient pas non plus. Kimi n’aurait su dire pourquoi il était énervé, mais elle sentait bien la pression qui tombait sur ses épaules.
Agacée, elle décida de répondre à un de ses regards, mais bien moins méchamment que lui. À ce moment-là, il détourna les yeux vers Loyd. Puis, il se rappela que son seul repère s’était aussi bien amusé de la situation.
Il souffla un bon coup pour marquer encore plus son mécontentement et décida de remonter dans sa chambre. Il était de toute manière bien trop crevé pour skier.
Tout de suite, son départ lança la conversation :
- Il a quoi le gamin, fit Faye avec de gros yeux, sexy de bon matin dans un ensemble confortable unicolore.
- Je n’aime vraiment pas quand il agit de cette manière, ajouta Nice qui tartinait de la confiture sur son pain, à la fois déçue et légèrement fâchée qu’il mette une si mauvaise ambiance à lui tout seul.
- Les garçons ? On peut avoir une réponse ? leur demanda Laure, toute apprêtée bien qu’elle portât une tenue décontractée, investiguant à la place de Kimi.
Les garçons fermèrent les yeux sur la question, regardant ailleurs. Ils tenaient leur accord de ne pas parler de cette soirée. Même Ulys qui aurait pu en jouer préféra regarder le plafond en arrachant un morceau de croissant entre ses dents. La solidarité masculine avait frappé. Laure croisa les bras à côté de Kimi qui paraissait un peu pitoyable dans son gros pull.
- Ah, vous ne voulez rien dire ? Très bien, hocha-t-elle de la tête.
- On se demande quoi vous avez pu parler, ajouta Faye en piquant indirectement Alex.
Si aucun ne comptait lâcher le morceau, l’impassible serait le dernier à le faire, bien qu’il eût de la compassion pour Kimi qui subissait maintenant les foudres de Sky sans raison. Le matin, le grand blond s’enfermait toujours dans ce monde, distrait. Faye ne pouvait résister à ce petit côté rêveur qui venait en contraste avec sa carrure imposante.
- Et si nous discutions de ce soir ? Quels sont les plans ? demanda Kyle qui paraissait extrêmement détendu et trop relax pour que ce soit réel. C’est le nouvel an après tout. J’imagine qu’il y a quelque chose de prévu.
- Hum, acquiesça Loyd qui avala sa bouchée avant de prendre la parole. Les profs en parleront tout à l’heure, mais personnellement je vous conseille de ne pas vous fatiguer sur les pistes aujourd’hui vu qu’on va attendre au moins le décompte de minuit.
Alex baillait à l’idée, puis il s’imagina bien habillé en compagnie de sa belle femme. Il plongea son nez dans le cou de Faye pour lui coller un baiser. Elle fut la seule à se rendre compte de la tension soudaine qui l’épris. Ils n’avaient plus eu un moment à eux depuis plus d’une semaine. Ce n’était pas quelque chose auxquels les autres faisaient attention, mais quand il se mit à jouer avec sa cuillère, ses veines devenant apparentes sur sa main, l’air autour de la rousse devint plus étouffant. Cette ambiance n’existait qu’entre les deux amoureux transis qui rêvaient maintenant de passer un moment seul à seul. L’inconvénient des voyages, c’était qu’ils volaient du temps aux couples par rapport à ce qu’ils pouvaient généralement profiter à l’internat. L’avantage, c’était qu’ils s’amusaient toujours à contourner les règles.
- J’aimerais dodo avec toi ce soir, souffla Selim à l’oreille de la petite Challen qui lui sourit en retour.
Les amoureux se firent un bisou esquimau tandis qu’Alex tendait l’oreille. Ce dernier profita du moment où tout le monde quitta la table pour lui partager une idée :
- Hey, on échangerait bien de chambre avec les filles ce soir ? Pour la nouvelle année, ça pourrait être romantique…
- Hein ? ne comprit-il pas tout de suite.
- Pas nous dans leurs chambres, dit-il en levant les yeux au ciel. Toi, tu vas dans la leur et Faye viens dans la nôtre, tu vois ce que je veux dire ? lui renvoya-t-il ensuite un petit sourire.
- Oooh, fit-il en plissant les yeux et en plantant ses dents dans sa lèvre inférieure, puis en lui donnant son poing sur lequel Alex s’empressa de taper le sien.
Les deux se lancèrent ensuite de gros clins d’œils exagérés avant de se bagarrer gentiment, démontrant toute leur complicité devant les filles. Elles n’étaient pas certaines de savoir laquelle des cases leur manquait. Les duos de copines décidèrent de passer la journée à profiter des services de l’hôtel pour se reposer, et notamment du ping…
- “Pong”, lâcha Faye en tapant sa raquette contre la balle qui atterrit directement sur le front de Nice.
Cette dernière recula de quelques pas avant de l’attraper entre ses mains. Prise d’un fou rire, Faye s’empressa de contourner la table pour la rejoindre et vérifier son front, inquiète :
- Mon Dieu, désolée, pouffa-t-elle en la voyant se pourvoir d’un petit air adorable. Tu n’as pas eu trop mal ? Oh non, désolée, n’arrêta-t-elle pas de s’excuser en la prenant dans ses bras.
À la table d’à côté, un combat féroce se présentait entre Laure et Kimi dont les échanges devenaient de plus en plus rapide et bruyant. Toute deux très compétitives, les passes et coups furtifs durèrent encore tout un temps jusqu’à l’épuisement. Faye et Nice, sur laquelle la rousse avait collé un pansement au front pour la blague, suivaient le jeu des yeux.
- Arrête de renvoyer cette foutue balle, articula distinctivement Laure qui se mouvait de part et d’autre de la table.
- Aaah ! Tu m’énerves ! s’exclama Kimi qui tapa violemment dans la balle, celle-ci s’envolant dans la salle pour rebondir dans tous les coins.
- Ha ! Grave erreur, ça fait de moi la gagnante, fit Laure en se dandinant et claquant des doigts.
- Non mais, tu veux pas te la péter plus, l’imita Faye.
- Quelque chose à rajouter ? Ce n’est pas parce que tu as mis un décolleté que tu es plus belle que moi, la provoqua Laure.
- Je vois qu’on est remontée, vint-elle à son tour la confronter. Presque autant que tes seins, lui renvoya-t-elle tandis que Laure exagérait son attitude choquée.
Nice était encore accroupie, les mains sur la tête, regardant depuis son bas de point de vue les deux filles jouer à la plus pétasse. Faye finit par lui sauter dessus pour lui ébouriffer les cheveux : grave châtiment qui lui valut des coups de raquettes. Le gros soupir de Kimi les arrêta toutes dans leurs activités. Elles l’interrogèrent de regards curieux :
- Ah, je… Je me demandais juste… Ce qu’il avait, fit-elle en détournant son visage et se mordillant la lèvre.
- Sky ? C’est un abruti, fit Laure pour la réconforter. Quand il est crevé, il est pire qu’une fille qui à ses règles. Alors si les garçons on eut le malheur de le titiller, que Dieu vous protège !
La remarque qui les fit pourtant rire fut difficile à digérer pour Kimi. Elle se sentait concernée.
***
Au repas de midi, pendant lequel Sky semblait plus démoralisé qu’en colère, les professeurs appelèrent Nice et Loyd au milieu du large restaurant pour faire une annonce. Galant, le jeune Akitorishi permis à sa camarade de parler en première :
- Un petit peu de silence, s’il vous plaît, réclama-t-elle en tapotant doucement dans ses mains.
Ce que Nice exigeait, Nice obtenait. Tout en passant une main dans sa chevelure noire dégagée, elle sourit à l’assemblée :
- Ce soir, vous le savez, c’est le nouvel an. Puisque nous vous avons arrachés à vos familles pour le séjour, nous avons décidé de le fêter ici même, expliqua-t-elle, les mains jointes. Malheureusement, pour des raisons de respect envers les autres résidents qui sont venus également fêter la nouvelle année en toute tranquillité, nous ne pourront pas faire de petite soirée comme nous l’aurions voulu. Cependant, le repas de ce soir sera festif et agencé spécialement pour l’occasion par les grands chefs. Le menu restera une surprise jusqu’à ce soir, mais sachez que jusqu’aux douze coups de minuit, nous pourrons profiter des salles de sports pour au moins nous réunir, mais il ne sera pas question d’être trop bruyants.
- Sachez aussi, les amis, que nous vous réservons malgré tout une petite surprise, ajouta Loyd. Alors jusqu’ici profitez bien de votre journée, dit-il en octroyant un regard à Sky.
Malgré les exigences, les étudiants appréciaient l’idée de pouvoir profiter de la soirée dans un contexte chaleureux. L’hôtel offrait un cadre magnifique pour débuter une nouvelle année. La passer avec ses copains paraissait tout aussi alléchant ainsi qu’en couple la nuit arrivée.
Une fois le repas terminé, les filles décidèrent de remonter dans leur chambre pour enfiler leurs maillots sous leurs vêtements et passer une tête dans les bassins extérieurs qui offraient une vue splendide sur la montagne.
Dans le couloir avant de se changer, elles tombèrent sur les garçons :
- Vous venez vous baigner avec nous ? proposa Faye, enjouée à l’idée de se bagarrer dans le bassin avec son apollon.
- 'Semble être une bonne idée, répondit Alex.
- Je ne suis pas certaine de vouloir être dans le bassin avec vous deux, lâcha Laure. Oh, je plaisante les enfants ! s’exclama-t-elle en voyant leurs têtes. Venez, tous autant que vous êtes ! Les garçons ? fit-elle à l’égard de Loyd et Sky, Kimi attendant derrière pour leur réponse.
- Non pour moi, lâcha le brun, toujours de mauvaise humeur.
Loyd hésita un instant en voyant l’air déçu qui se dessinait sur le visage de Laure. Elle avait l’impression de pas avoir pu profiter du tout de lui durant le voyage. Elle ne réussit pas à lui cacher sa moue, mais Loyd décida tout de même de refuser l’invitation à contre cœur. Il préféra suivre son meilleur ami jusqu’à dans leur chambre.
En voyant ce dernier s’affaler dans le lit, capuche sur la tête, Loyd s’appuya contre un mur et le fixa.
- Combien de temps tu comptes encore bouder ?
- Je boude pas.
- À peine, ironisa-t-il en levant les yeux au plafond.
Il se jeta à son tour dans le grand lit et se planta aux côtés de Sky, couché sur le dos, la tête déposée sur le coussin derrière sa nuque. Il le vit fuir son regard et préféra donc mettre les pieds dans le plat :
- Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu l’avais embrassée ? Il me semblait qu’on avait décidé de tout se dire. Surtout concernant les filles.
- Tu… s’arrêta-t-il pour se pourlécher les lèvres. C’est arrivé avant qu’on se réconcilie et… ce n’était de toute manière pas ce genre de baiser… appuya-t-il ses mots avec des gestes simples.
- De quel genre de baiser tu parles ? demanda-t-il, en croisant ses jambes au bord du lit, s’étendant en arrière pour l’observer.
- Le genre… que…
Il fronça les sourcils.
- Que je connais pas, répondit-il agacé. Il y avait aucun sentiment.
- Alors pourquoi tu l’as fait ?
- Mais parce que… !
Sky se releva pour lui raconter l’incident d’Halloween. Bien que triste pour Kimi, il fut peu convaincu des arguments qu’il lui avançait.
- Du coup, tu as jugé que la meilleure solution, c’était de l’embrasser ?
- Tu peux pas comprendre ! s’agaça-t-il. Tu n’y étais pas, tu ne l’as pas vu… C’était… Je ne l’avais jamais vue aussi… Ça se voit qu’elle a souffert et Ulys le sait. C’est pour ça qu’il me les casse, parce qu’il a parlé d’un truc hyper perso qui touche le passé de Kimi. Ça ne se fait pas.
- C’est seulement à cause de ça ? Que tu es fâché ? investigua-t-il un peu plus.
- Je suis pas fâché… répondit-il avec une mine qui démontrait tout le contraire. Et puis, quoi… Pour quoi d’autre ?
- Je ne sais pas, dis-moi, ça ne t’a rien fait de l’embrasser ? demanda-t-il un petit sourire coquin aux lèvres, espérant qu’il y craque.
Le brun fit aller sa mâchoire puis montra une expression embêtée.
- Nan… ? Des filles, j’en ai embrassé plein, je vois pas pourquoi sous prétexte que ce soit Kimi, ce serait différent ?
- Parce qu’on embrasse jamais une fille sur un coup de tête…
- Ah ouais. Donc pour Nice, il y avait une raison ? se vengea-t-il, excédé.
Touché en plein mille, Loyd baissa la tête, puis remonta ses yeux topazes dans les siens. Il n’eut besoin d’exprimer sa déception et sa rancœur avec des mots. À la place, il frappa fort :
- J’imagine que pour Laure non plus ?
Sky finit dans le même état, mais baissa complétement les yeux, honteux.
Loyd reprit après s’être calmé, chassant l’air de ses narines :
- Ok. C’est vrai, parfois on embrasse des filles sans raison ou parce qu’on a joué aux cons, mais… C’est Kimi.
- Et alors ? rétorqua-t-il, refusant d’admettre quoi que ce soit à ce sujet.
- C’est fou à quel point tu peux être têtu… Tu peux vraiment être borné.
- Toi aussi apparemment, je te dis que je n’ai rien…
En sentant son cœur s’emballer, Sky préféra mettre cette réaction sur le compte de la colère. Il passa ensuite une main sur son visage, étirant ses traits dans une grimace, puis regarda Loyd un long moment.
- On va quand même pas encore se disputer pour une histoire de meufs ?
- Je n’en ai pas envie, répondit-il honnêtement.
En un fragment de seconde, et un échange de sourires, complices, la guerre était finie. Sky étira ses bras derrière sa tête et passa à autre chose :
- Et toi ? C’est quoi ce petit truc que tu as prévu avec Laure ? le taquina-t-il un peu.
- Chut, fit-il en lui mimant de se taire. Tu ne veux rien me dire, dit-il ensuite en se levant. Alors, je ne te dirais rien, se dirigea-t-il vers la porte tel un paon.
- Tu fais chier, Loyd ! Je n’ai rien à te dire, je te dis ! s’énerva-t-il en lui balançant une chaussette à la figure qu’il évita facilement.
Ce dernier disparut à reculons dans l’entrebâillement de la porte et lui jeta une dernière pique : “Tant pis pour toi”, fit-il tout en haussant les épaules avant de le laisser seul sans aucune fille avec qui profiter.
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