Le Kraken
- Quelle est cette condition ? demandé-je au roi de la terre Adam.
- C'est simple : une fois que Kaï sera guéri, vous devrez me rapporter le charbon. Il est une relique importante pour notre famille et nous nous devons de le conserver précieusement au cas où.
- C'est entendu.
- Bien, je vais vous le donner.
Il replie le parchemin, le range à sa place et quitte la salle. Nous lui emboitons le pas. Nous traversons le tunnel en sens inverse et montons les escaliers. Une fois que nous nous retrouvons dans le hall d'entrée, il ferme la porte en bronze à clef et monte l'escalier principal. Nous traversons de nombreux couloirs avant d'arriver devant deux battants métalliques. Il les ouvre, dévoilant un salon meublé d'un canapé en bois sculpté recouvert de velours couleur émeraude et de plusieurs chaises identiques. La table qui trône au centre de la pièce est en bronze et de nombreuses étagères pleines de livres recouvrent les murs. Il se dirige vers l'une d'elles et tire l'un des ouvrages. Aussitôt, le meuble glisse sur le côté, révélant une petite pièce secrète. Dedans se trouve un coffret en bronze. Le roi de la terre le prend précautionneusement et se tourne vers nous pour l'ouvrir, révélant un petit charbon.
Il nous explique :
- Voici le charbon de Gaïa. Il vous suffit de le faire avaler tout rond à Kaï. Il ne tardera pas à le recracher et une fois que ce sera fait, vous devrez éteindre la flamme qui l'embrasera, puis le remettre dans ce coffret et me le rendre. Est-ce bien clair ?
Nous hochons la tête. Il poursuit, en nous tendant la boite en bronze :
- Je vous le confie, prenez-en grand soin.
Je le prends et fais la révérence au roi de la terre, en lui disant :
- Merci infiniment ! Nous vous sommes éternellement reconnaissantes.
- Ne me remerciez pas. C'est pour mon ami que je le fais. D'ailleurs, vous feriez mieux de retourner à ses côtés. Le plus tôt sera le mieux.
- Vous avez raison. Au revoir.
- Au revoir, mes amies. Puissent nos chemins se recroiser dans de plus joyeuses circonstances.
- Nous le souhaitons aussi, lui avoue Éoline.
Sur ce, nous tournons les talons et quittons la salle, puis le château. L'aigle de mon amie nous attend patiemment devant ce dernier. Nous montons sur son dos et la jeune femme aux longues boucles blanches reprend les rênes. Elle donne deux petites tapes sur le plumage brun de l'animal, qui prend aussitôt son envol. Nous survolons les jardins, les champs et le canyon que nous avons traversé un peu plus tôt dans la journée. Il ne nous faut qu'une heure pour quitter le ciel du royaume de la terre, mais le crépuscule est déjà là. Il ne nous reste plus que quatre jours pour sauver le roi de l'eau.
Nous survolons le vaste océan qui sépare tous les continents. Le vent souffle de plus en plus fort, rendant les vagues plus hautes et tumultueuses. Le ciel se couvre d'épais nuages gris. J'ai un mauvais pressentiment . . . Éoline semble partager cette sensation car elle déclare :
- On dirait qu'une tempête se prépare . . . Il n'est pas prudent de voler par un temps pareil. Nous ferions mieux de trouver une île où nous poser en attendant le retour du beau temps.
- Et qui nous dit qu'il reviendra rapidement ? Je te rappelle que le temps nous est compté, nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre !
- C'est vrai, mais s'il nous arrive quelque chose, ce sera encore pire . . .
- De toute façon, je ne vois aucune île où nous pourrions nous poser.
- J'espère que nous en trouverons une rapidement.
Elle a à peine le temps de finir sa phrase qu'un orage éclate. L'éclair illumine la nuit pendant une fraction de seconde, bientôt suivi par le bruit fracassant du tonnerre. La jeune gardienne de la cité de l'air baisse en altitude, en m'informant :
- Il vaut mieux rester le plus bas possible afin d'éviter d'attirer la foudre sur nous.
- Oui, mais ne descends pas trop bas, sinon, ce sont les flots qui nous emporteront.
- Je sais, je dois trouver un juste milieu.
Elle guide son aigle du mieux qu'elle peut au milieu de la tempête. D'ailleurs , la pluie ne tarde pas à s'abattre sur nous à son tour. Éoline esquisse une grimace :
- On est vraiment mal, là . . . Si le plumage d'Adler devient trop alourdi par l'eau, c'est la chute assurée !
- Oh, nous aurions dû emmener un habitant du royaume de l'eau avec nous afin qu'il nous protège de la pluie.
- Oui, mais nous ne l'avons pas fait alors nous allons nous débrouiller sans. Prends les rênes, s'il te plait. Pour l'instant, tout ce que tu as à faire, c'est les tenir bien droits afin qu'Adler continue à avancer dans cette direction.
Je m'exécute et mon amie se sert de sa maitrise de l'air pour dévier les gouttes de pluie afin qu'elles ne nous atteignent pas. Voilà qui est ingénieux ! Décidément, elle n'est jamais à court de ressources !
Nous nous croyons sorties d'affaire lorsqu'Éoline me crie :
- Attention !
Je tourne la tête pour voir un énorme tentacule sortir de l'eau et se jeter sur nous ! Je pousse un cri de surprise, mais heureusement, Adler esquive l'attaque en reculant brusquement. Nous nous rattrapons de justesse à ses plumes. Un autre bras couvert de ventouses sort de l'eau, suivi d'un autre et d'un autre encore, jusqu'à ce qu'ils soient huit. Huit immenses tentacules gesticulant dans tous les sens ! Nos yeux s'écarquillent d'horreur face à ce spectacle des plus terrifiants ! Je demande, d'une voix incrédule :
- Qu'est-ce que c'est ? !
- Je crois que c'est l'un des monstres de la légende . . . Le terrible Kraken !
Elle a à peine le temps de finir sa phrase que le monstre lance à nouveau ses tentacules sur nous, qu'Adler esquive encore une fois avec une grande agilité. Je demande à mon amie :
- Et que fait-on, maintenant ?
- Nous ne pouvons pas monter plus haut, sans quoi la foudre nous tombera dessus, mais si nous restons ici, nous nous ferons tuer !
- Nous n'avons donc plus qu'une seule option, conclus-je en me mettant debout sur le dos de l'aigle.
Je me sers de ma maitrise du feu pour envoyer une grande flamme sur le tentacule qui nous assaille. Nous entendons un cri terrible provenir des profondeurs de l'océan, tandis que le bras ventousé replonge dans l'eau. Cela ne semble pas pour autant dissuader la créature, car elle nous assaille à nouveau avec fureur ! Je lance des flammes pour parer chacune de ses attaques, brûlant ses tentacules au passage, mais il lui suffit de les replonger dans l'eau pour éteindre le feu. Mes attaques ne sont donc pas très efficaces.
Un nouvel éclair jaillit, non loin de nous, et cela me donne une idée. Cependant, à la moindre erreur de ma part, c'en sera fini de moi, mais je n'ai pas d'autre choix . . .
J'attends patiemment qu'un éclair jaillisse à nouveau près de nous et tends mon bras dans sa direction. Je me sers de mon autre main pour contrôler le feu céleste et guider la foudre à travers mon corps afin qu'elle ne touche pas mes points vitaux. Je ferme les yeux pour me concentrer car il suffit d'un moment d'inattention pour perdre le contrôle. Une fois que la foudre atteint mon autre bras, je le tends en direction du tentacule que brandit en l'air le Kraken. L'éclair ressort de l'autre côté et foudroie le monstre de plein fouet. La décharge se répend dans tous son corps et nous l'entendons pousser un terrible hurlement avant qu'il ne disparaisse complètement sous les flots.
Je me laisse alors tomber, épuisée à cause de la quantité importante d'énergie que j'ai dû dépensé. Mon amie me rattrape dans ses bras et me demande, inquiète :
- Est-ce que ça va ?
- Oui, juste un coup de fatigue, répondé-je, essoufflée.
- C'était incroyable, Oriane ! Je n'ai encore jamais vu quelqu'un faire une chose pareille !
- C'est normal, tu sais ? La foudre est le feu du ciel alors je suis dans la capacité de le contrôler. Je pense que n'importe quel habitant de l'empire du feu en est capable.
- J'en doute . . .
Nous nous sentons soudainement tomber ! Je m'exclame :
- Qu'est-ce qui se passe ? !
- Oh, non ! Je n'ai pas protégé Adler de la pluie pendant le combat ! Son plumage est trempé ! Il ne peut plus voler !
Je n'ai pas le temps de répondre à cela : une vague nous frappe de plein fouet et nous sombrons tous les trois dans les profondeurs de l'océan . . .
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